hospitalité

Le pour-boire réformé

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voeux-anEn Angleterre, un particulier ne peut aller dîner nulle part, même chez son ami, qu’il ne donne un pour-boire plus ou moins considérable aux domestiques de la maison, et cela, selon la plus ou moins grande dignité des maîtres.

Cet usage exacteur choque surtout les étrangers, et beaucoup d’Anglais ont fait d’inutiles efforts pour le réformer. Cependant il a été aboli, il y a cinquante à soixante ans, dans presque toute l’Ecosse. Les juges de paix, les propriétaires de fiefs, en ont donné l’exemple en prenant la résolution, dans leurs assises, de ne donner jamais d’argent aux domestiques des autres. Ils furent ensuite imités par divers particuliers. Enfin les secrétaires du sceau, en Écosse, firent insérer, dans les papiers publics, la délibération suivante :

« Cejourd’hui, les secrétaires du sceau ayant examiné l’usage de donner, sous le nom de pour-boire, de l’argent aux domestiques, il leur a paru que cette pratique était nuisible aux mœurs des domestiques; qu’elle n’est en usage chez aucune autre nation; qu’elle déshonore la police de ce royaume; qu’elle met un obstacle à l’hospitalité, et qu’elle impose une taxe sur le commerce social des amis.

En conséquence, ils sont convenus unanimement de concourir, avec les personnes et les sociétés honorables qui ont donné un exemple louable en abolissant cette pernicieuse  coutume, et ils ont résolu qu’à compter de la Pentecôte de cette année, chaque membre  de la société défendrait expressément à ses domestiques de recevoir de l’argent de quelque personne que ce soit; qu’après ce terme, aucun membre de la société ne donnerait d’argent à aucun domestique, et ils ont ordonné que cette délibération serait rendue publique. »

Cette résolution excita un soulèvement général parmi les domestiques d’Écosse, que l’on prit soin d’apaiser. Leurs gages furent augmentés,et l’on peut voyager actuellement dans ce royaume, sans payer son gîte et son dîner, chez ses amis, quatre fois plus cher qu’à l’auberge. 

 César Gardeton. « La Gastronomie pour rire. » Paris, 1827.

Vieille superstition

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superstition

Si l’on renverse ou voit renverser une salière à table, il faut, selon la superstition, prendre sur la lame de son couteau quelques grains du sel répandu et les lancer par-dessus l’épaule gauche en prononçant la formule romaine : Sinistrum.

Pourquoi ? Je n’en sais trop rien. Quoi qu’il en soit de cette conjuration, il est incontestable que le sel joue un rôle capital dans les relations humaines. Le sel a toujours été considéré comme substance sacrée. Est-ce une vague réminiscence du berceau du monde, la mer ? Les bulles d’excommunications défendent de donner à l’excommunié l’eau, le feu et, le sel. Le prêtre fait fondre le sel dans de l’eau lustrale et, pour la cérémonie de baptême, on en met une pincée sur la langue du petit chrétien. Quand on rasait une demeure maudite, on semait du sel. La femme de Loth a été changée en statue de sel.

Le pain et le sel sont le symbole de la l’hospitalité, et en même temps un pacte d’amitié. Renverser la salière, c’était refuser l’asile, c’était être l’ennemi.

Autrefois, on avait coutume, dans quelques états, de fournir gratuitement le sel dans les familles qui comptaient plus de douze enfants. En ce temps-là, les produits de la terre suffisaient à nourrir ceux qui la cultivaient, l’argent étant très rare et le sel de première nécessité. Aussi on en avait soin, et les ménagères voyaient la menace d’un malheur quand il s’en répandait à terre.

Le sel emporte donc avec lui une sorte de respect que la superstition exagère, en voyant un présage de mauvais augure dans l’action de le renverser. Aux temps anciens, les esclaves chargés de transporter le sel étaient punis de mort quand ils en répandaient à terre.

« L’Avenir du Cantal. » Aurillac, 1902.

Philippe le Bon et l’ivrogne

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Philippe le Bon, duc de Bourgogne, se promenant un soir à Bruges, trouva dans une place publique un homme étendu par terre, où il dormait profondément. Il le fit enlever, et porter dans son palais, où, après qu’on l’eut dépouillé de ses haillons, on lui mit une chemise fine, un bonnet de nuit, et on le coucha dans un lit du prince.

Cet ivrogne fut bien surpris, à son réveil, de se voir dans une superbe alcôve, environné d’officiers plus richement habillés les uns que les autres.

On lui demanda quel habit son altesse voulait mettre ce jour-là. Cette demande acheva de le confondre ; mais après mille protestations qu’il leur fit qu’il n’était qu’un pauvre savetier, et nullement prince, il prit le parti de se laisser rendre tous les honneurs dont on l’accablait.

Il se laissa habiller, parut en public, entendit la messe dans la chapelle ducale, y baisa le missel ; enfin on lui fit faire toutes les cérémonies ; il passa à une table somptueuse, puis au jeu, à la promenade et aux autres divertissements.

Après le souper, on lui donna le bal. Le bon homme ne s’étant jamais trouvé à telle fête, prit libéralement le vin qu’on lui présenta, et si largement, qu’il s’enivra de la bonne manière.

Ce fut alors que la comédie se dénoua. Pendant qu’il cuvait son vin, le duc le fit revêtir de ses guenilles, et le fit reporter au même lieu d’où on l’avait enlevé.

Après avoir passé là toute la nuit, bien endormi, il s’éveilla, et s’en retourna chez lui raconter à sa femme tout ce qui lui était effectivement arrivé, comme étant un songe qu’il avait fait.

« Almanach facétieux, récréatif, comique & proverbial. »  Paris, 1853.

La théorie et la pratique

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moine

Un moine, voyageant, entre chez un pauvre curé de village, et lui demande l’hospitalité. Le curé le reçoit de son mieux, mais le fait servir en vaisselle de terre, cuillers d’étain, fourchettes de fer, etc. Le moine, qui aimait ses aises, ne s’accommode pas de cette simplicité; il ouvre sa valise, en tire tous ses ustensiles en argenterie, et les pose sur la table.

Le curé, à la vue de ce faste, lui dit:

Mon père, nous ferions un bon religieux à nous deux.

Pourquoi ? dit celui-ci.

C’est que vous avez fait vœu de pauvreté, et moi je l’observe.