Jeanne d’Arc

Les cheveux à la Jeanne d’Arc

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jeanne-d-arcDans la torture que Jeanne a subie à Rouen, durant les interminables interrogatoires et sur le bûcher, la question des cheveux courts tient une place tragique. M. Emile Hinzelin, dans le récit qu’il publie aux Ed. de la Marche de France, de son pèlerinage au pays de Jeanne d’Arc, revient sur cette question des cheveux. Et d’abord, il pose cette question : « De quelle couleur étaient les cheveux de Jeanne ? »

Les cheveux de Jeanne, écrit-il, étaient noirs.

Les peintres et les poètes qui ont tendance à l’imaginer blonde, doivent s’incliner devant un document authentique et même vivant. La ville de Riom a conservé une pauvre lettre où Jeanne la conjure de lui envoyer des armes, du salpêtre, de l’argent. Circulaire suppliante, ce pli fut scellé d’un cachet de cire où, suivant l’usage, Jeanne mit un de ses cheveux, enlevé depuis par un collectionneur sans scrupule. Ce cheveu est noir comme l’encre. C’est la seule relique de la sainte, puisque le bourreau a jeté ses cendres à la Seine, à la mer, à l’infini.

Ses cheveux noirs, Jeanne les portait coupés en rond. Telle était alors la coiffure des jeunes garçons qui s’essayaient aux armes. Derrière l’oreille, sa peau était marquée d’une tache lie de vin. Ses cheveux n’étaient même pas assez longs pour masquer ce signe. Lorsqu’elle partit de Vaucouleurs, on remarqua qu’elle avait les cheveux taillés, et de quelle manière étaient taillés ses cheveux. Aussi bien, le procès ne nous laisse ignorer, de son costume, de son corps, de sa pensée, aucun détail même intime.

« Cheveux taillés en rond suivant la coupe adoptée par les pages, chemise, braies, gippon, chausses liées au gippon par des aiguillettes (n’est-ce pas ce qu’on appellerait, en 1927, une combinaison ?) souliers haut lacés en dehors, robe courte jusqu’au genou ou environ (curta roba usque ad genu) ». Jeanne avait pris « habit d’homme », cette robe courte était le vêtement masculin à la mode, sous Charles VII, sorte de paletot qui d’ordinaire ne dépassait guère la taille. La robe de Jeanne était beaucoup plus longue. La robe que devait porter, en 1461, Louis XII, successeur de Charles VII, « descendait plus bas que le genou d’un travers de main ».

C’est seulement la veille de son départ de Vaucouleurs que Jeanne se décida à se couper les cheveux. Un de ses compagnons, Jean de Metz, lui avait, en effet, parlé des dangers de la route et lui avait conseillé de prendre un vêtement d’homme.

A Rouen, le jeudi 24 mai 1431, Jeanne, reprenant les habits de femme qu’on lui offrait, se laissa couper ras les cheveux, et c’est la tête rasée et coiffée d’une mitre de carton bariolée de signes diaboliques et de mots injurieux qu’elle monta sur le bûcher où elle souffrit le plus horrible des supplices.

« La Revue limousine. » Limoges, 1930.

C’est toujours chez les pauvres gens…

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louis-XIVHélas ! très puissant roi Français, 
Nous pensons, si bien ravisais 
Et tu fusses bien conseillé, 
Qu’aucun pou nous épargnerais… 

Chantaient les misérables du pauvre commun. Examinons comment les très-puissants rois de France répondirent à cet appel, du quinzième siècle à la Révolution.

Sous Charles VI, misère horrible. Qu’y peut faire le roi Charles ? Armagnacs et Bourguignons se disputent la France. Les Anglais pillent et ravagent, Henri V saccage les villes, et pour affirmer son droit royal, il n’a pas de plus grande hâte que de rançonner ses nouveaux sujets, de mettre à mort qui se plaint, de doubler les impôts, de torturer les récalcitrants. La France était littéralement au pillage. Vainqueurs ou vaincus se faisaient un devoir de détruire les récoltes, les villages, partout où ils passaient. 

