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Pascal et les omnibus

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omnibusMonsieur Adolphe Hatzfeld, l’éminent professeur de rhétorique à Université de Paris, avait écrit dans les Annales, un article sur « Blaise Pascal, inventeur des omnibus ». Il en est détaché l’extrait suivant :

Chacun sait la place qu’occupe Pascal parmi les savants illustres, soit qu’il compose, à seize ans, un traité des sections coniques, soit qu’il donne la théorie de la cycloïde, soit qu’il complète les expériences de Torricelli sur la pesanteur de l’air. Ce qui est moins connu, peut-être, c’est que ce génie extraordinaire ne fut pas moins original dans la pratique que dans la théorie, dans les applications de la science que dans la science elle-même. En 1642, à l’âge de dix-neuf ans, afin de faciliter les calculs dans lesquels il aidait son père, intendant pour les tailles, en Normandie, il invente la machine à calculer. On lui doit l’idée de la presse hydraulique. Il invente la brouette, le haquet.

Enfin, en 1661, l’année qui précéda sa mort, il conçoit l’idée de voitures publiques à cinq sols, circulant dans Paris dans diverses Directions, suivant un itinéraire déterminé. Il s’associe quelques amis,  parmi lesquels le duc de Roanne, et obtint du roi, au mois de janvier 1662, des lettres patentes (en faveur du duc de Roanne, du marquis de Sourches, grand-prévôt, et du marquis de Crenan, grand-échanson de France) qui lui permettent de mettre son entreprise à exécution.

« Ces voiture sont établies, disent les lettres patentes, pour la commodité d’un grand nombre de personnes, peu accommodées, comme plaideurs, gens infirmes et autres, n’ayant pas le moyen d’aller en chaise ou en carrosse, à cause qu’il en coûte une pistole ou deux par jour.« 

Mais le Parlement stipula que « les soldats, pages, laquais et autres gens de livrée, même les manœuvres et gens de bras ne pourraient entrer dans lesdits carrosses ».

Pascal prit grand intérêt à l’entreprise des carrosses et il y attribua par legs une certaine somme quand il mourut, le 19 août 1662, à l’âge de trente-neuf ans.

Après Pascal, l’entreprise, pour des raisons diverses, périclita et elle prit fin vers 1678. Une tentative analogue eut aussi lieu à Bordeaux, beaucoup plus tard, en 1817; à Nantes en 1826, et enfin à Paris, en 1827. Et cette fois, les carrosses furent ouverts définitivement à tous, d’où le nom d’omnibus.

« Le Soleil du dimanche. » Paris, 1900.

Le chant du rossignol 

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amandine-wanert

Un savant ornithologiste allemand, le docteur Jean-Mathieu Bechstein, qui est mort en 1811, a trouvé, à force de patience, le moyen d’exprimer avec les signes, toutes les modulations du chant du rossignol.

Singulier spécimen de l’onomatopée bien trop curieux pour ne pas être présenté ici :

Tiouou, tiouou, tiouou, tiouou.
Shpe tiou tokoua.
Tio, tio, tio, tio.
Kououtio., kououtio, kououtio, kououtio.
Tskouo, tskou, tskou, tskouo.
Tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii.
Kouorror, tiou, tskoua, pipits kouisi.
Tso tso tso, tso tso tso tso tso tso tsi tso tso issirhading !
Tsi si si tosi si si, si si si si si.
Tsorre tsorre tsorre tsorrchi.
Tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsi…
Dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo.
Kouioo trrrrrrrritzt.
Lu lu lui ly ly ly, li li li li.
Kouioo didi li loulyli.
Ha gour, gour koui kouio.
Kouui kououi kououi, kououi, koui koui koui koui ghi ght ghi.
Gholl gholl gholl gholl ghia lududoi.
Koui koui horr ha dia dia dillhi.

Illustration : Amandine Wanert.

Qui inventa le téléphone ?

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graham-bell

L’Allemagne vient de célébrer (article rédigé en 1934) le centenaire de la naissance d’un modeste savant, Johann Philipp Reis, simple petit instituteur hessois, né en janvier 1834, mort en 1874, et qui aurait été le premier réalisateur du téléphone. 

Ce fut une révélation. Personne, jusqu’à présent, n’avait entendu parler de Reis et de son invention. Graham Bell, qui passe pour le véritable inventeur et Edison, qui perfectionna l’invention, ignoraient jusqu’à son nom. Il est cependant certain, d’après tout ce qui vient d’être publié en Allemagne sur Johann Philipp Reis, que celui-ci inventa et expérimenta, en 1860, un appareil qui transmettait les sons à distance, et auquel dans un mémoire adressé à la Société de Physique de Francfort, il donna le nom de Téléphone.

