sel
Vieille superstition
Si l’on renverse ou voit renverser une salière à table, il faut, selon la superstition, prendre sur la lame de son couteau quelques grains du sel répandu et les lancer par-dessus l’épaule gauche en prononçant la formule romaine : Sinistrum.
Pourquoi ? Je n’en sais trop rien. Quoi qu’il en soit de cette conjuration, il est incontestable que le sel joue un rôle capital dans les relations humaines. Le sel a toujours été considéré comme substance sacrée. Est-ce une vague réminiscence du berceau du monde, la mer ? Les bulles d’excommunications défendent de donner à l’excommunié l’eau, le feu et, le sel. Le prêtre fait fondre le sel dans de l’eau lustrale et, pour la cérémonie de baptême, on en met une pincée sur la langue du petit chrétien. Quand on rasait une demeure maudite, on semait du sel. La femme de Loth a été changée en statue de sel.
Le pain et le sel sont le symbole de la l’hospitalité, et en même temps un pacte d’amitié. Renverser la salière, c’était refuser l’asile, c’était être l’ennemi.
Autrefois, on avait coutume, dans quelques états, de fournir gratuitement le sel dans les familles qui comptaient plus de douze enfants. En ce temps-là, les produits de la terre suffisaient à nourrir ceux qui la cultivaient, l’argent étant très rare et le sel de première nécessité. Aussi on en avait soin, et les ménagères voyaient la menace d’un malheur quand il s’en répandait à terre.
Le sel emporte donc avec lui une sorte de respect que la superstition exagère, en voyant un présage de mauvais augure dans l’action de le renverser. Aux temps anciens, les esclaves chargés de transporter le sel étaient punis de mort quand ils en répandaient à terre.
« L’Avenir du Cantal. » Aurillac, 1902.
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