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Le fléau des farfadets

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little-peopleIl vient de mourir à Paris un homme qui, plus que tout homme au monde, mérite que son nom lui survive. Cet homme, c’est M. Berbiguier-de-Terre-Neuve du Thym, surnommé le Fléau des Farfadets. Après avoir consacré ses veilles, usé sa santé, dépensé sa fortune au bien-être de son pays, il a quitté, sur un lit d’hôpital, une vie pleine de travaux utiles et de recherches philanthropiques. Cette vie fut complète, je ne vous la redirai pas, il faudrait la lyre d’Homère. D’ailleurs quelques mots suffiront à vous le faire connaître et regretter. 

M. Berbiguier croyait sincèrement que tous les maux qui accablent en si grand nombre la pauvre humanité sont l’ouvrage d’êtres malfaisants et invisibles nommés farfadets. Et il était convaincu qu’il avait reçu de Dieu le pouvoir et la mission de les détruire. Son oncle, en mourant, lui avait laissé une fortune qui pouvait le faire vivre dans une honnête aisance. M Berbiguier aima mieux l’employer en expériences anti-farfadéennes. Il  commença par acheter un terrain qu’il fit planter en entier de thym, prétendant que c’était la plante mortelle aux farfadets. Ensuite, il brûlait chaque semaine dix ou douze cœurs de bœufs, lardés chacun d’un millier d’épingles noires, et toutes ces épingles traversaient au moins cent mille farfadets. 

Il ne faisait jamais sa chambre, et il voulait que personne ne la fit. Le moindre dérangement aurait désorganisé les batteries qu’il dirigeait continuellement contre les farfadets. Il couchait dans un lit sans draps, recouvert d’une simple couverture, ayant sur sa table de nuit des épingles noires, du poivre et du tabac. Il restait toute la nuit sur son séant, ne dormant jamais, mais fermant les yeux, pour faire croire aux farfadets qu’il était endormi. Quand ceux-ci le croyaient plongé dans le sommeil, ils arrivaient par bandes pour s’emparer de lui. Alors il s’emparait de ses épingles, et v’lan il les enfonçait dans sa couverture, sur laquelle il répandait ensuite des poignées de poivre et de tabac mêlés. 

Le lendemain, il ramassait cette poussière, la mettait dans des bouteilles pleines d’eau qu’il goudronnait avec soin. Et comme le tabac ne se fondait pas et restait toujours en grains, il les montrait comme autant de farfadets qu’il avait faits prisonniers. Il avait loué dans sa maison un petit caveau dans lequel il avait plus de trois cents bouteilles ainsi remplies, et le nombre s’en augmentait tous les jours. 

Couché ainsi dans une couverture criblée d’épingles, on peut penser ce qu’il devait souffrir; son corps n’était que cicatrices. Heureusement pour lui, les farfadets mâles, désespérant de le vaincre, appelèrent à leur secours des farfadètes, qui essayèrent sur l’inflexible Berbiguier l’effet de leurs charmes. Piquées de la résistance que leur opposait leur ennemi, elles allèrent jusqu’à vouloir le prendre de force. Depuis ce temps le fléau des farfadets ne coucha plus qu’avec une culotte de peau, ayant un cadenas fermé à clef pour seule boutonnière. 

Un samedi soir, veille d’une grande revue de la garde nationale que le roi Louis XVIII devait passer au Champs de Mars, M. Berbiguier remarque avec terreur que le temps se couvre et nous menace de pluie pour le lendemain. Plus de doute : ce sont les farfadets ou les libéraux (c’était tout un pour lui) qui veulent empêcher la cérémonie. Heureusement il veille : il prépare un nombre inusité de cœurs de bœufs, il y mêle du soufre, chose encore excellente contre les farfadets, il recouvre tout cela de bottes de thym et il y met le feu. Bientôt une fumée insupportable se répand dans toute la maison, les voisins crient au feu ! les pompiers accourent et entrent chez l’exorciseur que l’on trouve presque asphyxié. Il eut beau crier contre la force armée qu’il traitait de bande de farfadets, il lui fallut renoncer à son expérience. 