Les Allemands, après avoir laissé si longtemps dans l’oubli le nom du modeste savant hessois, viennent de l’en tirer avec fracas. Sans doute, mieux vaut tard que jamais. Leurs journaux exaltent le souvenir de Reiss, qu’ils appellent « le véritable inventeur du téléphone ». C’est fort bien. Mais des journaux français font chorus et attribuent au seul Philippe Reis tout l’honneur de l’invention. Et c’est sur quoi il nous parait bon de protester.

Six ans avant que Philippe Reis fit connaitre son invention, le principe du téléphone  avait été établi par un Français qui s’appelait Charles Bourseul. Que les Allemands ignorent ce détail, c’est fort naturel : nous ignorions bien nous-mêmes, jusqu’à présent, le nom de Johann Philipp Reis. Mais que des journaux français partagent cette ignorance, voilà qui semble moins explicable. C’est ainsi que s’affirme et que se perpétue la vieille légende de l’indifférence des Français à l’égard des inventeurs de leur pays.

Rappelons donc, pour ceux qui l’ignorent, l’histoire de Charles Bourseul, précurseur de Reis et de Graham Bell dans l’invention du téléphone moderne. Au début du Second Empire, le nommé Charles Bourseul, originaire de Douai, était employé comme commis des télégraphes au bureau de la Bourse à Paris. Esprit ingénieux et réfléchi, fonctionnaire modèle, très savant dans sa profession, Bourseul avait imaginé un appareil dont le principe était la transmission de la voix par la conductibilité électrique.

Quand son idée fut au point, il alla, en fonctionnaire discipliné, la soumettre à ses chefs. Ceux-ci lui rirent au nez, et l’un d’eux, qui remplissait les hautes fonctions de directeur du service télégraphique, lui déclara textuellement que c’était « de la blague », et l’invita à se tenir tranquille. Le téléphone, « de la blague » !… Voilà comment, trop souvent, l’administration ou la science officielle jugent les inventions les plus fécondes, les plus utiles au progrès humain.

Rebuté, l’inventeur se tint coi, mais ce ne fut pas sans avoir publié dans L’Illustration du 26 août 1854 une étude complète de son invention. Bien lui en prit, car, en 1882, au Congrès international d’électricité qui se tint à Philadelphie, Graham Bell qui, vingt ans après Bourseul, avait réinventé le téléphone, et Edison qui l’avait perfectionné, rendirent un hommage éclatant à l’inventeur français, et saluèrent en lui le génie méconnu à qui l’on devait le principe même de l’invention  nouvelle. De Reis, il ne fut pas question un seul instant. L’inventeur allemand était alors totalement ignoré.

Or, en 1882, Bourseul, retraité de l’administration des P.T.T., vivait de sa maigre pension à Saint-Ceré, dans le Lot. Devant la reconnaissance officielle des deux savants américains, le gouvernement, soucieux de réparer le tort que l’inventeur avait subi naguère, augmenta sa petite rente de deux mille francs et lui octroya par surcroît un bout de ruban rouge. Ce fut tout !… Le génie ne se paie pas cher en ce pays. Une fatalité singulière semblait, d’ailleurs, poursuivre les inventeurs du téléphone. Graham Bell, lui aussi, eut toutes les peines du monde à faire connaître son invention.

téléphone-inventeurs

Il avait commencé ses expériences en 1874. Le 14 février 1876, il déposait sa demande de brevet pour l’invention du téléphone. Or, le même jour, un autre inventeur américain, nommé Elisha Grey, déposait une demande ayant le même objet. Mais ce dernier, ayant commis une omission de forme, le brevet fut délivré à Graham Bell seul. Ce brevet, d’ailleurs, passa inaperçu. En vain, Bell conviait-il le public aux expériences qu’il faisait dans son atelier de Boston, le public demeurait indifférent et ne répondait pas à ses appels.

En 1878, à l’exposition du centenaire de Philadelphie, l’inventeur avait exposé son appareil, et personne ne daignait y prêter attention. Le public défilait sans s’arrêter devant le stand du pauvre savant. Les membres du jury eux-mêmes étaient passés sans s’arrêter. Pendant des semaines, on vit le malheureux inventeur assis, triste et solitaire, devant la petite table qui supportait son merveilleux appareil, dédaigné de tous.

Or, un jour, l’empereur du Brésil, Dom Pedro, vint visiter l’exposition : il s’approcha de Graham Bell, qu’il avait connu professeur de physique dans un collège de Rio-de-Janeiro, et lui demanda quelques explications sur sa découverte. Un fil allait d’un mur à l’autre, traversait tout le hall. L’empereur prit le récepteur, tandis qu’à l’autre bout, Graham Bell se penchait sur le transmetteur. Et soudain, Dom Pedro releva la tête, frappé de stupeur :

— Mais il parle !… il parle !… s’écria-t-il.

Les visiteurs accoururent. On félicita Graham Bell. Le lendemain, les journaux étaient pleins de détails sur la nouvelle invention.

Et c’est ainsi que fut lancé le téléphone en Amérique.

