Notre-Dame

L’ascenseur de l’Arc de Triomphe

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edouard_cortesNous l’aurons, cet ascenseur, rien ne pouvant empêcher l’homme qui s’est mis dans la tête de construire un ascenseur d’arriver à ses fins. Un homme avait dit : « Je ferai un ascenseur à l’Arc de Triomphe. » et cet ascenseur va se  faire malgré toute l’énergie avec laquelle les membres de la Commission des monuments historiques ont pu en dis- cuter. Il y aura un ascenseur qui transportera jusqu’au sommet les visiteurs de l’Arc de Triomphe.

Où mettra-t-on cet ascenseur ? On a découvert (car celui qui veut faire un ascenseur découvre toujours la place), qu’à l’un des angles de l’Arc de Triomphe il existe une sorte de puits qui, du haut en bas de l’Arc de Triomphe, devait permettre autrefois le transport des matériaux sur la plate-forme du monument. C’est dans ce puits que sera  construit l’ascenseur et ainsi la réalisation du principal intéressé dans cette affaire ne sera bientôt plus qu’une question de jours. 

Et ne vous y trompez pas. Nous aurons aussi l’ascenseur à Notre-Dame. Je sais bien que jusqu’ici, la résistance des Monuments historiques est telle qu’il est permis d’espérer que l’ascenseur des tours Notre-Dame restera longtemps encore dans le domaine du rêve. Mais soyez sûr que les constructeurs d’ascenseurs seront plus tenaces que les membres de la Commission des Monuments historiques et que, peu à peu, il auront su s’insinuer dans leurs bonnes grâces jusqu’à la chute du dernier des Romains : ce jour-là, il y aura un ascenseur pour nous permettre d’aller converser avec Quasimodo parmi les gargouilles de la cathédrale parisienne. 

« La Renaissance : politique, littéraire et artistique. » Paris, 1914.
Peinture : Edouard Cortes.

Pavés parisiens

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moyen-ageFrançois Myron bouleversa le vieux Paris de Philippe-Auguste pour l’embellir et le rendre prospère. Il jouissait d’une grande popularité; parce que, tout en étant lieutenant civil et prévôt des marchands. Il était en même temps le type le plus remarquable du bourgeois de Paris dans la plus large acception du mot.

François Myron rendit célèbre dans l’histoire de Paris un nom qu’illustra encore après lui son neveu, prévôt des Marchands sous Louis XIII. C’est Robert Myron, qui fit paver les ruelles de la bonne ville de Paris. De son temps il n’y avait encore de dallées que les quatre grandes voies aboutissant aux principales entrées de la ville. Ces entrées étaient les portes Saint-Honoré, Saint-Denis, Saint-Antoine et Saint-Jacques. On appelait ces voies la croisée de Paris, parce qu’elles formaient une croix en se rencontrant. Elles avaient été dallées sous Philippe-Auguste en 1184 (1). C’est Girard de Poissy, un financier de l’époque, qui contribua volontairement pour 11,000 marcs d’argent à cette dépense qui s’éleva à 22,000 marcs. Ces dalles avaient de 13 à 14 pouces de longueur, 3 pouces d’épaisseur. On empierra une cinquantaine de rues avoisinantes, et dans les autres ruelles le sol fut  battu.

Les nobles et les hauts bourgeois hantèrent les voies dallées. Le commerce habita les rues empierrées et le populaire s’entassa dans les ruelles boueuses et infectes qui occasionnaient régulièrement des épidémies sévissant avec une telle rage qu’il fallait repeupler certains quartiers, notamment sous Louis XI. Et de quelles menues gens se composait ce recrutement municipal ? de mendiants, de truands, de voleurs de province. C’est là, faisons-le remarquer en passant, l’origine du mauvais renom de certains quartiers parisiens, mauvaise réputation qui existe encore aujourd’hui, quoique habités par de tout aussi honnêtes gens que les quartiers aristocratiques, qui ne jouissent de leur belle réputation qu’à cause de l’injuste préférence qu’eurent pour eux les édiles du vieux Paris.

Cette défaveur injuste révolta le bon Myron.

