proverbe

Qui a bu boira

Publié le Mis à jour le

bacchanaleLe proverbe a toujours et aura toujours raison. Lisez plutôt l’anecdote suivante dont la scène se passe à New York.

Une dame, dont le mari n’appartenait pas à la Société de tempérance, voulut essayer de le guérir du défaut d’ivrognerie. Elle s’adressa à un wachman qui, moyennant salaire,consentit à entrer dans ses vues. Le mari était ivre comme trente mille hommes. Le wachman le fit transporter à l’école de médecine, dont le concierge était de ses amis, et l’étendit sur une table de dissection. Quand l’ivrogne se réveilla de sa léthargie bachique, il se redressa sur son coude, et, jetant autour de lui un regard encore indécis, aperçut un homme assis près du poêle et fumant un cigare.

 Où suis-je ? demanda-t-il.
— Dans un amphithéâtre de médecine.
— Et pourquoi suis-je ici ?
— Pour être disséqué.
— Disséqué ? Qu’est-ce que vous dites-là ?
— Voilà. Vous êtes mort hier, mort ivre, et nous avons apporté ici votre carcasse, de
la part de votre femme, qui a eu raison de nous la vendre, attendu que c’est tout ce
qu’elle a jamais pu tirer de vous. Si vous n’êtes plus mort, ce n’est pas la faute des
docteurs, et ils vont vous disséquer, mort ou vif.
— Est-ce vrai, que vous fassiez ce que vous dites ?
— Sûrement, et tout de suite.

L’ivrogne se frotta les yeux et réfléchit une minute; puis avec résignation :

 Dites donc, l’ami, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de boire un coup avant de commencer ?

Maximes et proverbes

Publié le Mis à jour le

 

enfant

Les vieilles maximes ont du bon. C’est comme du pur jus extrait de l’expérience de nos pères… et dont nous ne savons généralement pas nous servir. Certains d’entre ces vieux proverbes exigent d’ailleurs quelques amendements. A la manière des Lois, ils ne peuvent toujours représenter la perfection dans la prévoyance et le jugement. 

Telle cette maxime, qui se rapporte d’ailleurs à ce qui précède, et nous dit : 

« On ne profite jamais de l’expérience des autres… »

C’est vrai. Voyez un petit enfant auquel on dit : « Ne touche pas à ce fer à repasser, il est chaud et tu te brûlerais… » Le gosse n’y croit point tant qu’il ne s’est pas brûlé. Une fois qu’il a eu le doigt cuit, il devient compréhensif, mais il a fallu qu’il fasse lui-même l’expérience. 

Il en est, ainsi des grandes personnes. Pour les jouvenceaux, le fer chaud ce sera l’Amour. Les vieux les avertissent, mais rien à faire. Ils attendent d’être victimes. Alors ils comprennent. Pour les personnes mûres, le fer chaud c’est la Bourse. Ils risquent leur argent dans ce repaire de bandits. On a beau crier : « Gare ! » Jusqu’au jour où les valeurs tombent à zéro ils ne veulent pas profiter de l’expérience des autres. Ainsi la maxime que nous venons de citer paraît précieuse. Mais elle nous inviterait à ne point avertir les ignorants puisque nos avis ne doivent leur servir à rien.

Cependant un proverbe contredit cette conclusion, en affirmant : « Un homme averti en vaut deux« .

« Almanach des coopérateurs. » Limoges, 1937.

La légende de la huppe

Publié le Mis à jour le

huppe-Gérard-JOYON

La huppe, oiseau commun dans nos pays, de la famille des passereaux, est un insectivore migrateur; qui rôde sans cesse sur le sol à la recherche des insectes qui lui servent de nourriture. Elle nous arrive vers les premiers jours d’avril, niche chez nous dans les pays de plaines humides, et nous quitte aux premiers jours d’automne.

La huppe doit son nom à une double rangée longitudinale de longues plumes rousses avec une pointe noire qui surmontent sa tête. Sa taille est à peu près celle du merle, la couleur générale du corps est un gris rougeâtre, la queue est noire avec une bande transversale blanche. Les ailes sont rayées de noir et de blanc, le bec noir est très long, arqué, se recourbant en-dessous par la pointe. En somme l’aspect de la huppe est élégant, original, mais ce bel oiseau a dans nos campagnes une réputation étrange dont est venu un proverbe populaire : « Malpropre comme une huppe », dit-on communément et cette comparaison s’explique par la façon dont l’oiseau se conduit à l’époque des nichées.

Contrairement à la généralité des oiseaux qui ont le plus grand soin de garder leur nid en un état d’extrême propreté, la huppe (qui le place d’ordinaire dans un creux d’arbre ou de rocher) le tapisse d’abord de fiente, de fumier, puis quand les petits sont nés, y laisse s’accumuler leurs déjections, les siennes, et les débris d’insectes qu’elle apporte. De telle sorte que bientôt ce réduit devient un lieu absolument infect dont l’odeur s’imprègne fortement dans le plumage des jeunes et des parents. Les rustiques, qui, à cause de cette infection normale ont donné à la huppe le surnom de puput, ont une légende sur cette particularité.

