prévôt

Pavés parisiens

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moyen-ageFrançois Myron bouleversa le vieux Paris de Philippe-Auguste pour l’embellir et le rendre prospère. Il jouissait d’une grande popularité; parce que, tout en étant lieutenant civil et prévôt des marchands. Il était en même temps le type le plus remarquable du bourgeois de Paris dans la plus large acception du mot.

François Myron rendit célèbre dans l’histoire de Paris un nom qu’illustra encore après lui son neveu, prévôt des Marchands sous Louis XIII. C’est Robert Myron, qui fit paver les ruelles de la bonne ville de Paris. De son temps il n’y avait encore de dallées que les quatre grandes voies aboutissant aux principales entrées de la ville. Ces entrées étaient les portes Saint-Honoré, Saint-Denis, Saint-Antoine et Saint-Jacques. On appelait ces voies la croisée de Paris, parce qu’elles formaient une croix en se rencontrant. Elles avaient été dallées sous Philippe-Auguste en 1184 (1). C’est Girard de Poissy, un financier de l’époque, qui contribua volontairement pour 11,000 marcs d’argent à cette dépense qui s’éleva à 22,000 marcs. Ces dalles avaient de 13 à 14 pouces de longueur, 3 pouces d’épaisseur. On empierra une cinquantaine de rues avoisinantes, et dans les autres ruelles le sol fut  battu.

Les nobles et les hauts bourgeois hantèrent les voies dallées. Le commerce habita les rues empierrées et le populaire s’entassa dans les ruelles boueuses et infectes qui occasionnaient régulièrement des épidémies sévissant avec une telle rage qu’il fallait repeupler certains quartiers, notamment sous Louis XI. Et de quelles menues gens se composait ce recrutement municipal ? de mendiants, de truands, de voleurs de province. C’est là, faisons-le remarquer en passant, l’origine du mauvais renom de certains quartiers parisiens, mauvaise réputation qui existe encore aujourd’hui, quoique habités par de tout aussi honnêtes gens que les quartiers aristocratiques, qui ne jouissent de leur belle réputation qu’à cause de l’injuste préférence qu’eurent pour eux les édiles du vieux Paris.

Cette défaveur injuste révolta le bon Myron.

« De par Dieu ! dit-il un jour, les pauvres habitants des rues de l’Orberie, du Marché-Palu, des Calendreurs et des Morteliers sont nos enfants comme les beaux seigneurs de la place Royale et de la rue Saint-Antoine. Dieu leur a donné pour étoffe semblable une même peau. Ores, il ne faut pas que les uns restent plus longtemps étouffés dans la fange de leurs ruelles, tandis que les autres se promènent sur de belles et de bonnes dalles;  cecy seroit déshonorant pour la prévosté. Messieurs de la ville, baillez-moi de l’argent, et j’aviseray. »

On lui bailla 200,900 livres et il fit payer les quartiers populeux déshérités. Le nouveau pavé qu’employa l’entrepreneur Marie était à peu près de la dimension du pavé actuel. Certaines rues ont encore des pavés de cette époque.paris-moyen-ageLes Parisiens toujours fidèles. à leurs habitudes gouailleuses et frondeuses chansonnèrent le prévoyant magistrat :

Robert Myron
Est un oison.
Son seul espoir
Est de nous voir
Sur le pavé.
……………………….

Mais, ce ne fut pas tout. Le vent tournait à la sédition. Ils étaient prêts déjà à faire des barricades avec les pavés, avant même qu’il ne fussent enchaussés dans le sol. Il fallut que le capitaine des gardes plaçât des archers aucoin des rues pour protéger les ouvriers contre les mutins.

Lors des démolitions de la maison portant le n° 13 de la rue d’Arcole, élevée sur les fondations de l’église Sainte-Marine, on a trouvé le sarcophage de François Myron. La bière en plomb a la forme d’une ellipse étranglée à l’une de ses extrémités, comme les boîtes mortuaires dans lesquelles sont emprisonnées les momies égyptiennes. L’épitaphe était effacée. Quand on souleva le couvercle du cercueil, on ne trouva qu’un squelette entouré d’une suie noirâtre mélangée de poussière et de plantes aromatiques ayant servi à l’embaumement.Chose singulière, on ne retrouva ni les insignes de sa charge, ni son épée ni son anneau, etc., ni même des traces de ses armoiries : de gueules, au miroir rond (Myron, miroir rond, armes parlantes) d’argent garni et pommelé d’or. La commission des beaux-arts, par la bouche de ses experts, déclara que c’était bien le grand édile parisien, et ses reliques illustres furent descendues dans les caveaux de Notre-Dame.

(1) On raconte qu’un jour ce grand roi étant à la fenêtre de son palais, un chariot remua en passant la fange de la rue qui longeait le mur et répandit une telle infection jusque dans l’appartement royal que le prince ordonna de paver les rues.

Amédée de  Ponthieu. « Légendes du vieux Paris. » Paris, 1867.

