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Le chevrier à Paris

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Son troupeau d’une dizaine de têtes, était autrefois la poésie de Paris. Poésie pastorale et naïve que rythmaient les notes d’un flûteau rudimentaire.  

Mais, alors, la circulation acceptait encore d’être, un instant, paralysée par les jolies bêtes, capricieuses et lasses d’une longue randonnée. L’appel du chevrier n’était pas couvert par mille autres bruits plus directs. Dans leurs yeux dorés, les chèvres portaient le reflet du soleil. Majestueuses et dédaigneuses à la. fois, elles acceptaient cependant les offrandes des Parisiens, grands et petits. Leurs caresses aussi. 

Connaissant le parcours, elles n’omettaient jamais de quémander jusque sur le seuil des portes tout ce que, honnêtement, une chèvre peut digérer. Au hasard des haltes, le chevrier s’accroupissait près de l’une de ses bêtes, pour traire dans le récipient qu’un enfant lui apportait le lait crémeux, fleurant bon l’étable. Pour les petits, c’était la friandise attendue chaque semaine, et aussi la récompense remise en question toutes les fois qu’il s’agissait d’obéissance et de sagesse. 

… Aujourd’hui, victime d’un modernisme barbare, le chevrier n’est plus qu’un pèlerin qui promène au hasard des rues trois ou quatre chèvres, qu’un chien n’a plus aucune peine à maintenir dans le droit chemin : celui des piétons. 

Parmi tant d’autres, impératifs, stridents, son appel nostalgique se meurt comme la poésie qu’il évoquait. Et les enfants d’aujourd’hui n’imaginent pas que le chevrier pourrait tirer du lait de ces bêtes efflanquées, apeurées, asservies. Pour eux, le lait ne saurait être qu’un liquide pasteurisé que l’on trouve chez un crémier. 

Seuls, les yeux d’or des chèvres sont encore pleins du soleil de leur campagne natale. C’est peut-être autant pour garder ce reflet au fond de leurs prunelles que pour reposer leurs membres endoloris qu’on les voit endormies au détour d’une rue; tandis que le chevrier s’efforce en vain sur son flûteau de ressusciter l’époque déjà lointaine, hélas ! où il n’était pas encore un « type parisien », mais une sorte de « mage » conduisant vers la crèche divine l’hommage de sa jeunesse et de son troupeau. 

Geo Duvic.  « L’Intransigeant. » Paris, 1934.

La chèvre et le chevrier

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Une de ses chèvres s’étant écartée du troupeau, un chevrier s’efforçait de la ramener vers les autres.

Comme ni ses cris ni ses coups de sifflet n’obtenaient de résultat, il lui lança une pierre qui lui brisa une corne. Il la supplia de n’en rien dire au maître.

— Ô le plus sot des chevriers ! répliqua la chèvre, j’aurai beau me taire : ma corne parlera assez haut.

« Il faut être bien simple pour vouloir cacher ce qui saute aux yeux. »

Esope. Illustration de Arthur Rackham.