roi

Il y a des jours comme ça…

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courrier

Madame la Dauphine, belle-fille de Louis XV, était accouchée d’un prince, et comme la Cour était alors à Choisy-le-Roi, aucune personne de la Maison de France ne put assister à la naissance de cet enfant royal.

Le courrier qui en portait la nouvelle à Paris, tomba de cheval à la barrière Saint-Honoré, et mourut de sa chute.

L’abbé de Lanjon, qui avait mission d’ondoyer le nouveau-né, tomba en paralysie sur le grand escalier de Versailles.

Et enfin, des trois-nourrices recrutées par le Dauphin, deux moururent en huit jours, et la troisième eut la petite vérole.

Voilà qui n’est pas d’heureux augure, s’écria Louis XV.

L’enfant ainsi salué des mauvais présages, à son entrée dans cette vallée des larmes, devait s’appeler Louis XVI.

« Magazine universel. » Paris, 1903.

Les sans-culottes au théâtre

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sans-culottes

Les sans-culottes se piquaient de républicanisme, mais non d’atticisme. Ils mettaient de la politique partout; et quand ils allaient au théâtre, c’était moins pour admirer de beaux vers que pour entendre des anathèmes contre les tyrans.

On les servait à souhait ; les pièces du temps n’ont, pour la plupart, ni intérêt, ni style, mais elles sont brûlantes de patriotisme. Les acteurs revenaient quelquefois à l’ancien répertoire, et le public daignait encore supporter Racine ou Corneille, pourvu qu’ils fussent, comme les spectateurs, déguisés en sans-culottes.

Les transformations étaient parfois fort extraordinaires. Par exemple, le mot de roi était proscrit et remplacé invariablement par le mot tyran. Dans le Père de Famille, de Diderot, le premier acte commence par une partie d’échecs: Molé ne disait plus : Échec au roi, mais : Échec au tyran. Dans le Déserteur, de Sedaine, au lieu de ces mots : Le roi passait, et le tambour, etc., l’acteur chantait : La loi passait ; et, comme de juste, le chœur reprenait ensuite, non pas: Vite le roi ! mais Vive la loi !

Il va sans dire qu’on ne pouvait plus jouer la dernière scène du Tartuffe telle que Molière l’a écrite. Dorat-Cubière la remplaça par cet excellent distique, qu’il plaçait dans la bouche de l’exempt:

« Traduisez sur-le-champ cet insigne faussaire

A notre tribunal révolutionnaire. »

« Du temps de la terreur. »  L. Hachette, Paris, 1863.

Le conteur du roi

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moutons

Un roi avait un conteur de fabliaux qui l’amusait beaucoup. Un soir qu’il était au lit, il le fit venir, et lui demanda un conte. Celui-ci, qui mourait d’envie de dormir, fit tous ses efforts pour s’en dispenser; mais il eut beau faire, il fallut obéir. Il prit donc son parti, et commença de la sorte:

Sire, il y avait un homme qui avait cent sous d’or. Avec son argent il voulut acheter des moutons; et chaque mouton lui coûta six deniers; il en eut deux cents; et il s’en revint à son village avec ses deux cents moutons; et il les chassait devant lui. Mais en revenant à son village, il trouva que la rivière était débordée; car il avait beaucoup plu, et les eaux s’étaient répandues dans la campagne; et il n’y avait point de pont; et il ne savait comment passer avec ses moutons. Enfin, à force de chercher, il trouva un bateau; mais ce bateau était si petit, si petit, qu’il n’y pouvait passer que deux moutons à la fois….

Alors le conteur se tut.

Eh bien, quand il eut passé ces deux-là, dit le Roi, que fit-il ?

Sire, vous savez que la rivière est large, le bateau fort petit, et qu’il y a deux cents moutons. Il leur faut du temps; dormons un peu tandis qu’ils passent; demain je vous conterai ce qu’ils devinrent.