François Ier

Un rusé

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ventriloque

Louis Brabant, valet de chambre du roi François Ier, se fit chevalier d’industrie dans les circonstances que voici.

Il aimait une riche héritière, mais comme en ce temps là les domestiques ne s’enrichissaient pas, Louis Brabant fut évincé par son beau-père à cause de sa pauvreté. Mais à quelque temps de là, le père de la jeune fille mourut. Pour obtenir le consentement de la mère, l’astucieux valet fit appel à tous ses talents. 

Comme il conversait avec la dame, une voix d’en haut, nasillarde mais lointaine, se fit soudain entendre. Elle disait:

« Je suis ton défunt mari et j’endure dans le feu des tourments inexprimables. mais tous mes maux cesseront si tu donnes notre fille à Louis Brabant. Il a bon caractère et il a de la fortune. » 

On pense bien que l’escroc Brabant était simplement ventriloque. La ventriloquie est un art assez commun aujourd’hui, et la science a très bien expliqué son mécanisme. L’art du ventriloque consiste à prendre l’octave des sons qu’il emploie dans le langage ordinaire et à donner à sa voix un timbre étouffé. Il ne cède que très peu d’air en retenant sa respiration. Les vibrations sonores sont en quelque sorte emprisonnées dans les voies aériennes. La bouche reste presque complètement close et les mots ne sont formés que par la partie antérieure de la langue, la base de cet organe étant fortement contractée. 

On ne naît donc pas ventriloque, on le devient. Si vous voulez vous essayer dans cet art, n’en faites pas un aussi mauvais usage que ce fripon de Louis Brabant, valet de François Ier. 

« Le Pêle-mêle. » Paris, 1918.

Monstres des océans

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krakenJamais la superstition humaine n’a peut être imaginé un monstre plus horrible que la pieuvre… Au-centre d’une masse gélatineuse et molle, repoussante, s’arrondissent des yeux fixes, et froids, larges parfois comme une assiette de dessert. Au dessous des yeux, un bec de perroquet énorme, recourbé, puis une sorte de gueule informe, trou immonde… 

Autour de ce sac flasque et bizarre, des bras de géant, des tentacules horribles, atteignant jusqu’à dix-huit ou vingt pieds de long, gros comme le corps d’un petit enfant, ponctués de suçoirs irrésistibles, qui tiennent, détiennent et retiennent implacablement la victime, quelles que soient sa force et sa grandeur. 

Mais connaît-on bien encore les plus grandes et les plus formidables espèces de pieuvre ?

Il y a quelques années, M. Hophins, commandant de la goëlette Mary Ogilvie revenait d’Australie lorsque, à huit kilomètres du golfe Exmouth, il rencontra un monstre  stupéfiant qu’il suppose être un poulpe, c’est à dire une pieuvre gigantesque qu’il prit, tout d’abord pour la carcasse d’une baleine échouée. Ce colosse avait à peu près la forme d’un violon aux proportions extravagantes. A plat, sur la surface de l’eau, il soulevait à la hauteur de trois mètres, un de ses huit tentacules formidables. 

Le capitaine Hophins ne put prendre la mesure absolument exacte de ce colosse extraordinaire dont la structure bizarre et l’étonnante énormité terrifièrent l’équipage. L’honorable marin, qui est en même temps un naturaliste distingué, n’est pas éloigné de croire que si le monstre eut atteint le navire, il aurait pu arriver à le faire chavirer.  Jamais, dans sa longue carrière de marin, il n’avait rencontré de monstre pareil à cette pieuvre géante. 

creature-krakenA mesure que les mers sont de plus en plus explorées, étudiées, fouillées, draguées à des profondeurs immenses si bien que le Pacifique finira par être aussi connu que le lac de Genève, on découvre chaque jour, des espèces étranges et colossales qui feraient croire à l’authenticité possible du fameux serpent de mer. 

Revenant d’un voyage à Trunchim, le savant capitaine Laurent de Ferry aperçut au milieu des vagues une sorte de serpent gigantesque. Aussitôt, il saisit son fusil et tire sur le monstre. Atteint légèrement, le reptile énorme rougit les flots de son sang et disparaît dans l’abîme. Ce monstre inouï, tout l’équipage eut le temps de le voir : sa tête horrible s’élevait à quatre pieds environ au-dessus des vagues et ressemblait d’une manière stupéfiante à celle d’un cheval. Une sorte de byssus épais et verdâtre faisait comme une crinière à son cou extrêmement allongé. 

Outre la tête de ce reptile effrayant, on distingua avec une netteté parfaite une douzaine de ses plis énormes qui renaissaient à une toise l’un de l’autre, longueur vraiment fantastique…. La tête deux fois grosse comme celle d’un cheval ordinaire et plaquée de deux yeux énormes et saillants avait, dans des proportions colossales, le bizarre aspect de la tête des petits hippocampes que l’on peut voir dans l’aquarium du Jardin d’Acclimatation. 

Après Laurent de Ferry voici un naturaliste bien connu, le pasteur Donald Maclan qui, sur la côte de Coll aperçut, lui aussi, un reptile marin d’une grandeur prodigieuse. Sa tête était terrifiante, aussi grosse que celle d’un taureau et présentant l’aspect hideux de la face d’un crapaud gigantesque. Plus effilé que le reste du corps, le cou, très allongé, était garni d’une sorte de crinière, tout comme le monstre aperçu par Laurent de Ferry. La longueur de ce reptile qui s’étalait tranquillement sur la surface des eaux, mesurait au moins 60 pieds. Plusieurs témoins oculaires ont affirmé le témoignage de l’honorable Donald Maclan. 

serpent-merQuelques mois plus tard, vint s’échouer sur la plage de Stronsa, l’une des Orcades, le corps d’un gigantesque reptile marin. Aussitôt, en présence du docteur Barcklay, auteur d’études géologiques estimées, des notables et des juges du pays, on dressa un procès-verbal constatant que le monstre avait dix-huit mètres de longueur et trois mètres de circonférence, qu’une espèce de crinière s’étendait jusqu’à la moitié de son corps, que les soies de cette toison bizarre étaient phosphorescentes la nuit, qu’enfin ce monstre avait des nageoires de quatre pieds de longueur ressemblant aux ailes d’un coq déplumé. 