Que pouvaient faire les prolétaires dans cette lutte acharnée des ambitions ? Ils mouraient de faim, et, dit un historien, ils couraient les bois comme des bêtes fauves. 

Charles VII monte sur le trône de France : prince épicurien, se souciant fort peu de la misère d’autrui, il appelle les étrangers à sa défense, et demande de l’argent à son peuple. Ses favoris pillent ce qui restait à piller, et pendant ce temps, le roi continue à tenir une cour de gais favoris, et à enrichir, autant qu’il le pouvait, quelques courtisans. 

Il disait déjà le mot de Louis XV : Après moi, le déluge ! 

Que le peuple fût réduit à se cacher dans les cavernes pour échapper aux maraudeurs et aux assassins, que les prolétaires fussent trouvés épuisés de fatigue et de faim dans les fossés des routes, qu’importait au roi Charles VII ? Quand il avait besoin d’argent, il réunissait tout ce que ses capitaines pouvaient encore mettre sur pied de soudards et de reîtres, et jetait cette meute affamée sur les campagnes. Chose curieuse ! on trouvait encore à voler. Et ce roi était satisfait. Du reste, il faut le dire, les États généraux refusaient do se réunir et de sanctionner ces extorsions. 

Le peuple se faisait humble, petit, il ne résistait plus. Il  n’avait plus de point d’appui. La parole des prêtres le rabaissait de plus en plus dans sa misère, l’Imitation de Jésus-Christ semblait apparaître tout exprès pour lui faire de sa misère une gloire et un devoir : 

« Vous serez toujours misérables, où que vous soyez, et de quelque côté que vous vous tourniez, si vous ne vous tournez pas vers Dieu… C’est une véritable misère, de vivre sur la terre. Manger, boire, veiller, dormir, se reposer, travailler et se voir sujet aux autres nécessités de nature est certainement une grande misère et une affliction pour un homme pieux, qui voudrait bien ne dépendre en rien de la chair et être libre de la servitude du péché. » 

Et à ces voix, qui prêchaient le renoncement, le peuple répondait par son silence et sa soumission : il mourait sans rien dire. Que pouvait-on lui demander de plus ? 

Tout à coup, une illuminée se lève. Jeanne d’Arc… Que représente -t-elle ? D’où vient-elle, et quel est ce hasard étonnant ? Est-elle vraiment, comme l’ont chanté les poètes de l’histoire, la figure naïve et splendide du peuple, venant au secours de son souverain ? 

Pourquoi ce peuple aurait-il couru se ranger sous la bannière de Charles VII ? Quel bien en pouvait-il attendre ? Les Anglais étaient-ils donc plus terribles que les voleurs d’impôts, envoyés par le roi ? 

La venue de Jeanne fut toute spontanée, elle ne procédait d’aucun sentiment général, c’était une sorte de fée sortant tout à coup de l’inconnu. Et c’est par le charme même qui s’attache à l’inconnu qu’elle acquit aussitôt son prestige. 

Les grands s’étonnèrent, mais comme ils se sentaient faiblir, et qu’ils ne pouvaient attribuer leurs revers à leur propre inertie et à leurs désordres, ils furent bientôt disposés à accepter cette intervention comme divine. Certes, Dieu intervenait singulièrement, et sa prédilection pour la France se justifiait difficilement. Mais Charles VII et ses favoris n’eurent garde de discuter. 

Le peuple leva curieusement la tête. Peut-être supposait-il que dès que la France serait délivrée des Anglais, son sort deviendrait moins misérable ? En tout cas, un changement quelconque dans sa situation était préférable au statu quo. Mourir ou être sauvé, telles étaient les deux alternatives que posait la venue de Jeanne, et le peuple se reprit à espérer 

Quant au très-puissant roi de France, dès que Jeanne l’eut mené à Reims et qu’il eut été sacré, tandis que le peuple se prosternait sur le passage de la Pucelle, il se hâtait de l’abandonner, la laissait pendant six mois aux mains des Anglais, se vautrait dans des débauches que lui rendait plus agréables encore la puissance reconquise, se tournait quelquefois pour demander si son peuple se battait bien ou si Jeanne d’Arc vivait encore, discutait avec La Trémoille qui pillait le pays reconquis : le 30 mai 1431, Jeanne d’Arc était brûlée comme sorcière et relapse. 

