fausse monnaie

Prestidigitateur en cour d’assise

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procureurLa fonction d’expert-prestidigitateur près les cours et les Tribunaux vient d’être, en quelque sorte, officiellement inaugurée. Hier, en Cour d’assises, un honorable prestidigitateur, M. Charles de Lang, domicilié rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, faisait, avec l’émotion de rigueur, ses débuts devant MM. les jurés dans une affaire de fabrication de fausse monnaie. 

Un pauvre diable, nommé François Lugon, mendiant et vagabond par tempérament, prestidigitateur par profession, comparaissait devant la Cour d’assises sous l’accusation de fabrication de fausse monnaie. Soixante-dix pièces de deux francs en étain, trouvées en sa possession, s’étalaient sur la table des pièces à conviction. L’accusé, pour tout système de défense, s’est borné à dire, avec ce profond accent de sincérité qu’ont toujours les grands coupables : 

Je ne suis pas un faux-monnayeur. Je suis seulement un prestidigitateur. Et pour exercer ma profession il me faut de fausses pièces de monnaie. C’est ce qui explique pourquoi on m’a trouvé porteur de toutes ces fausses pièces à l’effigie de la République française et du roi d’Itatie. 

Et Lugon ajoutait :

Si j’étais un véritable faux-monnayeur, je n’aurais pas crevé de faim, comme cela m’arrivait !

L’accusé avait fait citer à l’audience un prestidigitateur, M. Charles de Lang, qui exerce depuis trente ans et qui a conquis sur nos places publiques une légitime réputation. Avec une gravité qu’eût enviée un expert en écritures, M. Charles de Lang, vieillard à barbe vénérable, a fait à la barre, devant MM. les jurés très attentifs, un petit tour de prestidigitation. 

L’honorable témoin avait en poche une quarantaine de pièces de monnaies en carton destinées à faciliter ses explications techniques. Il a développé avec beaucoup de maestria ses théories sur l’art du prestidigitateur, art qui, malheureusement, n’occupe pas dans la société actuelle la place à laquelle il a droit. 

Le cours de M. l’expert a été écouté très religieusement. 

Finalement, M. Charles de Lang a déclaré que les pièces trouvées en la possession de l’accusé pouvaient bien avoir servi à celui-ci pour faire ses tours. Puis, il a ajouté, avec une grande tristesse dans la voix 

Lugon a été mon élève. Je lui ai donné jadis des leçons de prestidigitation, mais il n’avait pas de dispositions pour cet art, et il ne sera jamais un prestidigitateur sérieux. 

Après le réquisitoire de M. l’avocat général Morillon et une plaidoirie très éloquente de Me Lagasse, Lugon a été acquitté.

 « Le Petit Parisien. » Paris, 1890. 

Petit cadeau 🙂

Le mouvement perpétuel  résolu par un forçat 

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bagne-rochefort

Parmi les nombreuses curiosités qui attirent l’attention du visiteur de l’arsenal de Rochefort-sur-Mer, il en est une qui mérite une mention spéciale en raison de son caractère digne de fixer l’intérêt dès amateurs de Merveilleux Scientifique.

Avec la quadrature du cercle, le mouvement perpétuel est le problème qui, depuis longtemps, hanta le cerveau des chercheurs. L’Académie des Sciences, fatiguée par les nombreux rapports émanant de fous ou d’utopistes sur ces deux questions, a résolu, peut-être un peu légèrement, de ne faire aucun cas des travaux traitant ces deux questions.

Pourtant, il est probable que le problème fut au moins une fois résolu en ce qui concerne le mouvement perpétuel par un de ces hommes retranchés pour leurs forfaits de la société, par le forçat François Dubois.

A Rochefort, vers 1840, dans les bâtiments construits sous les ordres de Colbert pour servir de bagne, étaient internés de nombreux forçats dont l’adresse manuelle faisait de vrais artistes.Exemptés, des travaux dits de grande fatigue, ces artisans utilisaient leurs loisirs forcés à confectionner soit des appareils de précision pour la marine, soit des plans ou réductions de machines, ou encore des objets de fantaisie d’autant plus intéressants que les instruments rudimentaires mis à leur disposition ne nuisaient en rien au fini de l’oeuvre. 

Parmi les prisonniers, un ancien horloger condamné aux travaux forcés à perpétuité construisit une horloge tout en cuivre, dont la particularité était, disait-il, de ne jamais s’arrêter une fois mise en marche, sauf par usure ou encrassement des organes. L’horloge, par sa marche ,ayant confirmé les dires de son auteur, on promit la grâce, à ce dernier si ladite horloge ne s’arrêtait pas avant dix ans.

Pendant huit ans, la machine étroitement surveillée marcha sans arrêt, mais, hélas, le mauvais démon qui avait mené son inventeur en prison le tenta de nouveau. Il fut surpris fabriquant au bagne même de la fausse monnaie. La loi était formelle : c’était la mort.

Le malheureux fut donc jugé et pendu.

Certain du châtiment qui l’attendait, le criminel put, nous ne savons comment, mettre la main sur son horloge. Quelques coups de lime, un organe soustrait, et l’âme du merveilleux instrument s’envola : la machine s’arrêta.

En vain les meilleurs techniciens et praticiens s’essayèrent à faire revivre le mécanisme : ce fut inutile. Maintenant l’horloge muette n’est plus qu’un objet de musée. Son inventeur, né peut-être pour révolutionner la mécanique, a disparu dans l’ignominie, ne laissant pas plus de traces que le bâton d’Archimède n’en laissa sur le sable lorsque l’antique savant fut interrompu par la main d’une brute au milieu d’un problème dont la solution eût peut-être doublé la fortune du vainqueur de Syracuse.

« L’Écho du merveilleux. » Paris, 1914.
La véritable histoire de la pendule du Forçat François Dubois
: criminocorpus.