Eldorado

L’Eldorado

Publié le

eldorado

Vous avez souvent entendu dire d’un joli endroit : « C’est un Eldorado ». Peut- être, dans les environs du lieu où vous habitez, existe-t-il un théâtre, un concert, un restaurant portant cette enseigne. Vous êtes-vous jamais douté que ce nom avait une origine historique remontant à l’époque de la découverte de l’Amérique ? 

Lorsque les Espagnols, sous la conduite de Pizarro, eurent conquis le Pérou, les Incas, emportant de leurs richesses ce que les vainqueurs ne leur avaient pas ravi, s’enfuirent vers l’est et se réfugièrent dans les forêts situées sur le versant oriental des Andes. Les Espagnols, persuadés que les trésors qui les avaient éblouis à leur arrivée au Pérou provenaient de ces régions inconnues, résolurent de s’en emparer. 

Leur croyance fut corroborée par l’arrivée d’une ambassade indienne qui prétendit être envoyée par un souverain dont l’empire était placé dans les montagnes situées au nord-est, et dont les richesses étaient si grandes que chaque matin, à son lever, ses serviteurs lui enduisaient le corps d’une résine odorante, sur laquelle on lui insufflait, à l’aide de longs chalumeaux, de la poudre d’or. Celle-ci, retenue par la résine, adhérait à la peau et le dorait des pieds à la tête. Le soir, au coucher du soleil, afin de se débarrasser de ce revêtement qui ne devait pas être agréable à porter, le roi se baignait dans un lac où ses sujets offraient en sacrifice à leurs dieux des vases d’or et des objets précieux qu’ils jetaient dans l’eau. 

Cette fable, qui cachait sans doute un piège pour attirer les Espagnols dans des contrées difficiles, trouva créance auprès de ces conquérants crédules et avides de butin. Ce récit fut amplifié en passant de bouche en bouche et on appela ce roi El rey dorado, ce qui, en espagnol, signifie « le roi doré», d’où vint par corruption le mot Eldorado, qui fut attribué à ce pays merveilleux où l’or ruisselait de toutes parts et où les pierres précieuses couvraient le sol. 

Des expéditions nombreuses furent organisées successivement pour trouver cet Eldorado. On le chercha sur le haut Amazone, dans le sud du Venezuela et sur les territoires des Guyanes, mais toutes eurent naturellement pour résultat des désastres, et le plus grand nombre de ces aventuriers qui s’étaient lancés à la recherche de cette contrée fantastique, périrent de maladies, de misère ou de faim.

Gazette de France : 1894.