Panthéon
Cendres perdues
Quand on est mort, c’est pour longtemps, disait un proverbe fort judicieux. Il paraît que ce n’est pas toujours vrai. Je n’en veux pour preuve que les mésaventures posthumes de ce pauvre Lepeletier de Saint-Fargeau, le célèbre conventionnel dont on ne sait plus au juste où sont les cendres et dont le cercueil est recherché comme un objet perdu. C’est à peu près la répétition de ce qui arriva naguère à Jean-Jacques Rousseau.
Avec une différence, cependant. C’est que pour Jean-Jacques, on savait où était le cercueil. Toute la question était de savoir si les cendres s’y trouvaient encore. Pour Lepeletier ce Saint-Fargeau, le cas est plus compliqué. On l’avait, à sa mort, solennellement transporté au Panthéon. Il en fut délogé après le 9 Thermidor, et sa famille l’enterra dans sa propriété du lac Saint-Fargeau. Mais, les propriétés, pas plus que les propriétaires, ne sont éternelles. Celle-là fut vendue, puis transformée en un bal public.
Les restes de Lepeletier furent alors juges très encombrants. On déterra le cercueil dont les planches s’en allèrent en poussière : on mit les cendres dans une petite boîte. Qu’est devenue cette boîte ? C’est ce qu’on recherche actuellement. Et si on la retrouve, que contiendra-t-elle, au juste ?
Tout cela prouve, une fois de plus le néant et la vanité des honneurs. C’est le Panthéon qui a valu tous ces ennuis au pauvre Lepeletier, et il serait aujourd’hui un mort comme les autres, à l’abri des tracas et des misères, s’il avait eu la chance d’être enterré dans quelque humble cimetière de campagne, bien retiré et bien tranquille…
Emmanuel Arène, 1901.
Illustration : Edouard Cortes.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.