chrétien

Superstition

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korrigansNous prenons en pitié les superstitions du Moyen Âge. Nous n’y voyons du moins que matière à poésie. Elles étaient en effet pittoresques, gracieuses ou divertissantes. Comme le fut le monde du paganisme, elles animaient le monde chrétien d’êtres mystérieux. 

Les fées erraient dans les landes et dans les bois, en agitant leurs baguettes magiques. Les nains, au sein des montagnes, gardaient jalousement des trésors. Les Korrigans, hôtes des vieilles pierres, venaient s’ébattre au clair de lune, enveloppant de rondes fantastiques les infortunés voyageurs exposés aussi à la dent des loups garous. Les ogres se jetaient sur les enfants et les dévoraient. Les goules déterraient les morts pour ronger leurs os. Sortant la nuit de leurs tombeaux, les vampires suçaient le sang des personnes endormies, que les incubes et les succubes souillaient d’embrassements obscènes. Les ondines attiraient sous les eaux ceux qu’avait séduits leur beauté. Les feux follets, qui voltigeaient sur les marais, étaient les âmes des petits enfants morts sans baptême. De sinistres lavandières, accroupies, la nuit, au bord des fontaines, à coups sourds de battoir battaient des linceuls. 

A Toulouse, sévissait la mâle bête; le dragon à Draguignan; la tarasque à Tarascon. Le gobelin normand, le fouletot franc-comtois jouaient des tours aux paysans, emmêlaient les queues des vaches et brouillaient les ustensiles. La Franche-Comté avait aussi la vouivre, serpent ailé dont la tête était ornée d’une escarboucle, et Lusignan avait Mélusine, moitié femme, moitié serpent. 

Sorcières et sorciers jouissaient d’une grande influence : ils peuplaient les champs et les jardins de charançons et de chenilles, faisaient la pluie et le beau temps, provoquaient l’orage en trempant un balai dans un ruisseau. Ils connaissaient des substances qui, à leur volonté, guérissaient ou empoisonnaient. Ils envoultaient à l’aide d’une figure  (vultus) de cire vierge, baptisée sous le nom de celui qu’on voulait tuer, et qui, piquée d’une aiguille neuve ou brûlée à petit feu avec des mots cabalistiques, entraînait sa mort. Ils pratiquaient aussi le chevillement par un clou enfoncé dans un mur en répétant le nom de la personne condamnée. 

Par leurs sortilèges, l’archer qui, le vendredi saint, lançait des flèches contre le Christ dressé sur sa croix, atteignait au même moment, d’une flèche invisible, l’ennemi dont il prononçait le nom. Des talismans donnaient la puissance ou la richesse, procuraient la victoire dans les batailles, les duels et les tournois. Des philtres assuraient la faveur des princes et l’amour des femmes. 

Les sorciers expliquaient les songes, annonçaient l’avenir en consultant un vase rempli d’eau ou un miroir enchanté, évoquaient l’âme des morts et faisaient apparaître le diable. Des femmes changées en louves épouvantaient les bois de leurs hurlements nocturnes. Sorcières et sorciers,la nuit, s’évadaient par la cheminée, après s’être graissés d’onguents magiques et chevauchaient vers le sabbat sur un manche à balai. Ils s’y livraient à des rondes éperdues, puis assistaient à la messe noire, que disait Satan sous la forme d’un bouc. 

Comme tout cela nous paraît loin Nous nous en amusons en haussant un peu les épaules. Mais qu’un prétendu fakir donne une représentation au théâtre de notre ville, nous y accourrons et nous aurons la joie de constater que nous ne serons point les seuls naïfs, car la salle sera comble. 

Nous aurons grand’peine à empêcher nos femmes et nos filles d’aller chez la tireuse de cartes et de lui demander le grand jeu. Nous ne voudrons point prendre place à une table où nous serons treizième et nous hésiterons à nous mettre en route un treize ou un  vendredi. Combien est-il encore de personnes, et instruites, qui considèrent le cri du hibou comme présage de mort !

Il y a quelques mois à peine, à Cieurac, dans le Lot, le diable se divertissait à faire danser les meubles d’une ferme isolée, à grand orchestre de casseroles. Les pommes de terre jouaient au football; les lampes s’éteignaient et se rallumaient toutes seules. 

On n’a pas oublié l’aventure du curé de Bombon, que de zélés dévots vinrent de Bordeaux, tout exprès, fouetter en cadence, parce qu’il avait vendu son âme au diable, lequel lui avait donné le pouvoir de faire mourir qui bon lui semblerait, en piquant des poupées avec des épingles. 

On a vu aussi, tout récemment, à Cuba, et même à New York, le culte rendu au dieu Vendou, en l’honneur duquel, au milieu d’un cancan dansé par des femmes nues, on égorge des poule dont on mêle le sang à des crapauds réduits en poudre et à des ossements pilés, breuvage qui préserve de toutes les maladies. 

