roi

Le gâteau des Rois et de la Reine

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Le roi, voulant donner à son deuil quelque trêve 
Et divertir toute la cour,  
Dans Versailles, ce riche et superbe séjour, 
Avec grand apparat fit un roi de la fève. 

Le roi boit, le roi boit !… Et les rires de redoubler et les battements de mains de devenir plus forts. 

Quelle jolie fête que celle-ci qui rassemble autour d’une table bien servie les parents et les amis ! quelle bonne et patriarcale coutume que celle du gâteau des Rois ! 

Dans quelques-unes de nos provinces, raconte Ourry, une des parts de ce gâteau est tirée pour le membre de la famille qui est absent. On la renferme avec soin, et suivant qu’elle se conserve plus ou moins bien, on y trouve un augure favorable ou contraire à la santé du parent éloigné. Combien je préfère, à cet usage superstitieux, la touchante habitude où sont tant d’autres familles provinciales de réserver dans le gâteau des Rois la part du bon Dieu, qui devient toujours celle de l’indigence ! 

On sait que la personne la plus jeune de la société est toujours chargée de prendre au hasard et de distribuer les parts de ce gâteau : ce fut pour Barjac, valet de chambre du vieux cardinal de Fleury, l’occasion d’une spirituelle flatterie : il trouva moyen de réunir, le jour des Rois, à la table de son maître, douze convives d’un âge si avancé que le cardinal se trouvant être le plus jeune, dut remplir les fonctions ordinairement attribuées à l’enfance. 

La royauté est accordée à celui qui possède la fève dans le morceau de gâteau qui lui est échu. Chez les Romains on tirait au sort avec des dés le roi du festin. De là nous vient certainement le roi de la fève. 

Dans le langage catholique, la fête des Rois est appelée Epiphanie. Elle célèbre le voyage des rois et des mages venant adorer l’enfant Dieu dans une étable de Bethléem. Le jour de l’Epiphanie, le diacre annonce à la messe, après l’Evangile, le jour où doit tomber la fête de Pâques. La raison de cet usage, nous dit l’abbé Baudeville, est que Pâques étant la règle du calendrier, le pivot de toutes les fêtes mobiles, le temps le plus convenable pour l’annoncer c’est la fête la plus rapprochée qui précède toutes celles que Pâques dirige. 

Le jour des Rois est généralement consacré en province à des repas de Gargantua. Tirer les Rois est une nécessité qui se fait généralement sentir, et on se renvoie la balle à n’en plus finir. On tire les Rois aujourd’hui chez monsieur le maire, demain ce sera chez l’adjoint, après demain chez monsieur le curé. Il faut que chacun paye sa tournée, comme on dit vulgairement dans notre argot parisien, et arrivé au commencement du Carême, on doit jeûner même par ordonnance, car le gâteau des Rois a été fortement arrosé, et l’estomac des festoyeurs est échauffé. 

On a bu tant de fois à la santé du roi ! sans oublier celle de la reine, car le roi sépare d’ordinaire la fève avec une dame ou demoiselle de la compagnie. La personne choisie est appelée reine. 

Souvent la fève des Rois a fait bien des mariages, et où est le mal après tout ? Mieux vaut ce jour-là en famille, au nez et a la barbe des grands parents qui encouragent parfois en dodelinant de la tête, et en choquant du verre, la première déclaration d’amour présentée par le roi, sous forme de fève, à une jeune fille timide qui lui répond en devenant rouge comme une cerise d’Enghien ou de Montmorency. 

Le roi boit !… le roi boit !… 

Pol de Guy. « Revue historique. » Paris, 1866.
Peinture de Jacob Jordaens.

Louis XIV gastronome

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Louis XIV n’était pas seulement un grand roi, mais bien mieux que cela, un grand gastronome, c’est-à-dire un rude mangeur, plus glouton peut-être que délicat, avouons-le sans flatterie.

