Prince d’Orange

Une journée du grand roi

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louis xivIl se leva à midi, et douze gentilshommes de la chambre se hâtèrent de poser sur sa tête une énorme perruque, et de jeter sur ses épaules le manteau royal; car l’on sait que le grand roi aimait beaucoup à représenter, et que M. Colbert avait reçu l’ordre de ne pas achever un monument sans y jeter en bosse le monarque, soit en Hercule, soit en Atlas, mais toujours en perruque, attendu qu’il n’y a que les usurpateurs qui n’en portent point.

Quand sa toilette fut achevée, il se dirigea majestueusement vers l’Oeil-de-Boeuf, où l’attendaient depuis plusieurs heures une nuée de courtisans. Dès que le nec pluribus impar se montra, ils se prosternèrent jusqu’à terre comme des chameaux, et ils restèrent dans cette attitude jusqu’à ce qu’un signe impératif leur permit de se relever. Tous ces animaux sans vertèbres attendaient’avec anxiété ces signes de bienveillance, avant-coureurs des grâces qu’ils faisaient mendier par leurs fils, lorsqu’ils étaient prêtres, ou par leurs femmes, si elles étaient jeunes et jolies.

Et le roi disait quelquefois :

 Marquis, on m’a assuré que vous étiez bon chasseur; je veux demain chasser au courre avec vous; car depuis Nembrod, chasseur violent devant le seigneur, tous les rois ont aimé la chasse…. Comte , dites à votre épouse que nous l’invitons jeudi à la soirée qu’il nous plaira de donner à notre Petit-Trianon; vous, je vous engage à rejoindre votre corps en Belgique; vous direz à Condé de ne pas traverser le Rhin sans que j’y sois; je veux donner une leçon à nos ennemis. Mes poètes Racine et Boileau préparent leurs habits, et Grammont sera de la partie… Ambassadeur d’Angleterre, faites savoir à mon frère Jacques que Le Tellier est édifié de sa conduite envers Rome; qu’il poursuive les hérétiques l’épée dans les reins, comme moi, et il n’aura rien à craindre du prince d’Orange ni du duc d’Argyle.

Et au bout de trois mois , le roi Jacques fut chassé de son trône et de son pays.

Quand le grand roi eut achevé de parcourir la salle de l’Oeil-de-Boeuf, il donna audience à ses académiciens; l’abbé Cassagne et M. Perrault lui furent présentés.

 Messieurs, leur dit-il, je vous charge de ce que j’ai de plus précieux, de ma gloire. Vous, M. l’abbé, dites à mon Académie que je prétends avoir un éloge dans tous les discours qu’elle prononcera; vous, M. Perrault, je vous recommande de me représenter en Adonis dans le premier monument qu’il me sera agréable de, vous ordonner, ou en Hercule, aux genoux de Mme de Maintenon.

Quand les académiciens et les valets se furent retirés, le grand roi fit appeler Le Tellier, et lui demanda s’il pouvait sans scrupule emprunter au juif Samuel-Bernard quelques millions dont il avait besoin pour donner une fête à Marly. Le Tellier leva toutes les difficultés en assurant que puisque d’un côté « on chassait les juifs de leurs synagogues, et qu’on les forçait à aller à la messe, on pouvait par compensation leur emprunter de l’argent ». Sur ces entrefaites, la Maintenon, poudrée à neige, et en robe à queue, entra,tenant dans ses mains une large feuille de papier.

 Qu’avez-vous donc ? que vous paraissez si agitée, lui dit le monarque en lui baisant le cou.
Sire, il est temps de venger la religion méprisée par les calvinistes : forcez les pères à aller au sermon, et les fils y iront plus tard de bonne grâce; ce léger mal produira un grand bien.
— Je n’ai rien à vous refuser, mon astre, répliqua le roi.

Et la révocation de l’Edit de Nantes fut signée, à la grande joie de Le Tellier et de la courtisane de service.

Le lendemain, les proscriptions commencèrent; les calvinistes furent pillés, massacrés, exilés de toute la France. Toutefois, le grand roi chassa au courre, donna sa fête à Marly, fut loué par ses académiciens, et coucha avec la Maintenon. Et le peuple, que faisait-il ?… Le peuple ? Il préparait la révolution.

« Diogène : feuille historique, philosophique et littéraire. » Paris, 1828.

Le secret

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Frédéric-Henri-Nassau

Comme le prince d’Orange s’apprêtait à partir pour une expédition secrète, un de ses officiers le prit à part et le supplia de lui confier son projet.

 Etes-vous capable de bien garder mon secret ?
— Oui, mon général.
— Eh bien ! moi aussi.

Voitures à voiles

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Le char à voile construit pour le prince Maurice de Nassau (estampe de 1649).
Le char à voile construit pour le prince Maurice de Nassau (estampe de 1649).

L’idée de construire des voitures à traction mécanique est fort ancienne. Je n’étonnerais personne en écrivant qu’elle fut réalisée en Chine, aux temps les plus reculés, sous forme de brouettes à voiles.

Il est évident d’ailleurs que la force motrice du vent employée de toute antiquité pour la propulsion des bateaux devait tenter d’abord l’imagination des inventeurs de véhicules terrestres.

Le célèbre père Boscowich astronome, géomètre et physicien polonais du XVIIe siècle avait recueilli des spécimens de ces premiers essais en Chine, en Perse, en Egypte, à Bysance.

La plus curieuse pièce de son musée, installé à Varsovie, était le char à vent de Constantin Dracosès, le dernier empereur d’Orient. Ce char était gréé en vaisseau de grand bord et à doubles voiles grecques entrecroisées comme des ailes d’oiseau.

Par malheur, un incendie détruisit en 1710 le musée Boscowich.

Plus près de nous, citons le chariot à voiles sur lequel le prince d’Orange  parcourait d’une allure très rapide les plages de Scheveningen

En 1782, un ingénieux mécanicien qui, plus tard, acquit une grande réputation d’aéronaute, Blanchard, construisit et expérimenta avec succès un char à voiles qui évolua plusieurs fois devant les Parisiens ébahis sur la place Louis XV et dans l’avenue des Champs-Elysées.

Gabriel de la Landelle raconte qu’il a vu à Paris, en 1836, une barque voilée montée sur chariot qui circulait bon train sur les quais et traversait le pont Royal.

En Russie, vers la même époque, il y eut un service régulier de voitures publiques à voiles entre Saint-Pétersbourg et Cronstadt. Lorsqu’il ventait ferme, ce courrier arrivait à faire du cinquante à l’heure.

« Magazine universel. » Paris, 1903.

Un héros spirituel

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Marshal_luxembourg Le maréchal de Luxembourg (1628-1693), le vainqueur de Fleurus, de Lens, de Nerwinde, était contrefait. Le prince d’Orange, désespérant de le vaincre, s’écriait souvent:

Ne battrai-je donc jamais ce bossu-là ?

Comment sait-il que je suis bossu, dit Luxembourg à ceux qui lui rapportaient ce propos, il ne m’a jamais vu par derrière.

« Le Petit Français illustré. »  Paris, 1864.