fumeur

Un impôt sur les pipes ! 

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waldeck-rousseau-pipesIl est question en Belgique d’imposer les pipes ! La pipe en terre, comme la pipe en bois ou en écume de mer sera frappée d’une taxe de 10 pour cent… comme article de luxe. 

Article de luxe la pipe ! Allons donc ! C’est le traditionnel complément de tout visage de bon Flamand.Imposer la pipe est antinational en Pays-Bas. 

Les fumeurs de Flandre et de Wallonie protestent, se liguent. Protestons avec eux.

Trouvez autre chose monsieur le ministre des Finances de Belgique.  

Comoedia a consacré hier l’écho que vous venez de lire à la pipe taxée comme objet de luxe en Belgique. Jean Lecoq, à ce propos, écrit dans le même journal : 

Voilà certes un impôt plutôt bizarre et quelque peu saugrenu. La pipe objet de luxe. On lui reprochait plutôt le contraire jusqu’à présent. Longtemps elle fut jugée, un peu partout, indésirable. Les vieux Parisiens peuvent se souvenir d’un temps où elle était bannie de nos grands cafés des boulevards. J’ai ouï raconter, à ce propos, une anecdote  dont Waldeck-Rousseau fut le héros vers la fin de l’Empire.

Waldeck aimait la pipe et souffrait de ne pouvoir la fumer dans les cafés des boulevards où il se rendait quelquefois. Un jour, avec quelques camarades du Quartier Latin, il se fit expulser du Café Biche où il avait fume la pipe malgré la défense qui en était faite.  Waldeck rédigea tout de suite sur l’incident une consultation juridique, fit faire un  constat par un huissier et engagea même un procès. Qu’en advint-il ?… Les annales judiciaires sont muettes sur ce litige singulier. Mais la pipe n’en demeura pas moins interdite, pendant de longues années encore, dans nos cafés à la mode. 

En Allemagne c’était pis encore. Il n’y a que quatre-vingt-quinze ans que les BerIinois ont le droit de fumer leur pipe partout où il leur plaît. Le 3 mai 1832 fut signé par le roi de Prusse un décret permettant aux habitants de Berlin de fumer la pipe dans les rues et au Thiergarten. Jusqu’alors, il était défendu « par égard pour les convenances publiques » de se montrer dehors la pipe au bec, et les délinquants étaient passibles d’une amende de deux thalers, et même de la prison s’il y avait récidive. 

Ainsi, légalement, la pipe était, jadis, objet de mépris : la voici, aujourd’hui, non moins légalement, objet de luxe…

« Comoedia. » Paris, 1927.     12

La « bouffarde »

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grande-arméePoilus qui fumez avec tant d’amour votre « bouffarde », envoyez donc en regardant s’envoler la fumée, un souvenir ému et reconnaissant au brave maréchal Canrobert. A propos de «bouffarde», sait-on quelle est l’origine de ce mot ? 

Dans un régiment de la Grande Armée, il y avait un vieux grognard qui s’appelait Bouffard et qui était un enragé fumeur de pipes. A la bataille de Friedland, il eut les deux bras emportés. Le lendemain, un de ses camarades trouva sur le champ de bataille un bras détaché du tronc et qui était affreusement raidi. 

Je le reconnais, s’écria-t-il, c’est le bras de Bouffard : la main tient encore sa pipe si bien culottée. 

La pipe de Bouffard fut recueillie par la compagnie du vieux soldat mort au champ d’honneur et garda son nom. On l’appela « Bouffarde ». Et voilà qui prouve que, pour les poilus d’autrefois comme pour ceux d’aujourd’hui, la pipe était la compagne inséparable, la compagne fidèle jusqu’à la mort. 

« Le Pêle-mêle. » Paris, 1918.
Dessin de Louis Frégier.

Z’avez du feu ?

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fumeurs

Peu de jours après qu’on eut appris à Londres la nouvelle du succès de la pose du câble transatlantique, un des membres les plus influents de la Chambre des lords se présenta aux bureaux télégraphiques à peine installés.

Monsieur, dit-il au directeur, je viens expédier une dépèche au banc de St-Jean-de-Terre-Neuve.
Mylord ignore sans doute que notre service n’est point encore organisé.
Vous savez-qui je suis. Je possède dix mille actions de la Société télégraphique transatlantique. Voici deux cents guinées. Faites, je vous prie, ce que je demande.
Mylord n’ignore pas, reprit le directeur, en s’inclinant, que nos dépêches s’expédient à raison d’une vitesse d’un mot par minute. Par conséquent, il ne recevra la réponse à sa demande, qu’environ deux heures et demie après l’avoir adressée.
— J’attendrai.
— Que mylord daigne dicter.

Londres, cinq heures du soir.

« Envoyez-moi la plus forte étincelle que vous pourrez produire avec vos appareils. Prévenez-moi une minute à l’avance.»

Il s’assit et attendit patiemment. A sept heures quarante-cinq minutes, c’est-à-dire à environ deux heures et demie de là, le télégraphe répondait:

« St-Jean-de-Terre-Neuve, 10 h. 25 m. du soir. Dans une minute vous recevrez l’étincelle demandée. »

Lord P… tira de sa poche un étui à cigares dans lequel il prit un trabucos, approcha du fil électrique un morceau d’amadou qui s’enflamma, alluma son cigare et sortit gravement en fumant.

A peine connut-on dans la gentry cette nouvelle manière de demander du feu à un autre hémisphère, que chacun voulut l’imiter. On fit queue, pendant plusieurs jours, aux bureaux de la télégraphie européo-américaine, pour y allumer des cigares au prix de deux cents guinées. Dans tous les clubs, voire chez bon nombre de marchands de tabacs, brûlaient des lampes autour desquelles rayonnait cette inscription :

« Fire coming from new Fundland: feu provenant de Terre-Neuve. »

 » La féérie illustrée  » Dutertre, Paris, 1859.