Romains

Origine des oeufs de Pâques

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L’historien Ælius Lampridius dit que le jour de la naissance de Marc-Aurèle Sévère, une des poules de la mère de ce prince avait pondu un œuf dont la coquille était couverte presque entièrement de taches rougeâtres. Cette princesse fut frappée de cette particularité, et elle s’empressa d’aller en demander la signification à un devin renommé.

Celui-ci, après avoir examiné la coquille de l’œuf, répondit que cette nuance annonçait que l’enfant nouveau-né serait un jour empereur des Romains. Pour ne pas exposer son fils à des persécutions, la mère garda son secret jusqu’en 224, année dans laquelle Marc-Aurèle fut proclamé empereur.

Depuis ce moment, les Romains contractèrent l’habitude de s’offrir des œufs dont la coquille était revêtue de différentes couleurs, comme souhait d’une bonne fortune.

Les chrétiens sanctifièrent cette coutume et y attachèrent une pensée de foi. En distribuant des œufs dans le temps pascal, ils se souhaitaient mutuellement une royauté, celle de triompher de leurs penchants, et, à l’exemple de Jésus-Christ, de régner sur le monde et sur le péché. Les œufs de Pâques avaient donc pour but de rappeler à ceux auxquels ils étaient offerts, que, comme Marc-Aurèle, ils étaient appelés à régner, et que, dès lors, ils devaient s’y préparer.

Le jour de Pâques, à la cathédrale d’Angers, deux ecclésiastiques sous le nom de corbeilliers se rendaient après Matines à la sacristie, prenaient l’amict sur la tête, la barrette sur l’amict, se revêtaient de l’aube, de gants brodés, de la ceinture et de la dalmatique blanches, puis sans manipule et sans étole , ils se dirigeaient vers le tombeau. Là chacun d’eux prenait un bassin, sur lequel reposait un œuf d’autruche, couvert d’étoffe blanche, puis se rendait au trône de l’évêque. Le plus âgé des deux s’approchait de l’oreille droite de l’évêque, et en lui présentant le bassin contenant l’œuf d’autruche, disait tout bas, d’un air mystérieux : Surrexit Dominus, alleluia ! Le Seigneur est ressuscité, alléluia ! L’évêque répondait : Deo gratias, alléluia ! Grâces à Dieu, alleluia ! Le deuxième  faisait la même chose du côté gauche. Puis, chacun d’eux parcourait tous les rangs des ecclésiastiques, l’un à droite, l’autre à gauche, en commençant par les plus dignes, répétant la même parole et recevant la même réponse. Les œufs étaient ensuite reportés à la sacristie sur les bassins.

Ces œufs annonçaient la royauté de Jésus-Christ, le commencement de son règne fondé sur sa résurrection. L’œuf de l’autruche avait paru symboliser plus qu’aucun autre la résurrection spontanée de Jésus-Christ, puisque, abandonné à lui-même, il éclot sous l’influence seule du climat brûlant des déserts. Le petit, pour sortir vivant de la coquille qui le retient captif, n’a besoin du secours ni de son père, ni de sa mère, mais il sort triomphant par sa propre puissance.

Dans un certain nombre d’églises, on remarque des œufs d’autruche suspendus devant l’autel principal, comme souvenir de la résurrection de Jésus-Christ, base et fondement de la religion catholique. Dans quelques autres, les œufs d’autruche remplacent le gland placé ordinairement au-dessous de la lampe qui brûle jour et nuit devant le Saint-Sacrement, touchant symbole de ces paroles : « Christus surrexit,jam non moritur. Le Christ est ressuscité, il ne meurt plus, et il répand la lumière, l’onction et la force maintenant et dans les siècles des siècles. »

« Les Veillées chrétiennes.L’abbé Vincelot, Essais étymologiques sur l’ornithologie. » Paris, 1865.