« De par Dieu ! dit-il un jour, les pauvres habitants des rues de l’Orberie, du Marché-Palu, des Calendreurs et des Morteliers sont nos enfants comme les beaux seigneurs de la place Royale et de la rue Saint-Antoine. Dieu leur a donné pour étoffe semblable une même peau. Ores, il ne faut pas que les uns restent plus longtemps étouffés dans la fange de leurs ruelles, tandis que les autres se promènent sur de belles et de bonnes dalles;  cecy seroit déshonorant pour la prévosté. Messieurs de la ville, baillez-moi de l’argent, et j’aviseray. »

On lui bailla 200,900 livres et il fit payer les quartiers populeux déshérités. Le nouveau pavé qu’employa l’entrepreneur Marie était à peu près de la dimension du pavé actuel. Certaines rues ont encore des pavés de cette époque.paris-moyen-ageLes Parisiens toujours fidèles. à leurs habitudes gouailleuses et frondeuses chansonnèrent le prévoyant magistrat :

Robert Myron
Est un oison.
Son seul espoir
Est de nous voir
Sur le pavé.
……………………….

Mais, ce ne fut pas tout. Le vent tournait à la sédition. Ils étaient prêts déjà à faire des barricades avec les pavés, avant même qu’il ne fussent enchaussés dans le sol. Il fallut que le capitaine des gardes plaçât des archers aucoin des rues pour protéger les ouvriers contre les mutins.

Lors des démolitions de la maison portant le n° 13 de la rue d’Arcole, élevée sur les fondations de l’église Sainte-Marine, on a trouvé le sarcophage de François Myron. La bière en plomb a la forme d’une ellipse étranglée à l’une de ses extrémités, comme les boîtes mortuaires dans lesquelles sont emprisonnées les momies égyptiennes. L’épitaphe était effacée. Quand on souleva le couvercle du cercueil, on ne trouva qu’un squelette entouré d’une suie noirâtre mélangée de poussière et de plantes aromatiques ayant servi à l’embaumement.Chose singulière, on ne retrouva ni les insignes de sa charge, ni son épée ni son anneau, etc., ni même des traces de ses armoiries : de gueules, au miroir rond (Myron, miroir rond, armes parlantes) d’argent garni et pommelé d’or. La commission des beaux-arts, par la bouche de ses experts, déclara que c’était bien le grand édile parisien, et ses reliques illustres furent descendues dans les caveaux de Notre-Dame.

(1) On raconte qu’un jour ce grand roi étant à la fenêtre de son palais, un chariot remua en passant la fange de la rue qui longeait le mur et répandit une telle infection jusque dans l’appartement royal que le prince ordonna de paver les rues.

Amédée de  Ponthieu. « Légendes du vieux Paris. » Paris, 1867.

Ecoles buissonnières

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Emile-Claus

Au Moyen Âge, chaque écolier, faisant partie des petites écoles de Paris, payait une rétribution à son maître, qui, à son tour, en payait une au chantre de Notre-Dame.

Quelques maîtres, pour se soustraire à cette redevance, tenaient leur école dans des lieux écartés, ou même dans les champs et les bois qui environnaient la capitale. De là, les écoles prirent le nom d’écoles buissonnières. Au seizième siècle, on nommait ainsi les écoles que les protestants tenaient secrètement à Paris, et qui furent défendues par un arrêt du parlement, rendu le 6 août 1552.

Telle est vraisemblablement l’origine de notre proverbe : « faire l’école buissonnière ».

« Le Magasin pittoresque. » Paris, 1842.
Illustration : Emile Claus.

De quelques usages de la paille

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salle-classeAutrefois, quand un chanoine du chapitre de Notre-Dame venait à quitter sa prébende, soit par mort ou par démission, ses draps, son oreiller et son lit de plume appartenaient de droit aux pauvres de l’Hôtel-Dieu. A les planchers des appartements étaient jonchés de paille et de nattes.

