mémoires

Seconde main

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nadar

Nous tous, chroniqueurs, nous passons notre vie à fabriquer des mots pour le compte de personnalités en vedette.

Or, c’est la plupart du temps avec ces mots-là que se fabriquent les prétendus Mémoires, qui les prennent de seconde main, en les tenant pour authentiques. L’autre soir, à dîner chez Pailleron, on citait un exemple fort curieux de ce démarquage historique.

Il y a longtemps déjà de cela, car c’était à l’époque des ascensions de Nadar (Gaspard-Félix Tournachon). Le photographe aéronaute s’était enlevé en Belgique. Jules Claretie raconta dans un courrier que le roi Léopold, qui était présent au départ, s’était approché et avait dit :

Monsieur Nadar, tâchez de vider vos sacs de lest avant de franchir la frontière, car vous savez que j’ai juré de faire respecter l’intégrité du territoire.

Le mot était joli : aussi fit-il fortune. Mais le plaisant de l’aventure, c’est qu’il est entré dans l’histoire et qu’on le trouve maintenant dans toutes les biographies sérieuses du roi des Belges.

« La Joie de la maison : journal hebdomadaire. »  Paris, 1892.

La naissance d’Henri V

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Naissance-duc-de-bordeaux

Un érudit, M. Albert Malet, agrégé d’histoire, a découvert à la Bibliothèque nationale une copie des Mémoires inédits de la duchesse de Gontaut-Biron.

Née en 1773, elle mourut seulement en 1855. Sous la Restauration, elle devint gouvernante des Enfants de France, et comme telle elle dut assister officiellement à la naissance du duc de Bordeaux. Ici nous laissons la parole à M. Albert Malet, qui nous donne, d’après les Mémoires en question, la bien curieuse anecdote qui suit :

Mme de Gontaut, qui habitait aux Tuileries comme gouvernante de Mademoiselle, venait de se coucher, quand l’on frappa violemment à sa porte :

Venez vite, vite ! lui crie-t-on, Madame accouche ! Dépêchez-vous ! 

Prête à se lever au premier signal, elle prend à peine le temps de passer un peignoir et se précipite dans la chambre de la duchesse. Celle-ci la salue de ce cri :

C’est Henri !

Et les deux femmes s’embrassent éperdument.

Vite des témoins ! ajoute Madame…

Le duc d’Orléans arrivait. Avant d’aller présenter ses félicitations à l’accouchée, il entra dans le salon où l’on avait porté l’enfant. Il le regarda attentivement. Puis, marchant au duc d’Albuféra :

Monsieur le maréchal, lui dit-il, je vous somme de déclarer ce que vous avez vu. Cet enfant est-il réellement le fils de la duchesse de Berry ? 

Mme de Gontaut ne put réprimer un vif mouvement d’impatience.

Dites, Monsieur le maréchal, dites tout ce que vous avez vu. 

Le maréchal attesta énergiquement la légitimité de l’enfant.

Je le jure sur mon honneur ! ajouta-t-il. Je suis plus sûr que monseigneur le duc de Bordeaux, ici présent, est l’enfant de Mme la duchesse de Berry, que je ne le suis que mon fils soit l’enfant de sa mère.

Il y eut un long silence, puis le duc d’Orléans salua et sortit. 

« Gazette littéraire, artistique et bibliographique. »  Paris, 1891.

Croyez donc aux Mémoires

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theresaM. Albert Wolff qui, en l’année 1865, écrivit les Mémoires de Thérésa, avait inventé à la diva populaire une maison paternelle qui n’avait jamais existé.

Il y était question d’un père qui, musicien, avait donné à Thérésa les premières leçons; d’une mère, la perle des ménagères, bonne femme s’il en fut, qui économisait sur le dîner pour faire donner de l’éducation à sa fille.

Thérésa n’avait ni vu, ni connu cette paire de parents, ce qui ne l’empêcha pas de pleurer à chaudes larmes quand elle lut le récit de son enfance.

Longtemps elle en a parlé avec émotion, car elle a fini par croire que c’était arrivé.