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Les crus de Paris

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argenteuil-vendangesVendanges seront bientôt faites au pays de France, et, notre premier vigneron a déjà jeté le coup d’œil, du maître, le seul valable, sur les ceps du Loupillon.

Déjà aussi nous avons appris par les journaux les prix fabuleux que rapporta la treille de Fontainebleau, la treille dite du roi, à cause qu’elle fut plantée sur l’ordre de Henri IV. Même en République la royauté a encore du bon, et n’a pas perdu toute sa valeur. Mais nous n’entendrons plus parler des treilles parisiennes : il n’en restera bientôt plus que dans les jardins du Sénat. Et, cependant, Paris fut, au temps jadis, un vignoble assez réputé. Il n’y a pas bien loin encore qu’au bout de l’avenue de Saint-Ouen, un aubergiste vendait le vin de ses propres vignes, et, chaque an, les vrais Parisiens ne manquaient pas d’aller, le dimanche, boire un pichet de vin de Paris.

L’installation de grands chantiers de charbon a fait disparaître et les vignes et l’auberge.  Les dernières vignes qui restaient à Montmartre sont mortes sous les coups des démolisseurs : c’est à peine si on ose encore parler des pauvres ceps amaigris, qui grimpent autour du dernier Moulin de la Galette, de la maison au toit de chaume, ou, dans le fond des cours, aux murs de quelques très vieilles maisons qui vont tomber bientôt elles aussi. En descendant de la Butte vers le quartier de la Chapelle, il n’y a plus rien qu’un nom : la Goutte-d’Or. Ce nom rappelle un vin blanc renommé qui fit fortune aux cabarets du XVIIIe siècle jusqu’après le Directoire.

Mais les vignes de Paris sont bien mortes. Même le petit « Suresnes » s’est transformé depuis la fameuse chanson, et, c’est à peine si maintenant nous pouvons avoir du véritable Argenteuil.

« La Semaine politique et littéraire de Paris. » Paris, 1912. 
Photo : vendanges à Argenteuil.

Expertise

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vins

On affirme qu’il n’y a qu’une catégorie d’experts qui ne se soient jamais trompés : les experts en dégustation. Rien ne pourrait leur faire donner une appréciation fausse et erronée. Je veux vous en donner la preuve par cette anecdote.

Un expert dégustateur en Bourgogne en entrant dans une cave, glisse et se fend le crâne. On accourt, on s’empresse autour de lui et comme il n’y a pas d’eau sous la main pour laver sa blessure, un tonnelier la baigne dans une sapine remplie de vin tiré à la première barrique venue. 

Le blessé ouvrant un œil mourant et faisant claquer sa langue au palais, murmure alors avec effort: « Pommard 1800, bonne cuvée ! » puis il referme l’œil, se raidit et rend l’âme. 

Voilà ce qui s’appelle un expert. Cette mort, dans son genre, est aussi belle que celle du soldat de Marathon.

« La Joie de la maison. » Paris, 1895.

Vin hospitalier

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ivresseIl est curieux de connaître la consommation de vin et de spiritueux que font les hôpitaux de Paris. Le mardi 11 septembre, on a procédé à l’adjudication de 1 245 000 litres de vin pour le service de la cave centrale des hôpitaux pendant six mois à partir du 1er octobre 1883.

Les vins à fournir sont de plusieurs sortes : il y a 110 000 litres de vin de Roussillon, 110 000 de vin de Lapalme, 110 000 de vin de Lot-et-Garonne, 220 000 de vin du Gers, 220 000 de vin de l’Hérault, 110 000 de vin de Mirepeisset,110 000 de vin du Minervois, 60 000 de vin de Bordeaux de 1881, 70 000 de vin de Bagnols, 10 000 de vin de Bordeaux blanc de 1879, 2 500 litres de vin d’Espagne blanc, 2 500 litres de vin de Picpoul blanc. 

Egalement, les spiritueux à fournir pour le quatrième trimestre 1883 se composent de 20 000 litres d’alcool du Nord, 10 000 litres de rhum, 3 000 litres d’eau-de-vie.

Si on juge de la consommation des gens bien portants par celle des malades, on peut affirmer que Paris est une des villes où l’état de marchand de vin offre le plus de chances de succès.

« Les Annales politiques et littéraires. » Paris, 1883.
Peinture de Jan Steen.

Ivresse passagère ?

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champagne

Louis-Philippe voyageant en Champagne, M. Moet lui donne l’hospitalité du couvert.

M. Moet était sourd. Il avait entendu tant de bouchons détonner ! Au dessert, il n’en porte pas moins le protocolaire toast d’usage.

Merci, répondit Louis-Philippe, mais votre vin était si bon que je redoute une petite pointe d’ivresse.

