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L’homme qui bêle

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Tulpius, médecin hollandais, donne l’histoire d’un adulte trouvé dans un désert d’Irlande, vivant au milieu d’un troupeau de moutons à demi-sauvages.

Sa peau très brune était couverte de poils laineux. Sa bouche, extraordinairement fendue, ne savait articuler aucune parole humaine; mais elle laissait sortir, de temps à autre, un cri chevrotant, semblable au bêlement des brebis. Son front, très bas et déprimé, offrait, à son sommet, un renflement comme chez les béliers. Il se servait de sa tête pour l’attaque et la défense avec une vigueur extraordinaire. Ce jeune garçon avait perdu toute idée d’origine et d’individualité. Il se croyait probablement mouton comme ceux, avec lesquels il vivait : il broutait comme eux et n’avait pas d’autre nourriture. On le vit un jour, impatienté de ce qu’une jument venait lui tondre l’herbe sous le nez, lui lancer un coup de tête et la renverser.

La taille de ce sauvage était haute et svelte. Sa physionomie douce, mais stupide, tenait beaucoup de celle du bélier. Conduit à Amsterdam vers la fin du dix-huitième siècle, on essaya vainement de l’apprivoiser, mais il revenait toujours à ses anciennes habitudes, et cherchait à s’évader chaque fois qu’il en trouvait l’occasion.

Auguste Debay. « Histoire des métamorphoses humaines, des monstruosités et de tous les phénomènes curieux et bizarres qu’offre la vie de l’homme depuis la naissance jusqu’à la mort. » Moquet, Paris, 1846.
Illustration : photo honteusement truquée.

Le conteur du roi

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Un roi avait un conteur de fabliaux qui l’amusait beaucoup. Un soir qu’il était au lit, il le fit venir, et lui demanda un conte. Celui-ci, qui mourait d’envie de dormir, fit tous ses efforts pour s’en dispenser; mais il eut beau faire, il fallut obéir. Il prit donc son parti, et commença de la sorte:

Sire, il y avait un homme qui avait cent sous d’or. Avec son argent il voulut acheter des moutons; et chaque mouton lui coûta six deniers; il en eut deux cents; et il s’en revint à son village avec ses deux cents moutons; et il les chassait devant lui. Mais en revenant à son village, il trouva que la rivière était débordée; car il avait beaucoup plu, et les eaux s’étaient répandues dans la campagne; et il n’y avait point de pont; et il ne savait comment passer avec ses moutons. Enfin, à force de chercher, il trouva un bateau; mais ce bateau était si petit, si petit, qu’il n’y pouvait passer que deux moutons à la fois….

Alors le conteur se tut.

Eh bien, quand il eut passé ces deux-là, dit le Roi, que fit-il ?

Sire, vous savez que la rivière est large, le bateau fort petit, et qu’il y a deux cents moutons. Il leur faut du temps; dormons un peu tandis qu’ils passent; demain je vous conterai ce qu’ils devinrent.

De plus en plus vite

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 “ Moutons dans un pré ”  Eugène Verboeckhoven
“ Moutons dans un pré ” Eugène Verboeckhoven

Vous vous souvenez, sans doute, de cet amusant dessin qui servit de réclame à un chapelier: des lapins vivants, jetés dans une machine, en sortaient, par l’autre bout, sous la forme de feutres. Trois tours de roues: il n’en fallait pas davantage. Il y a aussi fort, sinon mieux.

L’information suivante, qui nous vient de Québec, et dont il serait cruel de changer une syllabe, tant elle est séduisante, mérite d’être enregistrée: « A cinq heures du matin, quatre moutons furent tondus à Brandford. En moins d’une demi-heure, leur laine fut nettoyée et mise dans une cuve de teinture. Ensuite, elle fut cardée, filée et tissée. Le drap fut immédiatement remis à un tailleur qui en confectionna un paletot. Ce paletot, transporté par aéroplane, fut porté sur le terrain de l’Exposition Nationale de Québec et endossé le même jour, à dix-huit heures quarante-cinq, par le lieutenant-gouverneur, M. Perodeau. »

Le dernier trait n’a rien qui surprenne, car il ne faut guère plus de temps à un lieutenant-gouverneur qu’à un simple mortel pour endosser un paletot. Mais, dans l’ensemble, l’histoire de ces moutons (ne serait-ce un canard ?) est vivement menée.

 » Les Annales politiques et littéraires  » Paris, 1927.