L’espace dont nous disposons nous force d’être bref et de couper court à de saisissantes relations de ce genre. Elles sont très nombreuses et presque toutes confirmées par des témoins oculaires, aussi dignes de foi par leur caractère que par leur savoir. Que faut-il en conclure ? Nous ne faisons que raconter…

La mer est le domaine mystérieux de l’étrange et de l’horrible. Variées jusqu’à l’infini, les espèces les plus singulières couronnent les vagues, s’entassent sur les rivages, grouillent dans les abîmes….. Combien de pages du grand livre de la Nature n’ont pas encore été coupées ! Ces pages inconnues ne vont pas se perdre dans les profondeurs de la terre ou dans les hauteurs du ciel : Elles trempent dans la mer. Ce ne sont pas les nuages ou les forêts qui nous les cachent, c’est l’abîme ! 

Le Golfe Persique et la mer du Japon présentent quelquefois un spectacle saisissant, plein de grâce et de mystère : un champ de fleurs éblouissantes apparaît tout à coup sous les eaux transparentes, aux regards surpris du navigateur. Ce champ de fleurs sous-marines, plus éclatant que les bleuets et les coquelicots, n’est que la réunion de gigantesques tridacnes ou « grands bénitiers ». Comme les fleurs ouvrent leur calice, ces grands mollusques ouvrent leurs valves et, de leur coquille grande ouverte, resplendissent ces belles couleurs.
monstres-marins
L’écrin, c’est l’écaille, le diamant, c’est la bête. Soudain, on ne sait pourquoi, le bâillement général cesse sur toute la ligne et le parterre disparaît. Le grand bénitier est le roi des coquillages. C’est un géant et un hercule du monde des eaux. Souvent, chacune des valves de l’énorme coquille atteint jusqu’à sept pieds de long et ne pèse pas moins de trois cents kilogrammes. Des naturalistes affirment qu’il faudrait la force de trois chevaux attelés à l’une de ces valves pour faire bailler le colosse malgré lui. 

Jadis, la République de Venise fit présent à François Ier d’un gigantesque tridacne qui resta dans le trésor royal jusqu’au règne de Louis XIV. Cette splendide coquille sert aujourd’hui de bénitier dans l’église de Saint-Sulpice dont elle est la grande curiosité. En Chine, l’écaille du tridacne est appelée à d’autres destinations : quand les valves du grand bénitier sont vulgaires, on en façonne des auges pour les bestiaux. Quand elles sont intactes et fines, d’une remarquable beauté, elles servent de baignoires aux riches dames Chinoises. Dans ce cas c’est un objet de haut luxe, délicatement enjolivé d’ornements d’argent et d’or. 

Auge, baignoire ou bénitier, étrange destinée de cette fille des mers, qui conserve, dit-on, dans les replis de son écaille rose les âpres senteurs et les bruits confus des océans.

Fulbert Dumonteil. « Le Chenil. » Paris, 1902.

Miroirs magiques

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miroirs-magiquesCes miroirs étaient fabriqués avec des pratiques et des cérémonies goétiques aussi révoltantes qu’absurdes. Ils jouissaient, dit-on, de la propriété de vous représenter tout ce qui se passait loin de vous, l’image des choses et des personnes que vous désiriez voir venant s’y réfléchir.

Le premier miroir magique est attribué à Pythagore qui, lui-même , le tenait d’un mage. Ce philosophe, dit Suidas, écrivait avec du sang sur une espèce de miroir qu’il présentait aux rayons de la lune, et il lisait dans cet astre tout ce qu’il avait écrit sur le miroir. Noël Lecomte rapporte que ce secret était connu de François Ier. Dans ses guerres contre Charles-Quint il pouvait, avec un semblable miroir, savoir à Paris ce qui se faisait à Milan. La manière d’opérer était fort simple : un espion, résidant à Milan, écrivait sur un miroir magique, en tout semblable à celui du roi de France, les événements politiques, et François Ier lisait cette écriture sur son miroir.

Si l’on nous demandait notre opinion sur les faits rapportés par Suidas et par Noël Lecomte, nous répondrions que ce sont des fables, et qu’il faut les reléguer dans le domaine des contes bleus.

Auguste Debay. « Histoire des sciences occultes depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. » Paris, 1860.

La tête de l’ambassadeur

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EdmundBonnerHenri VIII, roi d’Angleterre, ayant des démêlés avec François Ier, roi de France, résolut de lui envoyer un ambassadeur, et de le charger de paroles dures et menaçantes. Il jeta les yeux sur l’évêque Edmund Bonner, en qui il avait confiance. Cet évêque lui fit observer que sa vie serait en danger s’il tenait de pareils discours à un roi aussi fier que François Ier: 

Ne craignez rien, lui dit Henri VIII, si le roi de France vous faisait mourir, je ferais abattre bien des têtes françaises qui sont en mon pouvoir.

Je le crois, répondit l’évêque; mais de toutes ces têtes, ajouta-t-il, il n’y en a pas une qui allât sur mes épaules aussi bien que celle-ci, en montrant la sienne.

Cette réponse plut au roi qui modifia ses instructions.

« Almanach facétieux. » Hilaire Le Gai, Passard Paris, 1851.