éloge

L’éloge de Gérôme

Publié le

duran-gerome

Il paraît qu’il n’en sera pas prononcé, puisque c’est à M. Carolus Duran que ce soin incomberait. Or, ce n’est un mystère pour personne que les deux artistes ne pouvaient se souffrir,  et M. Carolus Duran annonce qu’il lui sera impossible de prononcer l’éloge de son prédécesseur.

Quel éloge voulez-vous que j’en fasse ? dit-il. Il ne trouvait de talent à personne, pas même à des artistes du passé comme Donatello. Moi non plus je ne lui trouvais pas de talent, et pourquoi voudriez-vous que j’aille dire publiquement qu’il était encore plus mauvais peintre que mauvais sculpteur ? J’aime mieux ne plus parler de lui. Ce ne sera pas la première fois, d’ailleurs, qu’on dérogera à cette habitude, car il y a déjà sept membres de l’Académie des Beaux-Arts qui n’ont pas fourni l’éloge de leur prédécesseur.

Cette façon de penser est, au moins, très crâne, et il y a, bien des artistes qui, au lieu de cette brutale franchise, auraient été radieux d’égratigner leur rival, tout en ayant l’air de faire son éloge.

Bien entendu, nous nous garderions de nous associer à l’opinion que formule M. Carolus Duran sur le maître si hautain et si loyal dont on va justement  inaugurer, cette semaine, le beau monument de l’aigle mourant à Waterloo.

« Touche-à-tout. Revue hebdomadaire universelle. »  Paris, 1904.

Amour-propre

Publié le Mis à jour le

prétentieux.

Un auteur a qualifié l’amour-propre, le plus grand de tous les flatteurs. Ou encore : amour de soi, qui peut, au cas échéant, tenir lieu de tout ce qu’on n’a pas.

« L’amour-propre, disait le célèbre théologien protestant Abbadie, entre essentiellement dans toutes les vertus. Une bonne action n’est qu’une manière de s’aimer, un amour-propre plus noble que les autres. »

L’amour-propre, a dit Voltaire, fort expert d’ailleurs en cette question, est semblable à l’avarice, il ne laisse rien traîner. L’une se baisse pour ramasser la plus misérable guenille, el l’autre le plus plat éloge.

Nul mortel, peut-être, ne porta la présomption et l’amour-propre plus loin qu’un certain Ségérus, professeur en l’Université de Wirtemberg. Il fit graver son portrait au-dessus d’un crucifix, avec cette inscription :

« Seigneur Jésus, m’aimez-vous ?« 

Et Jésus répondait :

« Oui, très illustre, très excellent, très docte seigneur Ségérus, poète couronné par sa majesté impériale, et très digne recteur de l’université de Wirtemberg, oui, je vous aime !« 

« Musée des familles. »  Charles Delagrave, 1897, Paris.