millionnaire

Economie et fortune

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new-yorkUne des caractéristiques du millionnaire américain est de dépenser sans compter pour les affaires et de compter sans dépenser pour les obligations courantes.

Il pousse l’épargne dans les petites choses jusqu’à la plus incroyable avarice. M. John Rockefeller regrette un pourboire donné à un domestique. Il pèse longtemps la menue pièce de monnaie dans sa main avant de la mettre dans celle d’un garçon de restaurant. Aussi, quelqu’un qui ne le connaissait pas lui dit un jour :

Gardez ça, mon pauvre homme, vous en avez sans doute plus besoin que moi.

M. Carnegie, pour qui le temps est de l’argent, regarde consciencieusement sa montre quand un solliciteur vient lui demander une audience. Il se croit volé lorsque l’entretien se prolonge au-delà de quelques minutes.

MM. Vanderbilt et Morton ont les yeux fixés sur le compteur électrique lorsqu’ils donnent une soirée. Le dernier invité n’est pas parti qu’ils éteignent les lampes et n’en laissent brûler qu’une.

M. Belmont ramasse les épingles dans la rue et les rapporte à ses bureaux pour s’en servir. Il a soin de garder les feuilles blanches des lettres qu’on lui écrit et n’emploie pas d’autre papier pour sa correspondance personnelle.

M. Charles Schwab se vante de porter une année entière la même cravate et n’a jamais acheté qu’une seule paire de boutons de manchettes.

M. Hettie Green, qui possède tout un quartier de splendides maisons, se loge dans un appartement du prix le plus médiocre et, pour ne pas payer de voitures, il va toujours à pied.

M. Henry Clews ne fume que des cigares du prix le plus modeste, et fait remarquer judicieusement que, s’il en prenait de plus chers, ils passeraient tout aussi bien en fumée.

Tous ces millionnaires semblent des disciples de Mark Twain, qui s’appliquait à n’employer que des monosyllabes très courts parce que sa prose lui était payée un franc cinquante le mot.

C’est ainsi qu’on fonde les grandes fortunes. Mais alors les pauvres diables se demandent à quoi elles servent.

« Nos lectures chez soi. » Paris, 1910. 

Le croissant de Lord Rothschild

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banquier

Enfin ! la banque d’Angleterre vient de se décider à émettre des billets de… vingt-cinq millions ! Ce n’est pas trop tôt, car, vraiment, on ne sait rien de plus désagréable que de se promener avec vingt-cinq millions en petite monnaie dans sa poche. C’est incommode, et ça grossit les poches. Fi ! Les vingt-cinq millions réunis en un seul billet, on pourra sortir.

Seulement, hélas ! la banque susdite n’a émis que quatre billets de cette sorte et a détruit aussitôt après les planches sur lesquelles ces humbles banknotes avaient été gravées (toujours des injustices !). Lord Rothschild, de Londres, en possède un; M. Coutts, le grand banquier, en détient un autre; M, Samuel Rogers, le poète millionnaire, a fait encadrer le troisième qui orne sa bibliothèque (voilà ce qu’on appelle « une riche bibliothèque ! »); enfin, le quatrième appartient à la Banque d’Angleterre elle-même…

Du reste, si ces morceaux de papier sont précieux en ce qu’ils permettent de porter sur soi, sans fatigue sensible, une somme, hum ! relativement considérable, ils offrent aussi un inconvénient assez fâcheux. Quelqu’un s’est laissé dire que Lord Rothschild, étant entré récemment chez un boulanger pour acheter un petit pain et n’ayant pas un penny de monnaie, tendit négligemment son billet de vingt-cinq millions au patron de l’établissement. Celui-ci très digne, répondit qu’il n’avait pas de monnaie, et Lord Rothschild dut restituer le croissant.

Ce n’est pas toujours drôle d’être riche !

« Musée des familles. »  Charles Delagrave, Paris, 1897. 

Fantaisies de Crésus

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chateau-papier.....Si nous en croyons la Joven Espana (]a Jeune Espagne), une vaillante petite feuille qui vient de commencer tout dernièrement sa publication à Madrid, un Anglais archimillionnaire, Mr. Fay, établi à Guanajato (Mexique), serait en train de se payer le luxe d’une fantaisie aussi rare que phénoménale. 

Il a fait commencer la construction d’un magnifique palais qui n’aura pas moins de cent mètres de hauteur (à peine deux hectomètres de moins que la tour Eiffel !), tout entouré de jardins immenses, qui rappelleront les légendaires jardins suspendus de Babylone et auxquels donnera accès un ascenseur géant.

Mr. Fay  croit qu’il faut vivre à cette altitude pour être à l’abri des microbes qui infestent l’atmosphère des grandes villes.

Le palais aérien, qui portera le nom bien mérité de Palais Sémiramis, sera en communication téléphonique, avec la ville de Guanajato, et l’eau y sera amenée d’une source située à une certaine distance et dont Mr. Fay s’est également rendu propriétaire.

Le plus curieux de l’histoire, c’est que ce palais babylonien, que supporteront d’énormes pilastres de fer massif, sera entièrement construit en papier mâché…

Voilà, vraiment, qui n’est pas banal ! 

« La Revue des journaux et des livres. »  Paris, 1887.
Illustration : montage perso.

Echange de bons procédés

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Honoré_Daumier

Les gens très riches ont l’habitude de recevoir des visiteurs qui s’efforcent de leur soutirer de plus ou moins grosses sommes. Ils ont l’habitude aussi de les éconduire. Mais jamais peut-être aventure plus amusante n’était arrivée que celle-ci dont l’un des personnages est un de nos Crésus modernes.

Ce dernier avait été importuné, plusieurs fois déjà, par un tapeur audacieux, qui trouvait sans cesse de nouvelles raisons de forcer sa porte. Un jour, il revint de nouveau à la charge et, comme notre richard s’entêtait toujours dans son refus, il finit par lui dire:

J’ai trouvé un moyen pour que vous me rendiez un grand service sans qu’il vous en coûte un centime.

Ah ! Lequel ?

C’est bien simple. Il y a, en ce moment, dans votre antichambre, des banquiers, des commerçants, des industriels qui attendent d’être reçus par vous. Permettez-moi seulement de vous tutoyer en prenant congé de vous et ma fortune est faite.

L’autre sourit de la proposition. L’affaire fut conclue et le millionnaire reconduisit son visiteur jusqu’à la porte. Quand celle-ci fut ouverte et que tout le monde put entendre ses paroles, l’ingénieux quémandeur s’écria en serrant la main de son partenaire:

Au revoir, mon vieux ! Et tu sais, si tu as encore besoin que je te prête de l’argent, ne te gêne pas ! Je suis à ton service !

Illustration: Honoré Daumier