On voit, en 1208, Philippe-Auguste faire don à l’Hôtel-Dieu de toute la paille de sa chambre et de son palais, lorsqu’il venait à quitter Paris Les églises étaient également jonchées de paille, mais pendant l’hiver seulement. En été on couvrait le sol de feuilles 

d’arbre et d’herbes odoriférantes. Comme il n’y avait pas de bancs, ceux des fidèles qui ne prenaient pas la précaution d’apporter leurs sièges avec eux s’asseyaient ou s’agenouillaient à terre. Il en était de même dans les écoles de Paris, où les jeunes élèves étaient couchés çà et là, pèle-mêle aux pieds des professeurs. Par une singulière et bizarre explication de cet usage, la bulle donnée à cet effet par le pape Urbain V, porte que c’était afin d’inspirer aux écoliers des sentiments d’humilité et de subordination.

On sait que la rue du Fouarre, occupée alors par les écoles, ne reçut son nom qu’à cause de la paille ou feurre dont elle était couverte. 

La liberté de la saignée

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saignée

Entre beaucoup de libertés qui se trouvaient gênées au moyen âge, il faut compter assurément la liberté de la saignée, une de celles dont on a peut-être le plus abusé en France à d’autres époques.

Les ordonnances royales prescrivaient aux barbiers de ne saigner qu’en bonne lune. Trois mois étaient exclus : avril, mai et septembre. Défense à celui qui faisait métier de saigner de tenir devant sa maison ou aux environs, les jours de mauvaise lune, des écuelles ou autres ustensiles pour l’usage de sa profession, à peine de dix sols d’amende. La saignée était de plus proscrite les dimanches, aux cinq fêtes de Notre-Dame, les jours de l’An, de Noël, des Rois, de la Toussaint, de l’Ascension, du Saint-Sacrement et de Saint-Jean-Baptiste.

Le barbier ne pouvait non plus mettre bassins pendant les jours de Noël, Pâques, Pentecôte, de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Pierre et des Morts, ni mettre sang en écuelle hors de la salle de son hôtel, ni le garder au delà de l’heure de None. S’il avait opéré le matin, il devait jeter le sang à une heure après midi. S’il saignait après midi, il était tenu aussi de le jeter deux heures après, sous peine d’une amende de cinq sols par contravention.

A Reims il existait un puits destiné à recevoir le sang des saignées, où il devait toujours y avoir un vase avec de l’eau claire pour laver avec soin le bassin dont on s’était servi. Il y a même encore aujourd’hui dans cette ville une rue qui porte le nom de Puits au Sang, parce qu’elle conduisait à cette espèce de trou perdu.

« Almanach de France et du Musée des familles. »Paris, 1865.

Le cul-de-jatte

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cul-de-jatte

Favart raconte l’histoire d’un cul-de-jatte mendiant, alors connu de tout Paris (1763).

Cet homme donnait de l’eau bénite le matin à Notre-Dame, ensuite il parcourait la ville et les environs à l’aide de deux petits chevalets, qu’il employait avec beaucoup de force et d’habileté. Le coquin avait une face d’une largeur superbe, il était gros à proportion, et, à en juger par son tronçon, il aurait eu près de six pieds s’il n’eut pas été mutilé. A son embonpoint, sa rougeur, sa vigueur, on pouvait juger qu’il était abondamment nourri. Rien ne lui manquait pour être heureux que d’être honnête homme.

Un jour, sur la route de Saint-Denis, il demande l’aumône à une femme qui passait. Elle lui jette une pièce de douze sous. Il la prie de la lui ramasser, ce qu’il ne peut faire lui-même. Tandis que la brave dame se baisse, il s’approche, lui décharge sur la tête un coup de maillet, et, voyant qu’elle n’est pas morte, lui coupe le cou et la vole.

Cette action est aperçue. On saisit l’assassin, on le mène en prison. Interrogé, il avoue que depuis vingt ans il fait ce métier et que ses victimes sont nombreuses.

Il plaisante d’ailleurs sur sa situation, et dit qu’il ne peut jamais être rompu qu’à moitié, car il défie bien le  bourreau de lui casser les jambes.

« Curiosités historiques et littéraires. »  Eugène Muller, Paris, 1897.