esprits
Esprits domestiques
En parlant des moeurs et des coutumes des Danois, le chevalier Pasck se moque souvent d’eux, et les accuse d’être superstitieux et crédules.
« Dans tout le royaume de la Suède, dit-il, et dans plusieurs provinces danoises, on se sert des diables comme en Turquie on se sert des esclaves. On leur fait exécuter toute espèce de travaux, et on les appelle esprits domestiques.
M. Rey, notre ambassadeur en Suède, allant à Stockholm, fut forcé de laisser dans une petite ville de Fionie son valet de chambre, qui était tombé dangereusement malade. Un jour que cet homme se sentait un peu mieux et qu’il était tout seul dans la chambre, il entendit une musique agréable qui semblait venir de l’intérieur de la terre. Bientôt après il vit sortir par un trou de souris un tout petit bonhomme habillé à l’allemande, qui fut suivi de plusieurs autres, et de femmelettes toutes petites, parées comme des châsses, et enfin d’un orchestre.
Toute cette société se mit à danser joyeusement dans la chambre. Le malade effrayé n’osait faire un seul mouvement, ni respirer. Un de ces mirmidons, s’approchant de son lit, lui dit :
« N’ayez pas peur, on ne vous fera pas de mal. Nous sommes des esprits domestiques. Un des nôtres se marie. Nous ne ferons que passer par votre chambre, et, pour remerciement, vous aurez votre part de notre banquet. »
Quelques minutes après, tous sortirent, bras dessus, bras dessous, par la porte : le valet de chambre, ne se souciant pas de les revoir, poussa le verrou.
Cependant les sons de la musique annoncèrent bientôt le retour de la noce. Trouvant la porte fermée, un des plus petits se faufila par une fente, et, après avoir menacé le malade du doigt, il ouvrit la porte à la noce. Toute la compagnie entra aussitôt, fit quelques tours dans la chambre, et disparut en se fourrant dans le trou de souris par lequel elle était entrée.
Une heure s’était écoutée, lorsqu’un des petits personnages revint et présenta au malade un gâteau aux confitures qu’il crut prudent de recevoir en faisant mille remerciements. Quelques instants après, le médecin et quelques autres personnes de la maison entrèrent dans la chambre, et, voyant le gâteau, demandèrent qui l’avait donné. Le valet de chambre raconta toute l’aventure, et refusa de toucher le gâteau, quoiqu’on l’y engageât beaucoup, en l’assurant que cela ne lui ferait pas de mal.
Comme il persistait dans son refus, le médecin lui-même mangea le gâteau. Ces hérétiques ont une confiance superstitieuse dans la protection des esprits. Cependant, et si j’ai bonne mémoire, les sabres des Polonais s’ébréchaient rarement sur leur dos.
Il est vrai qu’avant chaque bataille nous frottions nos sabres aussi bien que nos balles avec les saintes huiles. »
« Le Magasin pittoresque ». Paris, 1837.
Peinture de Nils Blommér.
Capture d’écran : « La belle au bois dormant et les 7 nains. » de Boris Aljinovic Harald Siepermann.
L’empreinte
Le Dr Francisco Pazienza est un médecin zélé et instruit qui exerce à Roccafinata, près de Tarente, où il habite, avec des parents encore jeunes, une aile de l’ex-palais du marquisat. Très matérialiste, il a changé d’allure depuis un mois et est devenu pensif. Interrogé sur ce changement de caractère, il a raconté à ses amis le fait extraordinaire d’une visite d’esprits dans sa maison.
Presque tous les jours, à la même heure, au moment où l’on va se mettre à table, on entend sonner à la porte de la maison et une voix faible demande la permission d’entrer. On ouvre la porte de dedans toute grande et… on ne voit personne. Mais pendant qu’on referme la porte et après qu’elle a été fermée, on entend distinctement un bruit léger, comme celui que ferait une personne entrant dans la maison et se rendant au salon. Qu’on s’imagine l’impression subie par les habitants de la maison ! On va au salon et on ne voit personne. Seulement, le lendemain matin, on trouve des traces de la visite.
Dans la maison le sol est couvert de carreaux qui font beaucoup de poussière et, malgré tous les soins, il s’en forme une couche sur les meubles. Or, le docteur et ses parents voient, avec horreur, sur le piano, dans la poussière, l’empreinte nette d’une main difforme, comme celle d’un goutteux.
On essuya le tout après la première visite de l’esprit invisible, mais, à la visite suivante, la même empreinte se retrouva au même endroit. Mais ce qu’il y a de plus singulier, c’est que le Dr Pazienza pensa un jour à part lui :
« Pourquoi celle empreinte se montre-t-elle toujours sur mon piano et non pas sur ma table de nuit, par exemple ? »
Le lendemain l’empreinte était sur la table de nuit. Beaucoup de personnes ont été admises à constater ce phénomène.
« L’Écho du merveilleux. » Paris, 1908.
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