Faust

Un traducteur consciencieux

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Le Bôrsenblatt für den deutschen Buchbandel du 23 janvier 1922 rapporte l’anecdote suivante bien faite pour illustrer le prestige de Goethe.

La première traduction russe vraiment bonne de Faust a paru en 1856. Elle est due à Alexandre Strugowstschikow, admirateur enthousiaste du maître de Weimar. Strugowstschikow savait par cœur tout le poème de Faust en langue allemande, et pouvait en citer au pied levé des pages entières. Il a raconté lui-même comment il entreprit et acheva sa traduction, en vrai disciple de Boileau, «sept fois sur le métier remettant son ouvrage», pourrait-on dire en modifiant un peu le vers de l’Art poétique.

Ce traducteur exemplaire traduisit pendant 10 ans.Lorsqu’une première version russe de Faust fut prête, il l’enferma, soigneusement emballée et munie de six cachets, dans un des six tiroirs de sa table à écrire. Ayant jeté la clef dans la Néwa, il commença la seconde traduction.

Il vint un jour où les tiroirs du bureau abritèrent chacun leur traduction cachetée. Strugowstschikow fit alors forcer les serrures et la comparaison des six textes antérieurs lui permit d’en établir un septième qu’il jugea (enfin) digne de l’impression.

M. de Goethe, qui n’était point insensible à l’encens, aurait certainement apprécié un si noble zèle. On répète volontiers : traduttore, traditore. Mais on rencontre des intelligences qui épousent si complètement l’esprit des œuvres qu’elles traduisent que de ce mariage naît un bel enfant.

« Le Droit d’auteur. » Suisse, 1922.
Peinture : Delacroix.

Charles Gounod

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gounodCharles Gounod est né, à Paris, dans le mois de juin de l’année 1818. Dès son jeune âge, il montra de sérieuses dispositions pour la musique, mais longtemps il dut lutter contre les efforts de ses parents, qui combattaient énergiquement la vocation du futur auteur de Faust.

Il était alors élève du collège St Louis et le proviseur, M. Poirson, luttait de son côté contre les tendances musicales de son élève. Mais rien ne pouvait détourner Gounod de ses études de prédilection et, pendant les récréations, lorsque ses camarades criaient et jouaient dans la cour, le petit maestro se cachait dans un coin de sa classe et noircissait du papier à musique : cela faisait la désolation de ses parents et de son proviseur.

Ce dernier pourtant voulut faire un essai et l’épreuve qu’il tenta décida de l’avenir de Gounod. Il fit venir l’entêté collégien. Il lui dit :

« Puisque tu veux à toute force être musicien, donne-moi une preuve de ton talent. Voici des paroles que tu vas mettre en musique. Si tu réussis, je parlerai pour toi à tes parents. »

Gounod s’enfuit sans écouter la fin et le voilà dans sa classe, réfléchissant, méditant, traçant des notes. Lorsqu’il eut terminé son oeuvre, il la porta au proviseur qui la lui fit chanter séance tenante et qui, après l’avoir entendue, ne put trouver d’autre réponse, d’autres bravos que des larmes de joie.

A dix huit ans, Gounod entra dans la classe d’Halévy, au Conservatoire. A vingt ans, il était premier prix de Rome. Il  voyagea en Allemagne, en Italie, étudia la musique religieuse à Rome et fut nommé, à son retour, maître de chapelle à l’église des Missions étrangères.

Tout-à-coup, il se retire du monde, prend l’habit ecclésiastique et reste pendant deux ans au Séminaire de St Sulpice. Heureusement pour l’art, Gounod ne persista pas dans sa retraite et, le 16 avril! 851, il faisait jouer au Grand-Opéra, grâce aux encouragements et à l’appui de Mme Viardot, Sapho, un opéra qui n’eut pas grand succès. Puis il composa les choeurs d’Ulysse de Ponsard, la Nonne Sanglante, le Médecin malgré lui et enfin Faust. C’est de Faust que date l’universelle renommée de Gounod. Il écrivit encore Philémon et Baucis, la Colombe (pour le théâtre de Bade), la Reine de Saba, Mireille et, Roméo et Juliette, son dernier triomphe (je précise que l’article est de 1867).

Aucun compositeur contemporain n’a atteint Gounod dans son originalité merveilleuse, dans sa poétique facture, nul n’a égalé la divine figure de Marguerite ou le délicieux pastel de Juliette. Gounod est décoré, membre de l’Institut. Il est riche, honoré, célèbre et sera l’une des étoiles et des gloires de l’école musicale française du dix-neuvième siècle.

Gustave Fischbach. « L’Écho du théâtre. » Strasbourg,  1867.

De l’influence de la musique

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On a constaté, à l’Opéra de Londres, que les consommations variaient, au buffet, selon le spectacle de la salle.

Ainsi les opéras de Meyeeber sont très propices aux glaces. Donizetti pousse à la consommation des fruits et du sirop. Gounod, surtout avec Faust, entraîne le spectateur à une débauche de Champagne.

Le journal anglais à qui j’emprunte ces détails prétend que le soir où on joue du Wagner, on ne consomme rien du tout.

« Touche-à-tout. »Paris, 1904.
Peinture : Ernest Rouart.

Le spectre du Brocken

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Spectre de Brocken avec gloire. Grelibre.net

Le sommet du mont Brocken, en Saxe Prussienne, est, d’après la légende, le séjour de génies, de gnomes et de sorcières. Goethe en a fait un tableau inoubliable dans « La Nuit de Walpurgis », de Faust.

On voit, en effet, du sommet de ce mont fameux, des formes gigantesques se dessiner sur les nuages: le spectre du Brocken. Ce phénomène est tout naturel: le soleil, quand il est assez bas sur l’horizon, projette l’ombre de l’observateur qui se profile sur la montagne. Quand il existe un écran vertical de brouillard ou des nuages bien placés, il se forme une apparition gigantesque et sans cesse changeante, située parfois dans un halo circulaire.

M. Norbert Casteret, célèbre par des explorations souterraines, a pu enregistrer cette même production de silhouettes géantes dans les Pyrénées: sur la cime du pic Noir, dans le massif de Luchon, et au Taillon, dans le massif de Gavarnie.

L’apparition est surtout visible au crépuscule du soir et suivant que les nuées s’approchent ou s’éloignent, les ombres varient constamment et sont vraiment impressionnantes.

Eugène-H. Weiss.

« Les Annales politiques et littéraires. » Paris, 1927.