Alors M. d’Argoût, un des convives, ne voulant point perdre l’occasion de faire sa cour ripostait : 

— Oh ! Sire, il ne peut éclater ici qu’une ivresse, celle où votre présence si désirée plongerait vos sujets fidèles.

Et M. Moet, qui n’avait pas entendu ce qu’avait dit M. d’Argoût, reprenait tout aussitôt :

Oh ! pour cette ivresse que Votre Majesté ne craigne rien. C’est l’affaire d’un tout petit quart d’heure !

« Le XIXe siècle. »Paris, 1911.

Un cabaret de campagne au grand siècle

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cabaret-Marchal

Au dix-septième siècle, Auteuil, dont les derniers jardins disparaissent pour faire place à des maisons de rapport, était un calme lieu de villégiature, avec des vignes, des prés, des chaumières, des bois, et le village comptait à peine cinq cents habitants.

Boileau, qui a célébré son jardin et son jardinier d’Auteuil dans une épître bien connue, pratiquait largement l’hospitalité. Il attira Racine et Molière dans cette tranquille retraite. C’est à Auteuil que racine composa ses joyeux Plaideurs, et la légende prétend qu’il en écrivit plusieurs scènes au sein de festins qui se prolongeaient pendant une bonne partie de la journée, sous les tonnelles du cabaret du Mouton Blanc, rue d’Auteuil. Une enseigne de restaurant en rappelle encore le souvenir aujourd’hui. Souvenir qui se mêle à celui de nos plus belles gloires littéraires.

Tous les grands écrivains, ainsi que leurs amis, quittaient à Auteuil les soucis de la grand’ville. Ils devaient accrocher aux patères du Mouton Blanc les majestueuses perruques qui leur donnaient un air si imposant.

Il y avait bien à Auteuil une source d’eau minérale, qui coulait dans le village, et qui passait pour avoir des propriétés ferrugineuses. On la recommandait pour soigner l’anémie et les défaillances du foie. Il existe même un ouvrage, vieux de plusieurs siècles, rédigé par Pierre-Habert Escuyer, « médecin ordinaire de Monseigneur, frère unique du Roy », qui s’intitule Récit véritable des vertus et propriétés des eaux minérales d’Auteuil.

Mais ce n’est pas pour boire de l’eau ferrugineuse que Boileau et ses compagnons venaient à Auteuil. D’ailleurs, on ne servait pas d’eau au Mouton Blanc, et ils pratiquaient plutôt une cure de ce petit vin guilleret dont les contemporains disent tant de bien et que produisaient les coteaux qui descendent vers la Seine. Ils poussaient même parfois l’amour du vin d’Auteuil assez loin. Mais cela n’était pas trop mal vu à cette époque, et le médecin Fagon n’avait-il pas guéri Louis XIV par une cure de Bourgogne ?

Bref, un beau soir où la dose de reginglard avait peut-être été exagérée (mais on était en pleine canicule et c’était déjà une circonstance atténuante) après quelques discussions philosophiques et littéraires qui les avaient encore altérés, ces bons vivants décidèrent soudain, dans un de ces accès de mélancolie qui naissent au milieu des plaisirs les plus exubérants, que la vie était une bien piètre aventure et que mieux valait en finir tout de suite avec cette marâtre. Et, d’un bel enthousiasme, ils se levèrent pour courir jusqu’à la Seine.

Mais Molière, qui souffrait déjà de la maladie qui devait l’emporter et qui, ce soir-là, n’avait bu que du lait, démontra à ses amis qu’un si noble exploit ne pouvait s’accomplir nuitamment, mais en plein midi, devant un grand concours de peuple.

On écouta le sage Molière. On remit au lendemain cette action si valeureuse et l’on alla se coucher, après une dernière rasade. Inutile d’ajouter que ces désespérés se réveillèrent la tête un peu lourde et un peu honteux de leur stupide projet…

« Le Pêle-mêle : journal humoristique hebdomadaire. » Gaston Derys, Paris, 1930.
Illustration : « Un Cabaret à Bouxwiller. »  Marchal, 1876.

 

 

Cola de communion

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pretre.Extrait d’une lettre adressée par le Révérend R. H. Rice, de l’Eglise libérale de Denvers, à une fabrique de Coca-cola, boisson rafraîchissante : 

Monsieur le directeur,

A cette époque de prohibition, vous avez entendu dire qu’en de nombreuses églises on a remplacé le vin de communion par de l’extrait de grappes non fermenté. Nous sommes fiers d’être les premiers à faire usage du coca-cola.

Dimanche dernier, pendant la communion, une grande bannière portant le nom  Coca-Cola fut déployée.

La pureté. la qualité et le goût excellent de votre breuvage justifient l’usage que nous en faisons, et nous espérons que beaucoup d’autres congrégations suivront notre exemple.

« Mercure de France. »  Paris, 1927.
Illustration : montage personnel.