Le peuple se sentait perdu, et Charles VII se plaignait de n’avoir plus d’argent. 

Quatre ans après, le traité d’Arras était signé. 

Charles VII était reconnu roi de France par Philippe de Bourgogne… 

Grand soulagement pour le peuple en vérité ! Les Anglais se lancent de nouveau sur la France, brûlent les villages, exterminent la population. Charles VII rentre dans Paris. Le voici redevenu très-puissant roi de France

Va-t-il écouter les plaintes du pauvre commun ? Certes, et voici comment : 

Charles VII altère les monnaies, les La Hire, les Chabannes, les Xaintrailles se regardent comme les maîtres de cette France rendue à leur maître. Comme ce bon roi ne peut assez leur prodiguer de richesses (il faut bien faire quelques économies), ils pillent les paysans, en disant : Il faut bien que nous vivions ! 

Les paysans d’Alsace ne furent pas suffisamment endurants et eurent l’audace de tuer les pillards. 

Quant au roi, « il ne tenait compte ni de la guerre, ni de son peuple, non plus que s’il fût prisonnier de Sarrasins. Il avait avec lui tant de larrons, que ces étrangers disaient qu’il était la source de tous les larrons de la chrétienté. » 

En 1437, il entre en triomphe dans Paris. Mais il se hâte de partir, laissant derrière lui la famine: cinquante mille personnes périrent de faim et de maladie. Charles VII avait de bien autres soins en tête, le pape l’occupait fort, et de ses soins assidus sortit la Pragmatique Sanction de Bourges, qui dispose : 

« Que les élections des prélats doivent être faites canoniquement, dans les églises cathédrales et collégiales, ainsi que dans les monastères. Que ceux auxquels appartient le droit d’élection se réuniront au jour fixé pour y procéder, et après avoir imploré le Saint-Esprit pour qu’il leur inspire un choix convenable, etc., etc. » 

Toutes mesures, on peut s’en convaincre, qui touchaient directement au problème de la misère. 

Cependant, le 2 novembre 1439, le roi daigna, sur les remontrances des États d’Orléans, rendre une ordonnance interdisant aux hommes de guerre le pillage et les exactions, le rançonnement des paysans et la destruction des récoltes. Mais par contre, le roi se réservait le droit de lever les impôts sans le concours des États, et organisait la taille sous laquelle devait plier et souffrir encore le pauvre commun

L’armée permanente fut organisée. Ce qui d’ailleurs fut d’abord un bien relatif , car routiers et reîtres disparurent. 

Mais c’était trop de soins pour le bon roi de France, et il continua de vivre luxurieusement et charnellement entre femmes mal renommées

Extrait : Jules Lermina. « Histoire de la misère, ou Le prolétariat à travers les âges. » 1869.

Remords de Cauchon

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cauchon-jeanne-d-arc

Le 18 décembre 1442, alors que, de passage à Rouen, il se rasait, l’évêque Cauchon, juge de Jeanne d’Arc, mourut subitement.

Où avait-il été enterré ? Dans la chapelle Jeanne d’Arc (Cathédrale de Lisieux) que, poursuivi par le remords, assurait-on, il avait fait construire à Lisieux ? Mais on n’avait de cela aucune certitude.

Pour mettre d’accord les historiens, on a ouvert, dans cette chapelle, au pied d’un pilier portant les armes du juge de triste mémoire, un tombeau clos depuis cinq siècles. Une crosse d’ivoire est apparue, posée sur un cercueil recouvert d’une chape de plomb, et reposant sur deux barres de fer. 

Les bras étaient croisés sur la poitrine, le tête légèrement penchée à gauche. Les os étaient nus. Derrière le crâne il y avait encore des touffes de cheveux, blonds et fins. On est maintenant certain qu’il s’agit bien du corps de l’évêque Cauchon.