Depuis trois ans, autant par pénurie d’argent que par raison de santé, M. Berbiguier ne faisait presque plus d’exorcismes. Il regardait d’un œil de compassion notre pauvre société et il disait d’un air profondément attristé : 

« Que vont-ils devenir quand je ne serai plus ? » 

« Le Voleur. » Paris, 1833.
Illustration : Darby O’Gill and the Little People. Robert Stevenson, 1959. Walt Disney Productions.

Visions d’un monde parallèle

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ronde-des-farfadets

En septembre 1768, un jeune homme de seize ans se rendait à l’Université de Leipzig avec deux passagers de Francfort. La plus grande partie du voyage s’était déroulée sous la pluie et la voiture avait parfois du mal à monter les côtes. Une fois, alors que les voyageurs avaient quitté leur siège pour marcher derrière les chevaux, le jeune homme remarqua un objet étrange et lumineux au niveau du sol.

« Soudain, dans un ravin à droite de la route, je vis une sorte d’amphithéâtre merveilleusement illuminé. Dans un espace en forme de tuyau brillait un nombre incalculable de petites lumières posées comme des marches les unes sur les autres ; et elles brillaient si fort que l’œil en était ébloui. Mais ce qui troublait le plus dans cette vision, c’était que les lumières n’étaient pas fixes, elles sautaient de-ci, de-là, allaient de haut en bas et vice versa, dans toutes les directions. Le plus grand nombre d’entre elles, pourtant, restait stable, et rayonnait. C’est avec la plus grande répugnance que je consentis, lorsqu’on m’appela, à m’écarter de ce spectacle que j’aurais bien désiré examiner de plus près. Le postillon, quand je l’interrogeai, déclara qu’il n’avait jamais eu connaissance d’un tel phénomène, mais qu’il y avait dans le voisinage une ancienne carrière de pierre dont l’excavation était remplie d’eau. Reste à savoir maintenant si cela était un pandémonium de farfadets, ou une assemblée de créatures lumineuses, je ne saurais décider. »

Le jeune homme en question était Goethe. On peut trouver cette description dans le sixième livre de son autobiographie. Le poète et homme de science allemand aurait-il eu l’occasion d’en savoir davantage sur ces « lumineuses créatures », s’il avait vécu au XXe siècle ? Si Paracelse revenait, trouverait-il de nouveaux matériaux pour ses théories sur la nature de ses races étranges et fugitives d’êtres venus du ciel ? Nous pouvons avancer avec certitude que leur attention se serait immédiatement portée sur les archives des atterrissages d’O.V.N.I.

« Visa pour la Magonie , chroniques des apparitions extra-terrestres« . Jacques Vallée, 1972.

Les lutins

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lutin

Aux environs de Dinan, les lutins s’appellent maît’ Jean et surtout « Thomas ». Ils sont de deux sortes, les bons et les mauvais.
Lorsque les bons vous prennent en affection, ils rendent toutes sortes de services; ils soignent les bestiaux la nuit, ensemencent les champs, balaient les maisons, font la cueillette des fruits et les déposent à la porte de ceux qu’ils favorisent; mais si on tente de les surprendre ou de leur parler, ils disparaissent et ne reviennent jamais. Il faut aussi se garder de leur faire certains présents; un homme auquel ils avaient rendu des services fit confectionner par sa femme tout un trousseau approprié à la taille de ces nains, et, le soir venu, déposa le paquet dans l’étable. Ils s’affublèrent de ces beaux vêtements et se mirent à danser, et on ne les revit plus jamais.
farfadetsLes mauvais lutins font le plus de mal possible : ils font avorter les vaches et les juments, brouillent les crinières, délient les vaches la nuit, sèment l’ivraie parmi le beau grain, jettent des sorts aux voyageurs attardés sur les routes et qui viennent à passer près d’un carrefour quelconque; ils s’asseyent sur la poitrine des gens pour les étouffer. Ils passent par le trou des serrures, et pour s’en débarrasser il faut jeter un cent de son sur le plancher autour du lit: le lutin est obligé de ramasser les grains un à un, et il ne revient plus.

 » Revue des traditions populaires  »   Musée de l’homme, Paris, 1905.