Les premiers voleurs

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georges-de-la-tour

Entendons-nous bien, il ne s’agit point de clouer ici au pilori les premiers hommes qui pensèrent que le moyen le plus pratique pour se procurer quelque chose était le « larcin furtivement fait ». Il nous faudrait pour cela remonter à travers la nuit des temps, jusqu’aux origines de l’humanité. 

Nous voulons simplement parler des premiers mauvais garçons à qui on infligea le nom de voleurs. Cela ne remonte pas au delà du début du XVIe siècle. Jusque-là, on ne connaissait que des larrons, des pilleurs,  des coupe-bourse et des tire-laine : tels furent les compagnons de François Villon et les Coquillards. 

Quant au mot voleur, écrit le vieux Pasquier, l’ordonnance du roi François 1er faite contre eux nous enseigne l’origine, quand elle dit qu’il y avait de meschants hommes, lesquels faisaient semblant de voler l’oyseau, aguétoient des marchands sur les chemins; si cela n’est vray, il est bien trouvé. Ce texte est rappelé par M. Pierre Champion dans l’Envers de la Tapisserie qui nous apporte une documentation si précise sur les différents aspects de la vie publique et privée des Parisiens au temps de François 1er (Calmann-Levy). 

L’explication de Pasquier, qui séduisait encore Littré, est contredite par les étymologistes, gens redoutables, qui font venir le mot voler de vola, paume de la main. Ainsi, voler équivaudrait strictement à empaumer

Quoi qu’il en soit de cette question d’étymologie, c’est sous le règne de François 1er qu’apparurent les premiers « voleurs ». Ils étaient même si nombreux qu’en 1515 on dut créer au Parlement de Paris une Chambre criminelle distincte, connue sous le nom de Chambre de la Tournelle, car, disait le roi, les crimes et délictz qui ont pullulé, et encore de présent pullulent plus que jamais en nostre royaume n’ont esté corrigez ne pugniz

Nos voleurs, auxquels se mêlaient une foule d’aventuriers allemands et italiens, vivaient en véritables bandes de plusieurs centaines d’individus qui soutenaient, souvent victorieusement, de véritables combats rangés avec Le guet. Leur repaire était dans les bois qui avoisinaient le village du Bourget. Une grande rafle, le 28 janvier 1526, aboutit à cinq cents arrestations de malfaiteurs qui furent condamnés aux fers et galères. 

Comme les méfaits de ces voleurs, dont beaucoup étaient d’anciens soldats, se multipliaient, on se montra plus sévère. Le prévôt de Paris en fit pendre, étrangler ou brûler un bon nombre. 

Ces dernières sanctions furent encore insuffisantes pour assurer la sécurité des citoyens. Aussi, pour les brigands et meurtriers qui terrorisaient les bourgeois, une ordonnance du II janvier 1535, publiée à son de trompe, à tous les carrefours, prévit un nouveau supplice, importé sans doute des bords du Rhin : les coupables seraient liés sur la roue après avoir eu les membres cassés et y demeureraient vivants pour y faire pénitence tant et si longuement qu’il plaira à Notre Seigneur de l’y laisser, et morts jusques à ce qu’il soit ordonné par justice, afin de donner crainte, terreur et exemple à tous autres de ne choir, ne tomber en tels inconvénients et ne souffrir, n’endurer telles et semblables peines et tourments pour leurs crimes, délicts et maléfices. 

En dépit de ses rigueurs, François 1er fut obligé de constater qu’on continuait à piller et à détrousser de nuict les allans et venans, ès villes, villages et lieux de notre royaume. 

L’ordre ne fut guère rétabli, et encore provisoirement, que sous Henri II, qui, en 1549, enleva ces affaires à la compétence du Prévot pour les rendre à la juridiction des tribunaux ordinaires, Mais non plus que Louis XIII avec M. de Laffemas ou Louis XIV avec M. de la Reynie, les souverains de la Renaissance ne purent faire disparaître de Paris les mauvais garçons.

Et nous nous apercevons chaque jour, par la lecture des quotidiens, que nous n’en sommes pas encore débarrassés. 

Georges Mongredien.  » Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques. » Paris, 1936.
Peinture de Georges De la Tour.

L’aumone forcée

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boulangerie

Les boulangers de Lyon ayant demandé à monsieur Dugas, prévôt des marchands, la permission d’augmenter le prix du pain et ayant laissé sur sa table une bourse de 200 louis pour le gagner, ce magistrat leur dit le lendemain:

Messieurs, j’ai pesé vos raisons dans la balance de la justice, et ne les ai point trouvées d’un poids supérieur à la misère publique. Au reste, je compte avoir prévenu vos intentions, en faisant distribuer aux pauvres l’argent que la commisération vous a portés à laisser sur ma table. Et puisque vous êtes en état de faire de telles aumônes, j’en ai conclu que le prix actuel du pain ne pouvait point porter de préjudice à votre profession.

Monsieur Dugas n’a pas souvent rencontré d’imitateurs depuis.

« Chroniques. »  Paris, 1849.