Les ossements ont été remis dans l’enveloppe de plomb, puis replacés dans le tombeau.

« Chantecler. » Tananarive, 1931.
Illustration : https://www.la-nrh.fr/2010/11/pierre-cauchon-comment-on-devient-le-juge-de-jeanne-darc/

Le frotteur étonné 

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jeanne-d'arc

La Jeanne d’Arc de la place Saint-Augustin vient de l’échapper belle ! Son auteur, Paul Dubois, avait cherché longtemps, on le sait, la patine spéciale qui égale son élégance à celle des bronzes florentins les plus délicats de la Renaissance. 

Or,raconte l’Avenir, l’autre jour, un cantonnier municipal, fraîchement promu membre de l’équipe des brosseurs et laveurs des monuments publics, se mit en devoir pour inaugurer brillamment ses nouvelles fonctions, de montrer son zèle. Il toisa le groupe équestre, releva ses manches et, bravement, commença d’astiquer le bronze, à grand renfort de sable et d’acides : il s’agissait de faire reluire proprement l’héroïne et son cheval de bataille ! 

Un des sabots de ce dernier était déjà resplendissant, lorsque, par bonheur, vint à passer un de nos maîtres de la palette. Il se précipita et dissuada le frotteur de continuer un si bel ouvrage, puis répara tant bien que mal l’offense faite à la patine de Paul Dubois. 

Et voilà pourquoi un des sabots du cheval de Jeanne d’Arc paraît un peu plus clair que les autres. Quant à l’astiqueur municipal, il ne comprend rien à ce goût des bourgeois pour le vert-de-gris, ni à l’utilité de ses propres fonctions. 

« L’Homme libre. » Paris, 1924.

Une statue pour Piéronne

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époque-médiévale

Les Bretons de Paris cherchent toutes les occasions de faire du bruit, c’est-à-dire d’être des Bretons bretonnant. Donc les Bretons qui sont à Paris ont réuni un comité d’organisation pour élever une nouvelle statue.

A qui le tour ? A la belle Piéronne (ou Perrinaïc). Vous ne la connaissez pas ? C’est tout simplement la compagne de Jeanne d’Arc, qui neuf mois avant le supplice de la Pucelle à Rouen, fut brûlée vive sur le parvis de Notre-Dame de Paris par messieurs les Anglais.

Ce monument en granit de Keroman, serait dressé sur l’une des collines armoricaines, le Menez-Bré, d’où l’on découvre les régions de Tréguier, de Cornouailles et de Goëlo et, tout au Nord, à l’horizon, la mer anglo-bretonne.

Il parait que la Commission de la statue ne renfermera que des femmes bretonnes ? Est-ce une grande indiscrétion de demander si elles seront toutes douées de la vertu de la pucelle d’Orléans ?

« La Grande revue. »  Paris, 1891.

Jeanne l’anglophobe

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Nos grands confrères du Matin ont passé sous silence un phénomène qui s’est produit le 11 mai, jour de la fête votive de sainte Jeanne d’Arc, et, qui, à proprement parler, tient du miracle. Voici :

Dans tous les hôtels de Paris et plus spécialement dans ceux du centre, et plus intensément dans les hôtels de première catégorie, les palaces, tous les Anglais y résidant se sont trouvés, soudain, projetés hors de leurs lits, et cela à la seconde précise où le canon des Invalides commençait de tonner, annonçant la fête nationale.

Même quelques Anglais ont été traînés jusque sur le palier, comme tirés par une main invisible.

Nous avons pu joindre une personnalité distinguée de l’Institut des Sciences psychiques qui nous a dit qu’il n’était pas impossible que ce fût Jeanne d’Arc elle-même qui ait voulu, une fois de plus, bouter les Anglais hors de France.

« Le Quotidien de Montmartre : journal hebdomadaire. »  Paris, 1930.
Illustration : livre Histoire de France pour les cours élémentaires, 1969.