Ils disent qu’à l’époque de la création des oiseaux, le bon Dieu fit donner à tous l’ordre de venir s’entendre avec lui sur la nature des matériaux qu’ils devraient employer à la construction de leur nid. Tous s’empressèrent donc de venir. Or le créateur leur indiqua successivement les divers matériaux… Le partage général était fait quand la huppe paresseuse arriva:

Seigneur, avec quoi construirai-je mon nid ? demanda-t-elle.
Avec ce que tu pourras trouver, car je n’ai plus rien à t’indiquer.

Et la huppe s’en alla, qui, l’époque de nicher venue, ne trouva rien autre que les ordures dont les autres oiseaux ne voulaient pas. Force lui fut bien de les prendre.

Et voilà pourquoi, d’après nos campagnards, l’on dit avec raison : « Malpropre comme une huppe ».

« Musée des familles. »  Charles Delagrave. paris, 1897. 
Photo : Gérard Joyon.

Vieux proverbe

Publié le Mis à jour le

gotlib-gifle

On disait fréquemment autrefois donner cinq et quatre, la moitié de dix-huit, pour signifier qu’on avait appliqué à quelqu’un deux soufflets consécutifs.

Cette manière de parler vient de ce qu’en appliquant à quelqu’un un une gifle sur chaque joue, on lui donne le premier avec le plat ou la paume de la main, où les cinq doigts assemblés frappent ensemble, puis on frappe du revers de la main, où il n’y a que quatre doigts qui touchent la joue, parce que le pouce demeure en arrière.

Cinq et quatre font neuf, qui est, en effet, la moitié de dix-huit.

Illustration : Gotlib.

Attendez-moi sous l’orme

Publié le Mis à jour le

proverbe

L’expression proverbiale répond à cette idée : Le rendez-vous que vous me donnez m’est déplaisant et je ne m’y rendrai pas. Or le type des rendez-vous désagréables est une assignation qui nous appelle à comparaître devant le juge. C’est certainement à celui-là qu’on fait allusion dans l’origine.

Car autrefois les juges de village rendaient leurs sentences debout, sans rocking chair rembourré à l’envi, sous l’orme planté devant l’église ou au carrefour, n’ayant pas de  siège, d’audience particulier. Quelquefois c’était à la porte des maisons des nobles, sous un arbre planté devant le manoir seigneurial. On les appelait les plaids de la porte ; et comme il y avait d’ordinaire un orme à cet endroit, on a dit des premières assignations données en justice : Attendez-moi sous l’orme.

Ce proverbe s’emploie donc pour désigner un rendez-vous désagréable, ou pour donner un rendez-vous où l’on n’a pas l’intention de se trouver. Un peu comme on rechigne allègrement à l’invitation d’un couple d’amis au spectacle commis à la kermesse du village par la petite dernière…

Regnard en a fait le titre d’une de ses comédies, où nous le retrouvons à la dernière scène :

Attendez-moi sous l’orme,
Vous m’attendrez longtemps.

De nos jours, on n’attend plus sous l’orme qu’au figuré. Ou alors n’y rencontrera-t-on qu’un lapin sournoisement sacrifié…

Inspiré d’un article publié dans : « Le conteur vaudois : journal de la Suisse romande. »  1892.

« Rester pour coiffer sainte Catherine »

Publié le Mis à jour le

Ronde de catherinettes autour d’un agent de police, à Paris. Agence Rol.
Ronde de catherinettes autour d’un agent de police, à Paris. Agence Rol.

Le jour où une jeune fille se mariait, on avait coutume autrefois de charger celle qui souhaitait le plus de faire bientôt comme elle, d’attacher sa coiffure nuptiale, dans l’idée superstitieuse que cela ne pouvait manquer de l’aider à se marier plus vite. Et c’est encore un honneur, du reste, en province, que d’attacher la première épingle à la couronne d’une fiancée.

Or, comme cet usage n’a jamais pu être observé à l’égard d’aucune des saintes du nom de Catherine, attendu qu’elles sont toutes mortes en religion, et que, suivant la remarque des légendaires, elles ont toutes fait choix de l’Epoux immortel, on a dit de là, des filles qui restent à marier et qui n’en ont plus l’espérance, qu’elles restent pour coiffer sainte Catherine, ce qui signifie qu’il n’y a chance pour elles d’entrer en ménage qu’autant qu’elles auront fait la toilette de noce de cette sainte, condition impossible à remplir.

Cependant cette explication, bien qu’authentique, est un peu compliquée. En voici une plus simple, fondée sur l’usage qu’on avait de coiffer les statues de saintes dans les églises. Comme on ne choisissait que des jeunes filles pour coiffer sainte Catherine, leur patronne, il fut très naturel de considérer ce ministère comme une charge toute spéciale pour celles qui vieillissaient sans espoir de mariage, après avoir vu toutes leurs compagnes se marier.

« Histoire anecdotique et morale des proverbes et dictons français. » Joséphine Amory de Langerack, Lille, 1883.