Voilà qu’en Italie, plus récemment encore, il vient de se produire une crise de suggestion collective, ainsi qu’au Moyen Âge. Les habitants de Montelpano, village très paisible jusqu’alors, constatèrent l’apparition de grassatori. Ces grassatori sont des génies qui tuent les personnes grasses pour faire des chandelles avec leur graisse. Ces chandelles ne brûlent que pour les gens qui n’en ont pas besoin, c’est-à-dire pour les gens endormis : elles s’éteignent dès qu’on se réveille, de sorte que personne ne les a jamais vues. 

Personne n’a jamais vu, non plus, ceux qui les fabriquent, bien que nul ne se couche, dans le pays, sans regarder sous son lit si quelque grassatore ne s’y est point caché. Mais on essaye en vain de persuader aux habitants de Montelpano qu’il n’existe pas de grassatore : le curé y perd son latin et le podestat en est pour ses frais d’éloquence. 

Les progrès de la science et de la philosophie, la diffusion des lumières n’y font que blanchir : l’homme sera toujours altéré de merveilleux et le diable lui en fournira toujours. 

Nous nous croyons dominés par la raison : de loin en loin, quelque cas se présente comme ceux que je viens de rappeler, afin de nous montrer la superstition souvent assoupie, mais non encore morte. Ainsi le malade se croit guéri : une éruption reparaît, un point douloureux parfois se réveille, pour l’avertir que le mal est toujours là. 

Maurice Olivaint.  « Annales africaines. » Alger, 1926.

La Chandeleur

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galette-bretagneLe lundi 2 Février, jour de la purification, on fêtera la Chandeleur dans les campagnes et aussi dans les villes qui ne sont pas si infidèles qu’on le croit aux traditions du passé.

Comme beaucoup d’autres fêtes religieuses, celle là n’est pas qu’une adaptation chrétienne d’une réjouissance païenne et le paysan qui, de nos jours, bat sa farine pour en faire des crêpes qui doivent lui donner de l’argent toute l’année, ne se doute certainement pas qu’à l’exemple de tel ancêtre anonyme, disparu depuis deux mille ans, il rend hommage à son tour et à sa manière à Cérès, la Déesse des moissons.

Les proverbes, nos bons vieux proverbes où tant de vérités contrôlées sont résumées, s’occupent beaucoup de la Chandeleur et lui prêtent plus d’une influence.

On assure, par exemple, que le soleil est le mauvais compagnon de la fête. En effet :

Quand le soleil luit à Chandeleur croyez
Qu’encore un hiver vous aurez, et puis :
Quand la Chandeleur luit,
L’hiver quarante jours s’ensuit.

Et voici encore un dicton qui, sous sa forme originale, exprime la même prévision : « Si la loutre voit son ombre le  jour de la Chandeleur, elle rentre pour quarante jours dans son trou ».

Donc, ne souhaitons pas voir le soleil le 2 Février. Il n’est pas besoin de lui pour nous apporter du bonheur. Il suffit de se livrer fidèlement aux pratiques traditionnelles en usage un peu partout. D’abord, les amoureux : Ceux-là ne se borneront pas à échanger des serments éternels sous la protection de la Vierge, car nombreux sont ceux ou celles qui en sont encore à la recherche de l’âme-sœur. Pour la trouver, pour la connaître, ils devront, la veille de Chandeleur, se placer devant le feu de l’âtre et, en lui tournant le dos, jeter sur les tisons une poignée de cendres. En même temps, ils prononceront l’incantation suivante :

Chandeleur, Chandeleur,
Je le cache à… heures;
Fais-moi voir en mon dormant
Celui que j’aurai d’mon vivant. 

Ensuite, ils iront se coucher, en ayant soin de ne parler à personne et ils pourront être assurés (du moins la tradition l’affirme) de voir bientôt en songe  l’image de celle ou de celui qui les aime ou qui les aimera.

Passons, à présent, à des buts moins  folâtres. Le cierge de la Chandeleur a plus d’une vertu. D’abord, il préserve de la foudre. Quand, la veillée finie, vous l’éteindrez, ayez soin, bonnes gens, de le conserver avec soin. Il pourra vous servir pour conjurer le mauvais sort qui peut frapper vos bestiaux. Vous n’aurez pour cela qu’à l’allumer sous le ventre des bêtes. On prétend aussi qu’une goutte de sa cire glissée dans une cartouche rendra infaillible votre coup de fusil et que trois gouttes jetées dans de l’eau bénite, rendront celle-ci efficace pour guérir l’érysipèle.