Ceci n’est pas moins historique que ses amours avec Mmes de La Vallière, de Montespan, de Soubise, de Monaco, de Fontange et de Maintenon… le héros de Rabelais en eût été jaloux. Aussi le grand couvert était-il extrêmement rare à Versailles ! Pour se livrer sans scrupule à son royal appétit, Louis XIV dînait la plupart du temps seul, dans sa chambre, sur une table carrée, vis-à-vis de la fenêtre. Il ordonnait le matin un très petit couvert, composé toujours d’un grand nombre de plats et de trois services, sans le fruit. Il y avait d’ordinaire beaucoup de monde pendant le dîner : tous restaient debout, selon l’étiquette, à laquelle se conformaient respectueusement Monsieur, Monseigneur, et les Princes du sang. 

Le Roi gardait le silence et employait bien son temps : souvent, en un repas, il mangeait quatre assiettes de soupes de diverses sortes, un faisan tout entier, une perdrix, deux salades, du mouton au jus et à l’ail, deux fortes tranches de jambon, des pâtisseries, des fruits et des confitures. J’espère que voilà un grand roi, un roi qui mangeait et digérait noblement ! Par exemple, il ne buvait que du vin trempé d’eau, et avec sobriété. Le grand chambellan, ou, à son défaut, le premier gentilhomme de la chambre, servait le Roi qui faisait en mangeant un bruit fort peu harmonieux avec la langue et les dents. Son plus grand régal était des œufs durs. 

Louis XIV avait, comme on sait, une rigidité, une manie d’étiquette qui descendait aux choses les plus minutieuses, et soumettait la cour à un brillant esclavage. On rapporte même à ce sujet plusieurs traits qui ne s’accordent pas parfaitement avec cette douceur et cette royale politesse dont parlent ses historiographes officiels. 

Au sortir d’un grand couvert à Marly, le Roi aperçut un valet qui, en desservant , dérobait furtivement un ravissant biscuit et le glissait dans sa poche. Au même moment, on lui présentait sa canne et son chapeau. Mais, à la vue de ce larcin, il ne put contenir sa colère, et, en présence des dames et des gentilshommes qu’il poussa de droite et de gauche pour s’ouvrir un passage, il se précipita sur le voleur gourmand, l’injuria, le frappa, et, d’un bras nerveux , lui brisa son bâton sur les épaules. 

— Ce n’était qu’un roseau, dit-il, en forme d’excuse.  

Le plaisant de l’aventure, c’est que le Roi, qui avait les juremens en horreur, au point de les punir sévèrement chez les autres, s’oublia tellement en cette circonstance qu’il en proféra de toutes les couleurs. 

Son appétit si généreux et si magnifique redoublait encore en voyage. Son carrosse était toujours parfaitement garni, bourré de viandes, de fruits et de pâtisseries : à chaque instant, il excitait ses compagnes de voyage à faire honneur à ses provisions et prêchait d’exemple. Celles qui n’avaient pas faim, ou qui mangeaient du bout des lèvres, encouraient bientôt sa disgrâce et souvent des paroles très aigres. Bon gré, mal gré, il fallait manger et manger avec appétit : Tel est notre bon plaisir, était la devise du roi Louis XIV ! 

Concluons de tout ceci, que le plus heureux, le plus triomphant des rois de la terre est celui qui possède un bon appétit et un excellent estomac ! Que Dieu qui mène le monde, suivant la sublime et profonde expression du chef de la cuisine doctrinaire, M. Guizot, vous les donne ou vous les conserve, ces deux vrais trésors, ô rois cons-ti-tu-ti-on-nels ! 

« La Gastronomie. » Paris, 1839.

Le roi et le provençal

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Voici une anecdote d’une saveur bien provençale, à propos de l’inauguration du monument du roi Edouard VII à Cannes.

En compagnie de son aide de camp, sir Seymour Fortescue, le roi visitait en automobile les environs d’Aix. Soudain, une pluie diluvienne se mit à tomber et obligea les voyageurs à se réfugier dans une auberge du Tholonet, tenue par un certain Thomé.

L’aubergiste était absent. Sa femme servit le souverain, sans se douter le moins du monde de l’illustre qualité de son hôte. Or, bientôt le brave Thomé rentra paisiblement au logis en tirant de grosses bouffées de sa pipe.

