jour de l’an

Nouvelle année

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Eugene-Galien-LaloueLe vingtième siècle entre donc dans sa troisième année, puisque, jeudi dernier, on a célébré le « Jour de l’An ».

Il est vrai qu’un grognon m’a dit : « Il n’y a pas de jour de l’an, est-ce que chaque jour n’est pas le commencement d’une nouvelle année ? » Il a ajouté à son aphorisme la phrase banale que l’on sait : « Comme le temps passe vite… » à quoi, un vieux philosophe a répliqué : « Le temps est immobile… ce sont les hommes qui passent. » 

En attendant, il me paraît que, cette année, on a ajouté une fête nouvelle et presque imprévue à celles qu’on a l’usage de célébrer, la fête du 31 décembre, la Saint-Sylvestre, si vous le préférez. On avait soupé gaiement, un peu partout, pour le réveillon de Noël, et j’ai ouï dire que, plus gaiement encore, on a soupé, pour le dernier jour de l’année. Il faut en finir l’année qui s’en va, bien commencer celle qui arrive. Alors, on soupe entre amis, et à minuit on se souhaite bonne année, bonne santé, prospérité, etc., etc. Je sais même une formule de souhaits plus ingénieuse encore. On dit : « Je vous souhaite tout ce que vous pouvez désirer…Vous choisirez vous-même.» 

Cette fête de « fin d’année », presque nouvelle chez nous, est, d’ailleurs, déjà coutumière en d’autres pays. En Allemagne, par exemple, elle se célèbre joyeusement, avec la joie bruyante et lourde inhérente au caractère germain. 

En Bavière, l’année qui s’en va se solde avec des bocks de bière, qu’accompagnent des ronds de saucissons et des lames de fromage de gruyère. On boit à l’année qui passe, on boit à l’année qui vient, en fumant une bonne pipe, à cheval sur les deux années. 

A Berlin, la mise en scène est plus compliquée, parfois plus fâcheuse, ,car elle dégénère volontiers en rixes violentes. A minuit sonnant, les fenêtres s’éclairent, s’ouvrent, chacun agite son mouchoir et boit à la santé de tous, en criant : « Vive l’année nouvelle ! » et c’est à travers les rues des pluies de sous, de marrons glacés ou simplement grillés, que ramassent les pauvres diables, point fâchés de l’aubaine.Ce serait parfait si là se bornait la manifestation joviale, mais les Faubourgs descendent volontiers sur la ville, et comme, par exception, on a bu pas mal de vin à la santé de « l’année neuve », on crie, on hurle, on s’excite et on tape. Coups de poing et coups de canne s’échangent. On s’injurie, on se cogne. La police intervient. Elle n’est pas tendre, la police berlinoise, et beaucoup qui ont commencé leur nuit de Saint-Sylvestre au cabaret vont l’achever au poste, voire au dépôt de la ville. 

En Russie, tout se passe de façon plus calme. Le peuple est plus doux, et d’humeur plus facile. Au jour de l’an, qui retarde de quinze jours environ sur le nôtre, on boit bien quelques verres de vodka, on danse bien quelques danses nationales, en s’accroupissant et en se frappant les talons, mais les rixes sont rares, et aussi les désordres. La fête consiste surtout en échange de souhaits, de baisers (on s’embrasse beaucoup, en Russie) et de petits présents, le plus souvent bijoux de peu de valeur, en argent guilloché ou en cuivre émaillé, comme on les fabrique là-bas. On s’offre volontiers des souvenirs avec des initiales et, mieux encore, des devises. Le choix de la devise est souvent l’objet d’une recherche particulière du donateur, qui s’efforce d’y mettre de la malice, du sentiment, ou profite de l’occasion pour se « déclarer ».

« Le Petit journal. » 1903.
Peinture : Eugène Galien-Laloue.

Les étrennes : une coutume qui date de loin

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etrennes...

Il est une heure de la matinée qui, à elle seule, est souvent plus agréable, en hiver surtout, que les vingt-trois autres. C’est l’heure qui suit le réveil. Heureux ceux qui peuvent de temps en temps dérober cette heure à leur travail, et plus heureux ceux qui, tous les jours, dans un bon dodo, ont le doux plaisir de savourer ce moment où l’esprit, frais et dispos, parcourt les régions merveilleuses enfantées par l’imagination.

Malheureusement, à cette époque de l’année, il est bien difficile de jouir en paix de cette heure délicieuse.

Pan ! pan ! pan !
— Qui est là ?
— Le facteur.

A la pensée qu’une lettre chargée arrive peut-être, on se précipite, on ouvre.

  Bonjour, m’sieu.
— Bonjour, mon ami.
— Le facteur vous la souhaite bonne et heureuse, m’sieu, et vient chercher ses étrennes.

Après le facteur ; le charbonnier ; après le charbonnier, un autre, etc., etc.

Pendant vingt-cinq jours, à partir du 15 décembre, tous les matins, on nous la souhaite bonne et heureuse. Ce qui ne nous empêche pas, notez bien, de passer le plus souvent une mauvaise année. Et je ne compte pas les souhaits que nous adressent dans la journée les garçons coiffeurs en vous plaçant devant la légendaire petite corbeille, où les pièces d’argent sont artistement disposées ; pas plus que ceux des garçons de café qui ont un talent particulier pour nous faire payer fort cher de mauvais cigares enrubannés.