Faut-il vous avouer que notre confiance en de pareilles propriétés n’est pas très robuste ? Nous préférons croire à la vertu des crêpes. Si, en effet, contrairement à la légende, elles ne nous procurent pas de l’argent toute l’année, du moins avons- nous eu la satisfaction de nous en régaler. Ce doit bien être la raison pour laquelle la vogue de la Chandeleur est demeurée solide. Au dix-huitième siècle, Louis-Sébastien Mercier écrivait : « Toute fête fondée sur la bâfre doit être immortelle ». Celui-là connaissait les hommes…crepesDans maintes campagnes on croit toujours, dur comme fer, que la ferme où l’on ne fait pas de crêpes ou bien où elles n’ont pas réussi doit voir fatalement le blé de ses champs se carier, l’été venu. A la ville même, dans les patriarcales familles, on fait les crêpes de la Chandeleur. Chacun prend à son tour la queue de la poêle. Celui qui retourne correctement sa crêpe et la lance ensuite d’une main sûre pour la recevoir avec adresse dans le beurre bouillant, peut compter sur du bonheur pour toute l’année. Quant au maladroit qui la laisse retomber sur la plaque du fourneau sous la forme d’un chiffon fripé, il peut s’attendre à toutes les avanies du sort, jusqu’à la revanche de la Chandeleur suivante. Cependant, il y a certaines exceptions rituelles. Ainsi, en Normandie, du moins dans certaines contrées, la coutume est de faire sauter la première crêpe sur l’armoire où elle devra rester. C’est la condition indispensable au bonheur de la maison.

Il reste encore à dire un mot d’une coutume touchante et d’une légende poétique. En Bretagne, où les traditions sont demeurées si fortes, quand le marin ne rentre pas alors que la mer est mauvaise, sa femme rallume dévotement le bout de cierge de la Chandeleur. Si le vent l’éteint, c’est un présage redoutable. Mais si, malgré la bourrasque, la flamme résiste, Dieu soit loué, l’espoir est permis.

Et voici maintenant la légende : on assure que la purification marque aussi les fiançailles des oiseaux. De fait, on a remarqué que, ce jour-là, des vols innombrables passent et repassent dans la campagne. C’est un ébattement ailé qui dure jusqu’au crépuscule. Et l’on prétend que pinsons, rouges-gorges et fauvettes échangent les promesses qui seront consacrées. Mai venu, dans la douceur tiède des nids…

Les sceptiques souriront peut-être de nos puériles coutumes. Sans doute, la génération actuelle, plus terre-à-terre que ses devancières, ne s’attarde pas aux traditions populaires. Ne nous demandons pas si elle a tort ou raison. Disons simplement que les choses d’autrefois avaient leur charme et saluons-les au passage l’un souvenir ému.

Marcel France. « L’Écho de Bougie. » 1931.

Un juron de Henri IV

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henri-4Henri IV, devenu roi de France, n’avait pu se défaire de certaines habitudes contractées dans la vie des camps. 

Il jurait fort souvent et son juron favori Jarniadieu ! (je renie Dieu) sonnait assez mal dans la bouche d’un roi très chrétien. 

Son confesseur, le prêtre Cotton, lui dit un jour : 

— Sire, puisqu’il est si difficile à Votre Majesté de s’abstenir de tout juron, je la supplie de renier le nom d’un humble prêtre comme moi, plutôt que celui du Créateur.

Le roi le promit, trouvant l’idée plaisante, et dès lors ne jura plus que par Jarnicoton ! 

Illustration : Marcel Gotlib.

Vol chrétien

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clak-gable

Clark Gable était un des plus sympathiques artistes de l’écran américain, et il était également un aviateur fort courageux. Ses vols avaient été innombrables. Un jour, il expliquait à des amis :

— Souvent, pendant mes randonnées, il m’arrive de rencontrer un fichu temps, c’est alors que je fais un vol chrétien.

Et comme on s’interrogeait et que quelqu’un lui demandait ce qu’était un vol chrétien, il expliqua calmement :

— Supposez que les conditions atmosphériques deviennent subitement épouvantables au cours d’un vol. Comme il vous est impossible de savoir où vous atterrirez ni comment, alors, vous recommandez votre âme à Dieu… Voilà exactement ce qu’est un vol chrétien.

Oh ! un melon qui flotte…

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On raconte qu’au siège de Mansourah par les Croisés français, sous la conduite de Louis IX, un soldat musulman ayant enfoncé sa tête dans un melon creusé, se jeta ainsi à la nage dans le Nil.

Le melon, qui paraissait flotter sur l’eau, frappe les regards d’un guerrier chrétien. Celui-ci s’élance dans le fleuve, et, comme il tendait la main pour saisir le melon flottant, il est saisi lui- même et traîné dans le camp des Musulmans. Cette particularité, plus bizarre qu’instructive, est rapportée par plusieurs historiens arabes, et M. Michaud me dédaigne pas de la citer au quatrième volume de son Histoire des Croisades.

« Journal des anecdotes anciennes, modernes et contemporaines. »  Paris, 1833.

Chinoiseries

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medecin-chinoisLes Chinois ne croient guère à la médecine européenne.

Si un chrétien tombe malade on lui fait avaler les drogues consacrées par la tradition, et il meurt. Si on leur demande pourquoi il n’ont pas consulté le missionnaire, docteur en médecine, il faut s’attendre à cette réponse inattendue :

Nous ne voulions pas faire de la peine au Père. S’il n’avait pas réussi à guérir le malade, il aurait eu trop de chagrin ! 

Avouez qu’on ne peut pas s’exprimer plus diplomatiquement.

« L’Aventure : journal hebdomadaire. »  Paris, 1927.