Les premiers fards romains

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Antoine-Watteau

Ce n’est certes pas dans les premiers siècles de la République romaine que l’on trouve l’usage des fards : les femmes partageaient les vertus héroïques et les moeurs sévères de leurs maris et ignoraient tout artifice de toilette. Mais quand, par la conquête du monde, ils introduisirent chez eux la richesse, les Romains y ramenèrent en même temps le luxe et la coquetterie, comme plus tard, les croisés de retour d’Orient, devaient rapporter en  Europe l’élégance musulmane.

Bref, c’est à cette époque que les Romaines commencèrent à se farder, mais d’un fard qui était fort grossier, car ce n’était pas autre chose que de la terre de Chio ou de Samos délayée dans du vinaigre. Puis les Romaines firent usage du blanc de plomb, quoiqu’elles connussent déjà ses inconvénients. quant aux fards rouge, on les tirait des végétaux ou de la dépouille des animaux.

Ce qui était encore plus grossier, c’est la façon dont on appliquait le fard sur la figure. L’esclave chargée de farder sa maîtresse devait mélanger le fard avec sa salive, ainsi qu’un auteur latin l’explique en détail :

« L’esclave, avant de commencer l’importante opération, souffle sur un miroir de métal et le présente à sa maîtresse. Celle-ci sent à l’odeur si la salive est saine et parfumée. Elle sait ainsi si elle a mâché les pastilles qui lui sont ordonnées, parce que c’est avec sa salive que l’esclave doit broyer le fard et l’appliquer, afin de l’étendre également et de le fixer sur les joues de sa maîtresse. »

Brrr… On a heureusement fait quelques progrès depuis. Sans cela nos actrices refuseraient énergiquement de se farder.

« Le Journal du dimanche : gazette hebdomadaire de la famille. »  Paris, 1905.
Illustration : Antoine Watteau.

La moutarde

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Ce condiment, sans être vieux comme le monde, remonte cependant à une antiquité très respectable.

Les Grecs l’appelaient sinapis (notre pharmacopée lui a conservé ce nom), et ils l’employaient réduite en poudre dans leurs ragoûts, comme nous employons le poivre. Les Hébreux et les Romains l’employaient comme les Grecs. Ce n’est qu’à dater de l’ère chrétienne qu’ils la préparèrent en pâte liquide en broyant le sinapis dans un mortier et en le délayant ensuite avec du vinaigre.

Sous saint Louis, les vinaigriers avaient seuls le droit de faire de la moutarde. A cette époque, les sauciers (une industrie perdue), à l’heure du dîner, portaient des sauces dans les maisons et couraient les rues de Paris en criant :

« Sauce à la moutarde ! — sauce à l’ail ! — sauce à la ciboule ! — sauce au verjus ! — sauce à la ravigote ! »

Qui en voulait appelait le marchand et choisissait selon son goût.

Louis XI, quand il allait dîner en ville, portait toujours son pot de moutarde avec lui.

Le pape avignonnais Jean XXII raffolait de la moutarde; ne sachant que faire d’un de ses neveux, qui n’était absolument bon à rien, il créa pour lui la charge de premier moutardier. De là le dicton appliqué aux sots vaniteux de premier moutardier du Pape.

La moutarde nous rappelle un incident scientifique qui remonte à une trentaine d’années et qui fit beaucoup rire :

Un savant avait trouvé dans des décombres un vase de faïence commun, dont la forme vulgaire se rapprochait beaucoup des vases domestiques nocturnes que nous employons, et sur lequel étaient peintes ces lettres : 

M. U. S. T.

A. R. D. A. D. I.

J. O. N. I. S.

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres fut convoquée d’urgence, et l’un des chambellans de la docte assemblée affirma que l’inscription signifiait :

« Vase contenant des parfums destinés à être brûlés en l’honneur de Jupiter. »

Et la trouvaille fut placée dans un musée.

Un jour, un épicier, qui visitait le musée, s’écria à la vue du fameux vase : « Ah ! un pot à moutarde ! »

Mustarda Dijonis : c’était écrit ! 

Le lendemain, le pot était extrait des vitrines et jeté avec mépris sur le pavé.