Aujourd’hui, la plus grande compagnie téléphonique américaine, qui comporte plus de dix millions de postes, porte le nom de Graham Bell, et ce nom est illustre dans l’univers entier. Par contre, dans les pays d’Europe, jusqu’à présent, tout le monde ignorait Johann Philipp Reis, le petit instituteur hessois qui, dès l’année 1860, avait réalisé le téléphone. Et chez nous, je gagerais qu’il n’y a pas un Français sur cent mille qui connaisse seulement le nom de Charles Bourseul.

Les grandes inventions modernes sont, en général, des œuvres collectives. Elles doivent presque toutes quelque chose aux savants, aux ingénieurs des pays les plus divers. Il en résulte que, dans chacun de ces pays, on ne connaît (et encore quand on le connaît) que le nom de l’inventeur national, et l’on ignore celui des inventeurs étrangers qui ont collaboré à la même œuvre.

Il serait temps de remédier à cela. On charge aujourd’hui l’assemblée de Genève des besognes les plus diverses. Or, voilà un problème qui semble de son ressort. Pourquoi ne réunirait-elle pas un aéropage de savants choisis dans tous les corps scientifiques d’Europe et d’Amérique, et ne le chargerait-elle pas d’établir l’histoire précise des grandes inventions en fixant exactement la part qui revient à chacun des inventeurs qui y ont contribué ?

Un tel travail montrerait que ce sont les Français qui ont la part la plus considérable dans la mise au point définitive de tous les grands progrès d’à-présent.

Ernest Laut. « Le Monde illustré. » Paris, 1934.

L’arroseur arrosé

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chimpanzé.

Un savant anglais voulut, dernièrement, faire une étude sur le raisonnement des chimpanzés.

Dans une cage, il suspendit une banane hors d’atteinte des bras du singe, puis il mit trois ou quatre caisses de bois, pêle-mêle, au milieu de la cage. Le chimpanzé se promena de gauche à droite, puis de droite à gauche. Finalement, il plaça les caisses les unes sur les autres, monta légèrement au sommet de ce monticule, prit la banane qu’il mangea avec satisfaction.

Le savant, content de son examen, voulut faire une seconde expérience. Pensant que le chimpanzé agirait d’autant plus vite qu’il ne se sentirait pas observé, il le plaça dans une chambre. Le savant ferma la porte pour pouvoir faire des observations.

Mais, de l’autre côté du trou, il y avait déjà un autre œil, celui du chimpanzé qui observait le savant…

« Almanach des coopérateurs. » 1939.

A question simple, réponse…

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cuvier-napoléonQuand on sait bien une chose, on aime à en parler. Cuvier, l’homme le plus savant que nous ayons possédé depuis bien des années, aimait beaucoup à parler sciences, et en parlait quelquefois fort longuement.

Napoléon, savait aussi, quoique à un degré très inférieur, aimait à entendre les savants, pourvu toutefois qu’ils arrivassent, sans trop de préambule, à la solution des problèmes. Un soir Cuvier était venu aux Tuileries. C’était à la suite d’une séance de l’Académie des sciences.

Monsieur Cuvier, dit l’empereur, qu’avez-vous fait aujourd’hui à l’Académie ?
— Sire, nous nous sommes occupés de sucre de betteraves.
— Ah ! ah ! et l’Académie pense-t-elle que le sol de la France soit propre à la culture de la betterave ?

Pour répondre à cette question assez simple, Georges Cuvier, en véritable savant, fit une dissertation géologique sur le sol, de laquelle il passa à l’histoire naturelle de la
betterave. Quand il en vint aux conclusions, l’empereur n’écoutait plus. Le silence de Cuvier le fit sortir de sa distraction. Il reprit :

C’est très-bien, monsieur Cuvier. Alors l’Académie pense-t-elle que le sol de la France soit propre à la culture de la betterave ?

Cuvier, jugeant qu’une préoccupation quelconque avait distrait l’attention de l’empereur, reprit sa dissertation et la continua jusqu’au bout. L’empereur, qui n’en demandait pas si long, se mit à penser à autre chose. Quand Cuvier eut fini, il le salua avec ces mots :

Je vous remercie beaucoup, monsieur Cuvier. La première fois que je verrai Berthollet, je lui demanderai si le sol de la France est propre à la culture de la betterave.

« Le Magasin universel. » Paris, 1835.

Albert et le chauffeur

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Comme tout mathématicien qui se respecte, le savant Albert Einstein est un homme distrait.

Un jour qu’il descendait de taxi, raconte un de ses amis, il tendit un billet au chauffeur, qui commença à lui rendre la monnaie. Mais bien, avant que le compte n’y soit, le savant poursuivant sans doute un problème élaboré dans le taxi, s’éloignait rapidement.

Et le chauffeur, qui était honnête, de s’écrier en le rappelant :

Si vous ne savez pas compter, il faut le dire !

« Le Progrès de Bel Abbès. » Sidi Bel Abbès, 1930.