Elégie de Marienbad

Dernier  amour de Goethe 

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goetheSi Goethe entra dans la vie en troublant l’infortunée Charlotte, qui devait lui fournir le sujet de son immortel (et fort ennuyeux) Werther, il était encore capable, à la fin de son existence, de troubler une jeune fille, Mlle Ulrique de Levetzoff, qui n’avait que dix-sept ans alors qu’il en avait soixante-treize.

Il l’avait rencontrée aux eaux de Marienbad, en 1821. Il l’y retrouva, les années suivantes, et commença par faire sa conquête, comme un bon père, en lui parlant de science, de littérature, de botanique. Il cachait son jeu, car il était tout bonnement amoureux et entendait l’épouser ! Le duc de Weimar, son souverain, eut même la bonté, ou l’audace si vous préférez, de se charger de la demande, déclarant que ce serait un très joli mariage pour la jeune fille, car sa femme serait très en vue, et reçue à la cour. Et le duc, en cas de décès de Goethe, assurerait l’avenir de son épouse. Les parents de la jeune fille ne trouvèrent pas cela ridicule et déclarèrent simplement s’en remettre à la décision de leur fille. 

Celle-ci répondit qu’elle aimait Goethe comme on aime un père et que, si il était seul, si elle croyait lui être nécessaire, elle consentirait peut-être à l’épouser. Mais il avait un fils, et une belle-fille : elle ne voulait pas prendre leur place. Goethe eut l’air de se résigner, mais il écrivait à un de ses amis que cette affection « lui causait du mal », comme s’il avait été un jeune homme. Et il composa, en l’honneur de la jeune fille, l’Elégie de Marienbad, dont il garda toujours le manuscrit, à côté d’un verre où il avait fait graver le nom de sa petite amie. 

Elle ne se maria jamais, du reste.

Il est vrai qu’elle n’avait pas grande santé et qu’il lui arrivait, assez souvent, de perdre à demi-connaissance; mais elle se raidissait alors, en s’écriant énergiquement « que le corps devait obéir à l’esprit. »

« Revue hebdomadaire universelle. » Paris, 1904.