Chopin

Contagion

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sand_chopinLa croyance à la contagion de la phtisie, que les modernes expérimentations tentent aujourd’hui à faire envisager comme scientifique existait depuis longtemps déjà au fond de la croyance populaire.

George Sand nous fournit dans sa Correspondance une curieuse preuve de cette croyance. Elle voyageait en Espagne, dans le courant de l’année 1839, avec Chopin, déjà atteint de la maladie (phtisie pulmonaire) qui devait l’emporter dix ans plus tard, et venait de s’établir à Mayorque.

« Au bout, d’un mois, » écrit-elle, « le pauvre Chopin, qui, depuis Paris allait toujours toussant, tomba plus malade et nous fîmes appeler un médecin, deux médecins, trois médecins, tous plus ânes les uns que les autres, et qui allèrent répandre dans l’île, que le malade était poitrinaire au dernier degré. Sur ce, grande épouvante ! La phtisie est rare dans ces climats et passe pour contagieuse. Joignez à cela l’égoïsme, la lâcheté, l’insensibilité et la mauvaise foi des habitants. Nous fûmes regardés comme des pestiférés et de plus comme des païens, car nous n’allions pas à la messe. Le propriétaire de la petite maison que nous avions louée nous mit brutalement à la porte et voulut nous intenter un procès, pour nous forcer à recrépir sa maison infectée par la contagion. La jurisprudence indigène nous eût plumés comme des poulets. »

Les tribulations des deux voyageurs recommencèrent à Barcelone. Au moment où ils quittaient l’auberge dans laquelle ils étaient descendus, l’hôte voulut leur faire payer le lit où Chopin avait couché, sons prétexte qu’il était infecté et que la police lui ordonnait de le brûler.

« La Médecine nouvelle : organe de l’Institut dynamodermique. » Paris, 27 juin 1891.

Un petit encouragement…

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anton-rubinsteinDe ses pérégrinations artistiques en Russie, Mlle Nikita a rapporté une jolie anecdote sur les premiers concerts de Rubinstein, anecdote qui a le mérite d’être absolument authentique et confirmée par M. le général Smirnoff à Saint-Pétersbourg, lequel a joué un rôle dans cette historiette.

Antoine (Anton) Rubinstein avait treize ans à peine et étudiait à Nijni Novgorod, où le fils du gouverneur, actuellement M. le général Smirnoff, de quelques années plus âgé que le petit artiste, s’était lié intimement avec lui et le protégeait. Rubinstein était très pauvre et le jeune Smirnoff, pour lui venir en aide, imagina d’organiser un concert. Grâce à l’influence de son père,il obtint la salle de spectacles de la ville moyennant sept roubles argent, qui représentaient les frais d’éclairage, et le concert, dont Rubinstein remplissait tout seul le programme, rapporta un bénéfice net de 4 roubles 75 kopecks.

Ce résultat mirifique invitait naturellement à une nouvelle tentative le futur auteur de Néron. Mais son second concert n’attira qu’un seul amateur qui loua, moyennant 75 kopecks, un fauteuil des premières.

Le petit Rubinstein, pour récompenser ce noble dilettante, se surpassa. Toutes les primeurs de Mendelssohn et de Chopin, alors encore vivants,furent jouées par lui sans provoquer un seul applaudissement. Après deux heures d’une course prodigieuse sur le clavecin, Rubinstein s’arrêta, et s’adressant poliment à son « public », lui demanda humblement si son jeu ne méritait pas un petit encouragement. Le dilettante présent tendit l’oreille d’une façon significative pour saisir les paroles du petit artiste.

Anton Rubinstein constata alors, avec stupéfaction, que son unique auditeur était… sourd comme un pot. Ce singulier dilettante, fonctionnaire en retraite, fréquentait les concerts pour masquer son infirmité !

« Le Ménestrel. » Paris, 1894.
Peinture : Ilia Répine.

L’art et le métier

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Dans ses moments d’abandon, Chopin, qui détestait les virtuoses brillants, les pianistes à difficultés, les faiseurs de tours de force, reproduisait sur son instrument favori leurs formules habituelles et les chargeait avec une verve qui faisait naître le fou rire. 

Un jour il apprend qu’un virtuose, venu d’Allemagne, excitait à Paris une frénétique admiration par l’outrecuidante perfection avec laquelle il exécutait les plus merveilleuses variations de piano qu’on eût jamais entendues. Chopin fut curieux de voir et d’ouïr cette célébrité de fraîche date, et une rencontre fut ménagée entre les deux pianistes. 

Le phénomène allemand exécuta son morceau de manière à faire pâmer son antagoniste de plaisir ou de jalousie. Chopin le pria de recommencer une première et une seconde fois, ce qu’il fit de la meilleure grâce. 

Encore effrayé de cette exécution prodigieuse, Chopin supplia le virtuose de jouer une fantaisie alors à la mode, lui déclarant que s’il s’en tirait aussi bien que de la précédente, il n’essayerait même pas de lui disputer la palme. 

— Je ne jouerai pas d’autre morceau, dit le phénomène. 
— Pourquoi ? 
— Parce que je n’en sais pas d’autre. 
— Depuis combien de temps étudiez-vous celui que vous venez de jouer ? 
— Depuis vingt-sept ans. 

Chopin ne retourna plus voir de phénomènes, et quand on lui parlait de quelque virtuose dont la renommée éclatait subitement, il se contentait de sourire et de raconter son aventure. 

« Almanach de la littérature, du théâtre et des beaux-arts. » Paris, 1860.

Le piano homicide

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Il paraît que le piano a autant d’ennemis au-delà du Rhin que chez nous. Des médecins allemands viennent de constituer une ligue contre l’abus du piano. Ils certifient que la pratique prématurée de cet instrument est la cause de nombreux troubles nerveux.

Ils rendent le clavier sonore et trépidant responsable des névropathies féminines et ils donnent comme argument probant la mortalité précoce qui a souvent frappé les pianistes en renom.

Mozart, Chopin, Mendelssohn, Schumann sont morts à la fleur de l’âge.

Les docteurs allemands demandent donc, pour conclure, que les études du piano ne commencent jamais avant l’âge de seize ans. A cet âge, il est à prévoir que beaucoup renonceront à une étude ingrate entre toutes au début. Et c’est bien là-dessus que comptent les médecins dont le voeu, très probablement, restera  lettre morte.

« Magazine universel. » Paris, 1903.

Le poids d’un morceau de piano

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Un compositeur allemand a voulu estimer en poids l’effort fait par un pianiste.Il a estimé à 110 grammes le minimum de la pression du doigt pour enfoncer complètement une touche « pianissimo ».

La dernière étude de Chopin, en ut mineur, renferme un passage qui dure deux minutes cinq secondes et ne pèse pas moins de 3,130 kilogrammes. Dans la Marche funèbre du même compositeur, il y a un passage où se rencontre toute l’échelle des nuances, depuis le « pianissimo » jusqu’au « fortissimo »;  ce passage demande un effort de 384 kilogrammes dans l’espace d’une minute et demie et c’est la nuance « pianissimo » qui domine.

« Curiosités historiques et littéraires. » Eugène. Muller, Paris, 1897.