Vilain temps, s’écria-t-il dans son dialecte provençal, et dire qu’il y a des gens qui vont en automobile par cette pluie !

Puis, apercevant le roi assis dans un coin de la salle, il s’exclama :

— Té Gavary Que fas aqui ? Sies beu comme un astre !

Il avait pris Edouard VII pour un de ses amis endimanché. Sir Seymour Fortescue le rappela au sentiment de la réalité. et des convenances : 

 Taisez-vous lui dit-il à voix basse, vous parlez au roi d’Angleterre.
— Moun Diou de que m’arribo !
s’écria Thomé.

Et, depuis, l’aubergiste du Tholonet montre avec fierté la chaise de paille sur laquelle s’était assis Edouard VII, ainsi que le verre grossier qui avait touché ses lèvres royales.

« La Croix. » Paris, 1912.

Un juron de Henri IV

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henri-4Henri IV, devenu roi de France, n’avait pu se défaire de certaines habitudes contractées dans la vie des camps. 

Il jurait fort souvent et son juron favori Jarniadieu ! (je renie Dieu) sonnait assez mal dans la bouche d’un roi très chrétien. 

Son confesseur, le prêtre Cotton, lui dit un jour : 

— Sire, puisqu’il est si difficile à Votre Majesté de s’abstenir de tout juron, je la supplie de renier le nom d’un humble prêtre comme moi, plutôt que celui du Créateur.

Le roi le promit, trouvant l’idée plaisante, et dès lors ne jura plus que par Jarnicoton ! 

Illustration : Marcel Gotlib.

Mal de mer

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Ce qui rend particulièrement sympathique le roi d’Espagne aux Parisiens, c’est sa crânerie. Celui qui reste, malgré sa longue taille, le « petit roi », est familier à notre pays.On a pu le voir, à Biarritz, dans ces voitures de place, accompagné d’amis qui se pressaient en grappes, dans la capote, sur le marchepied.

Personne n’a oublié l’ovation qui l’accueillit après l’alerte tragique qui secoua Paris lors de son premier voyage. Et pourtant, malgré son indéniable bravoure, le « petit roi » eut, en France, un instant d’émotion. Il devait s’embarquer à Cherbourg. Il s’enquit avec inquiétude de l’état du ciel. Il paraissait hanté par le fantôme du mal de mer. Et comme un chambellan lui faisait remarquer que, l’année précédente, il avait passé la revue de la flotte espagnole dans la rade de Carthagène, par un très gros temps, et qu’il lui rappelait qu’il n’avait eu aucune préoccupation, il répondit :

— Carthagène est en Espagne. Si je suis malade en Espagne, c’est sans importance. Si demain je suis malade sur un bateau anglais, auprès d’officiers anglais, je serai ridicule.

Le lendemain, la mer était forte, mais Alphonse XIII ne fut nullement ridicule.

« L’Homme libre. » Paris, 1913.

Superstitions

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Les anciens attachaient des idées superstitieuses à l’intempérie des saisons. Ainsi, les Hérules massacraient leur roi quand des pluies détruisaient les biens de la terre.

« Six choses, disent les anciennes lois d’Irlande, témoignent de l’indignité d’un roi : opposition illégale dans le conseil, infraction aux lois, disette, stérilité des vaches, pourriture du fruit, pourriture du grain mis en terre. Ce sont là six flambeaux allumés pour faire voir le mauvais gouvernement d’un roi. » 

L’historien espagnol Antonio de Solís y Ribadeneyra raconte que lorsque l’empereur du Mexique montait sur son trône, on lui faisait jurer que, pendant son règne, les pluies auraient lieu suivant les saisons, qu’il n’y aurait ni débordement des eaux, ni stérilité de la terre, ni maligne influence du soleil.

En Chine, c’est aussi une maxime reçue que, si l’année est bonne, c’est que l’empereur est béni du ciel, et ses sujets lui en tiennent compte. Mais il court grand risque d’être détrôné s’il survient quelque tremblement de terre ou une suite d’inondations ou d’incendies, car alors on croit, voir un arrêt du ciel dans ces désastres.

« L’Impartial. » Djidjelli, 1931.