« La Revue des journaux et des livres. »  Paris, 1887.

Balzac épicier

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On sait qu’une des grandes préoccupations de Balzac fut d’arriver à la fortune, même par le commerce et l’industrie. Imprimeur, il en résulta pour lui des dettes qui l’angoissèrent presque toute sa vie.

Il voulut exploiter, en Sardaigne, des mines d’argent abandonnées par les Romains : on lui vola son idée. Aux Jardies, il rêva de battre monnaie avec un guano imaginaire, soi-disant déposé au pied des arbres. Il songeait aussi à cultiver les ananas, pour les vendre, en boutique, sur le boulevard Montmartre : chimères !

Un projet des plus chers à Balzac, en 1840, c’était la création d’une colossale épicerie, en pleine rue Saint-Denis. Mais il voulait, pour la faire prospérer, un personnel d’élite et qui eût attiré tout Paris ! On connaît les employés que se proposait d’appointer Balzac : lui, chef de la maison; Théophile Gautier, premier garçon; George Sand, caissière; Léon Gozlan, commis emballeur… Gozlan prit la chose en riant :

Attendons, dit-il, que les sucres soient en baisse. Et surtout,ne louez pas la boutique sans que je vous en parle.

Le silence obstiné de Gozlan enterra l’épicerie Honoré de Balzac.

« Revue Belge. »  J. Goemare, Bruxelles, 1926.
Illustration : montage fait maison 🙂

« Quatre-vingt-dix-neufs moutons et un Champenois font cent bêtes »

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Que les Champenois ne soient pas trop choqués du proverbe. S’il y est question, comme le croient quelques étymologistes, de leur bonhomie native, il n’a rien d’injurieux; et puis enfin, il faut dire aussi qu’ils sont bien mieux traités qu’une foule d’autres provinces. Car c’est chose curieuse et amusante de voir comme chacun de ces petits pays qui divisent notre France a sa physionomie essentielle qui lui est propre et qu’un proverbe trahit toujours. Il y en a bon nombre qui sont bien autrement fâcheux que celui-ci.

Les Champenois sont d’un naturel doux et conciliant. Contrairement aux Lorrains, aux Normands, aux Franc-Comtois, et à quelques autres encore (c’est le proverbe qui le dit, je n’y suis pour rien !), ils fuient la chicane; et si la bonne foi était bannie, dirons-nous comme jadis le roi Jean, du reste de la terre, ce serait certainement dans quelque coin de la Champagne qu’il faudrait l’aller chercher. Cela est tout à l’éloge de ses habitants. La bonté n’exclut pas toujours l’élégance de l’esprit, mais le bel-esprit exclut souvent la bonté.

D’autres étymologistes donnent une version qui  prouverait que les Champenois ne sont pas aussi bêtes qu’ils en ont l’air; car antérieurement à la formation du royaume de France, on les comparait pour la naïveté aux peuplades italiennes de la Campanie, dont ils portaient le nom.

Après la conquête des Gaules par Jules César, les vainqueurs prélevèrent des tributs sur les vaincus. Ces tributs, on le sait, étaient le plus souvent payés en produits du sol ou en troupeaux. Les Champenois, entre autres, étaient taxés à un mouton par troupeau de cent bêtes et au-dessus. Mais ce tribut devint bientôt improductif, et voici comment les Champenois s’y prirent pour l’éluder :

Lorsque les Romains se présentaient pour compter un troupeau, ils ne trouvaient toujours que quatre-vingt-dix-neuf bêtes à laine, et s’en allaient comme ils étaient venus. Mais le fisc ne fut point content de ces arrangements. César ordonna que le berger de chaque troupeau compterait non pas comme homme, mais comme mouton, et que, en conséquence, un troupeau composé de quatre-vingt-dix-neuf moutons et d’un Champenois acquitterait le tribut dû par un troupeau de cent moutons.

« Histoire anecdotique et morale des proverbes et dictons français. »  Joséphine Amory de Langerack, Lille, 1883.