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Le mystère des rêves

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Les rêves ont toujours éveillé la curiosité des hommes. A Delphes, dans l’ancienne Grèce, on endormait la Pythie au moyen de vapeurs méphitiques qui s’échappaient d’une ouverture naturelle et les paroles incohérentes de son cauchemar dictaient les décisions aux heures graves que traversait le pays. Cela, ni mieux ni pis qu’aujourd’hui. Depuis Joseph et Putiphar, les clefs des songes se sont disputé avec les tarots et le marc de café la faveur des foules. Les marchands d’espoir n’ont jamais été à la baisse.

Le sommeil n’est pas toujours une petite mort. Nous vivons parfois dans nos rêves une vie intense dont le réveil ne nous laisse généralement qu’un assez vague souvenir. Fantasmagories qui se déroulent avec la rapidité de l’éclair, les rêves qui nous paraissent les plus longs ont à peine duré quelques secondes. Ainsi que les vagues d’une mer tumultueuse, mille visions, sentiments ou souvenirs s’agitent plus ou moins incohérents lorsque cesse le contrôle de notre débandade d’écoliers affranchis de la surveillance du maître.

Et cependant, pour qui regarde bien, leur incohérence cache parfois une signification. Beaucoup de rêves sont liés à notre état de santé : une digestion pénible, une gêne circulative ou pulmonaire, la compression d’un membre, et voici notre sommeil agité de douloureux cauchemars. Nous rêvons d’un poids qui nous écrase la poitrine, d’un animal qui nous ronge un membre, ou bien nous sommes poursuivis par un danger que nos jambes se refusent à fuir. Ou encore nous nous balançons dans l’espace, nous faisons, une chute dont le choc nous réveille en sursaut. Les mêmes troubles de nos organes provoquent des images très comparables, comme si le rêve avait son langage symbolique.

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Les poisons ont leur cauchemar : l’alcoolique voit courir des rats, l’opiomane ramper des serpents. Les sorciers indiens du Mexique utilisent, pour certaines pratiques, une plante sacrée, le pavot, qui déroule devant les yeux émerveillés le plus étonnant mirage de couleurs. Il y a même des rêves annonciateurs de maladies et le docteur Allendy, dans son intéressant ouvrage sur le rêve, cite le cas d’une fillette qui rêvait qu’un étau lui serrait la tête quelques jours avant que sa méningite fût déclarée.

Tout n’est pas obscurité et incohérence dans nos songes. Il semble que parfois une intelligence supérieure préside à notre sommeil. Ne vous est-il pas arrivé de voir s’imposer le matin, en toute clarté, à votre esprit, la solution d’un problème que vous avez inutilement cherché la veille ? C est souvent dans un état de demi-conscience que l’inspiration se manifeste chez les artistes. Tous les poètes l’ont éprouvé et Jean de la Fontaine composa en rêve sa fable des Deux Pigeons. Il semble qu’en rentrant dans le repos du sommeil, notre intelligence nous ouvre la porte d’un monde mystérieux où se manifestent d’étranges possibilités.

Les somnambules accomplissent la nuit, à l’état de rêves, les actes les plus périlleux avec une précision étonnante.

Il y a de nombreux exemples rigoureusement contrôlés de personnes qui reçoivent pendant le sommeil l’avertissement d’un malheur. Une angoisse inconnue ou une hallucination les réveille à l’instant même où meurt un être qui leur est cher, comme si les fils invisibles qui les reliaient étaient brusquement rompus. Certains médiums possèdent, à l’état de sommeil, la faculté de voir et de sentir à distance, et bien d’autres puissances qui échappent encore à la psychologie officielle.

Docteur Bertrand. « L’Union de Limoges. » 1928. 
Peinture : Battista Dossi, Allégorie de la Nuit.
Peinture : William Blake, The Night of Enitharmon’s Joy.

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Les apothicaires

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On vient de retrouver, dans la collection Joly de Fleury, le mémoire des médicaments qui furent fournis au prince de Condé, fils du Grand Condé, par les apothicaires du corps du roi dont le premier s’appelait Biet.

Le prince de Condé fut assez longtemps malade, puisque le mémoire parle de médicaments livrés le 2 septembre 1708, lendemain du jour où le prince s’alita, jusqu’au 31 mars 1709 où il mourut.

Il avait trois médecins : Finot, Chauvin, Morel, qui commencèrent par lui administrer de la tisane faite avec du riz, du raisin, de la guimauve et du sucre candi, sans préjudice des clystères réitérés avec l’huile de bœuf dont ils l’attaquaient de l’autre côté… Hélas ! cela ne réussissait pas, et on eut recours à un quatrième médecin, Helvétius, qui conseilla le traitement avec de l’hyacinthe. Ce traitement ne réussissant pas encore, on administra au prince de l’eau de pavot, de la tisane de cornes de cerf, de l’ipéca, de raisins, des jujubes, de la réglisse, de la mauve, de la racine de gui, etc….

Il n’en mourut pas moins le 31 mars 1709, et d’après le mémoire des médecins, « il succomba à la maladie dont il souffrait ». Il y avait quelques années que Molière avait constaté, avec la Faculté que, quand une jeune la fille ne parle pas, c’est qu’elle est muette.

« Le Journal du dimanche : gazette hebdomadaire de la famille. »  Paris, 1905.