Les étrennes sont tellement entrées dans nos moeurs que tous les gens susceptibles d’en recevoir les considèrent aujourd’hui comme une chose due. L’usage des étrennes a toujours existé, et son origine, se perd dans la nuit des temps, Il n’en est pas de même du mot, qui nous vient des Romains. Cette coutume fut introduite à Rome, paraît-il, sous le règne de Tatius Sabinus, qui reçut le premier la verveine du bois sacré de la déesse Strenia, en signe de bon augure de la nouvelle année. Du nom de strenia, on fit strena, qui veut dire étrenne.

A cette époque, on se contentait d’offrir des rameaux cueillis dans le bois sacré ; mais on ne tarda pas à donner des figues, des dattes et du miel, comme pour souhaiter qu’il n’arrivât rien que de doux dans le reste de l’année. Plus tard on. en vint à offrir des médailles et monnaies d’argent, car on s’était aperçu de la naïveté de ceux qui croyaient que le miel était plus doux que l’argent.Sous les empereurs, le peuple, qui n’était pas malin, venait pendant sept ou huit jours souhaiter la bonne année à son maître, et chacun apportait un présent qui servait au tyran, soit à acheter des idoles d’or, soit à payer des courtisanes.

L’empereur Tibère, trouvant qu’il fallait faire trop de dépenses pour prouver au peuple sa reconnaissance par d’autres libéralités, défendit les étrennes passé le premier jour de l’année. Son successeur, Caligula, qui était d’une ladrerie peu commune, en rétablit l’usage, mais se contenta de recevoir sans rien donner en échange, ce qu’on trouvera d’un bon goût douteux.

La mode des étrennes a été conservée dans tous les pays et sous tous les régimes. Cependant, en 1793, un édit eut la prétention de la supprimer en France. Inutile de dire que l’édit tomba dans l’eau.

Cette mode est si bien établie qu’il faut avoir une bonne, dose d’avarice ou d’énergie pour encourir les sarcasmes que les désappointés font   pleuvoir sur ceux qui ne donnent rien. Exemple, le quatrain suivant qui eut sa célébrité :

Ci-gît, dessous ce marbre blanc,
Le plus avare homme de Rennes ;
S’il est mort la veille de l’an,
C’est pour ne pas donner d’étrennes.

Le fameux cardinal Dubois, qui était très avare, comme on sait, voulant une fois se soustraire à la règle, répondit, à son maître d’hôtel qui lui demandait ses étrennes :

« Je vous donne tout ce que vous m’avez volé dans le courant de l’année. »

On ne trouverait pas beaucoup de serviteurs aujourd’hui capables de se contenter de ce raisonnement.

En Chine, comme en Europe, les étrennes sont en honneur. En Angleterre, on s’y prépare dès la Noël (christmas), en mangeant des quantités incommensurables de boudins. Au Japon, les choses se passent d’une façon assez drôle. Voici ce que dit M. Aimé Humbert à ce sujet :

« L’épouse a déposé sur les nattes du salon les étrennes qu’elle offre à son mari. Aussitôt qu’il se présente, elle se prosterne à trois reprises, puis, se relevant à demi, elle lui adresse son compliment, le corps penché en avant et appuyé sur les poignets et sur les paumes de ses mains, dont les doigts restent allongés dans la direction des genoux. La pose n’est pas des plus gracieuses, mais ainsi le veut la civilité japonaise. L’époux, de son côté, s’accroupit en face de sa compagne, les mains pendantes sur les genoux jusqu’à toucher le sol du bout de ses doigts, inclinant légèrement la tête, comme pour prêter d’autant mieux l’oreille. Il témoigne de temps en temps son approbation par quelques sons gutturaux entrecoupés d’un long soupir ou d’un sifflement étouffé. Madame ayant fini, à son tour, il prend la parole et, de part et d’autre, on échange solennellement les cadeaux. »

« La Revue des journaux et des livres. » Paris, 1887.

La befana

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befana

noeuds

Les cadeaux que l’on donne en France le jour de l’an sont donnés à Rome le jour de Noël. Les principales boutiques des confiseurs et des marchands de jouets d’enfants, dit l’auteur d’Un an à Rome, sont décorées de guirlandes et de clinquants.

Au milieu des objets de toute sorte étalés en vente, est placée une vieille femme (quelquefois un homme joue ce rôle) à vêtements noirs, au visage barbouillé de suie : c’est la befana (la guenon, le fantôme) qui est descendue par la cheminée, à l’heure où naquit Jésus, pour apporter des sucreries aux enfants sages, et châtier avec une longue baguette les petits mauvais sujets. La lettre que tient la befana est supposée lui avoir été écrite par un enfant qui demandait le cadeau de natale (Noël). Dans l’intérieur de beaucoup de maisons d’Italie, la befana est assise sous le manteau de la cheminée.

« Le Magasin pittoresque. »  Edouard Charton, Paris, 1840.