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Fleurs ennemies

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Louis-Marie-de-SchryverIl paraît certain que certaines fleurs éprouvent l’une pour l’autre une insurmontable répulsion.

Par exemple, la rose et le réséda ne peuvent pas se souffrir. Pour s’en rendre compte, il suffit de les lier à une gerbe d’autres fleurs que l’on met dans un vase d’eau. Une heure après, la rose et le réséda dépérissent, tandis que les autres fleurs resplendissent de grâce et de fraîcheur. Les muguets sont également féroces pour les autres fleurs qu’ils tuent sans pitié.

Par contre, les oeillets et les héliotropes s’inspirent mutuellement une vive sympathie.

Hélas ! qui eût cru que des fleurs qui embaument ne pussent se sentir.

« Nos lectures chez soi. » Paris, 1910.
Peinture : Louis Marie de Schryver.

Fleurs en salade

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En l’honneur du printemps, nous écrivîmes un jour une petite fantaisie où il était question de manger des fleurs en salade. Cette exagération de l’enthousiasme apporté par les mois fleuris pouvait prêter à quelque critique. Or la chronique médicale nous apprend qu’un médecin du Puy-de-Dôme fit récemment préparer par sa cuisinière un bifteck aux capucines.

Le cresson prévu comme garniture manquait en effet et le docteur décidé à orner convenablement la viande grillée cueillit dans son jardin une botte de fleurs de capucines, les déposa sur un plat avec un morceau de beurre frais, les saupoudra de sel et de poivre, et les arrosa de jus de citron. La cuisinière émerveillée et inquiète à la fois, plaça le bifteck sur ce lit somptueux et le docteur le mangea.

Il le trouva exquis.

La fleur de capucine possède un goût particulier fin et piquant qui ressemble à celui du girofle dont le bouton desséché est employé pour la cuisine. Il y a d’ailleurs belle lurette qu’on mange des fleurs. Les jasmins et les fleurs d’Italie, comme les violettes de Toulouse nous parviennent depuis longtemps sous forme de confiseries exquises et parfumées. Et le choux-fleur, n’est-il pas l’inflorescence d’un végétal cueillie un peu avant son complet développement ?

Dans l’est de la France, le nénuphar jaune sert à la fabrication des confitures, les grappes blanches et parfumées de l’acacia à celle de délicieux beignets et les capucines assaisonnent et égayent la salade dans certaines régions.

Les mangeurs de fleurs appelés « anthopophages » ne sont donc pas nés d’hier. Les mauvaises langues diront qu’il convient de se méfier d’eux car ils sont « anthropophages » sans en avoir l’r. Il convient aussi, dans la consommation des fleurs, de les choisir avec le conseil de l’herboriste. On m’a conté l’histoire d’un vieux grigou qui aimait tant l’argent qu’il eut envie un jour de manger des « boutons d’or ».

Il s’empoisonna.

Tristan Lenoir. « La Revue limousine. » Limoges, 1929.

Passion des Hollandais pour les tulipes

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Au commencement du dix-septième siècle, le goût pour ces fleurs était devenu une véritable passion, de telle sorte que le prix de quelques espèces s’éleva d’une façon extravagante.

La tulipe le vice-roi valait 260 louis, l’amiral Lieskens, 440, et le semper Augustus, 550. En 1637, une collection de tulipes fut vendue 9,000 louis. De toutes les tulipes, le semper Augustus était la plus estimée. On en vendit une 1,300 louis, et trois oignons de la même furent achetés une fois 1,000 louis chacun. Ce commerce prit une telle activité , qu’en trois ans , une ville de Hollande vendit de ces fleurs pour vingt-quatre millions.

Le gouvernement se crut enfin obligé d’intervenir pour arrêter cette folie, et il porta un coup terrible aux spéculations par une ordonnance qui invalidait tous les contrats relatifs aux tulipes. Les prix tombèrent sur-le-champ.

« Archives curieuses, ou Singularités et curiosités. »   Paris, 1831.

Elle aimait les fleurs

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Pour rendre plus familière la personnalité de George Sand, nous avons demandé à sa petite-fille, Mme Aurore Sand, d’évoquer quelques souvenirs de sa grand-mère. Aurore Sand est elle-même un écrivain apprécié des lettrés, ayant publié « Le roman de George Sand et d’Aurélien de Sèze », « Pour remettre à Frank », « La vie commande », Le Berry de George Sand ».

Chaque nuit elle prolongeait son travail à la lumière d’une petite lampe posée sur son bureau et ce n’est que le lendemain après-midi, après avoir lu les journaux et son courrier, qu’elle descendait retrouver sa famille.

L’été on sortait au jardin, où vite elle allait regarder l’état des fleurs, sur la terrasse, où s’alignaient des « caisses » d’orangers, de grenadiers, de citronnelle et de fuchsias. Elle les admirait et se pénétrait de leur parfum, puis elle nous entraînait dans cette partie du jardin qu’elle nommait : le « rosacium ».

Des massifs de rosiers encadraient de petites plates-bandes semées de de toutes les fleurs odorantes qui attiraient les papillons dont mon père possédait un bel élevage. Il composa une collection entomologique complète de toutes les espèces du centre de la France.

George Sand et son fils aimaient la nature en véritables amants. Ils s’adonnaient ensemble à son étude constante et passionnée.

Il n’y avait pas de promenade sans que ma grand-mère ne rapportât des fleurs pour son herbier, car, à force d’aimer les fleurs vivantes, fraîches, magnifiques ou modestes, elle était devenue « un véritable botaniste ». Elle les classait, les étiquetait, les conservait et les aimait comme mortes vivantes.

Son culte naturel pour tout ce qui est végétal, mystérieux et splendide dans notre terre de France, l’avait portée à acclimater des ananas dans une serre, et dans le gazon, devant la maison, une petite plante commune dans le midi, le « muscari », dont la fleur émane une odeur de prune. Souvent aussi elle me conduisait pour regarder la « stellaire holostée » qui ouvre ses pétales en étoile lorsqu’il fait beau et les ferme lorsque le temps se couvre.

Elle m’enseignait ce qui est immuable et cependant mouvant dans cette matière qui nous enveloppe et que nous n’admirons et n’aimons jamais assez.

Cette phrase est comme un dernier vœu : « La mort n’étant pas un malheur mais une délivrance, je ne veux sur ma tombe aucun emblème de deuil. Je désire au contraire qu’il n’y ait que des fleurs, des arbres et de la verdure« .

« Almanach de la femme française. »  Union des femmes françaises.  Paris, 1946.
Illustration : montage fait maison.

Les abeilles à la noce

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Cette scène, qu’il est permis de qualifier de piquante, s’est passée dans la petite commune de Roussillon, dans l’Isère.

Au moment où une noce allait pénétrer dans l’église, un essaim d’abeilles l’assaillit. Ce fut une débandade désordonnée, la jeune mariée fuyant la première et cherchant à protéger contre les mouches irritées ce charmant visage que couronnaient des fleurs sans miel. Vaine défense, et autour d’elle la lutte était également pitoyable entre les invités et les mouches importunes.

Une brave femme, prenant le tumulte pour une bagarre, prévint la gendarmerie. Celle-ci accourut, mais dut battre en retraite. Le cortège nuptial réussit enfin à pénétrer dans l’église, dont les portes furent précipitamment closes. Mais quelques abeilles avaient pu suivre leurs victimes et durant la cérémonie un sourd bourdonnement d’orgue se faisait entendre : c’étaient les prisonnières qui cherchaient la clé des champs.1abeille

« Le Petit Journal illustré. »   Paris, 1912.