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La bouillie des chanoines

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Un fait assez singulier se passait, le mardi de Pâques de chaque année, dans la ville de Rennes. Madame Barreau, ci-devant de Girac, est abbesse de Saint Georges, communauté située dans ladite Ville.

Cette abbaye a, de temps immémorial, le droit suivant sur les chanoines de la cathédrale. Ils sont obligés de venir processionnellement chanter la grande messe le mardi de Pâques à l’abbaye, sous peine d’une amende considérable. Mais en revanche, l’abbesse est obligée, après la cérémonie, de faire entrer dans une des cours de l’intérieur du couvent, chanoines, dignitaires, bas-choeur, musiciens, chantres etc., et là, de leur donner une ample ration de bouillie et de sucre. Ce qu’il y a de plus original, c’est que la bouillie doit être urcée  (c’est-à-dite un peu brûlée), ce que le grand chantre vérifie, en trempant son index dans le grand bassin. Après l’examen du gourmet, les religieuses distribuent la bouillie à chacun des assistants, et se rangent debout d’un côté, tandis que ceux-ci sont occupés à manger de l’autre.

La cérémonie faite, les chanoines s’en retournent, dans le même ordre qu’ils sont venus , avec la seule différence que beaucoup de ces messieurs emportent chez eux des écuelles pleines de bouillie, de manière que d’une main, ils tiennent l’aumusse et le basson, et de l’autre, leur bouillie.

J’atteste la vérité de ce fait, comme témoin oculaire, car, voulant m’en assurer l’année dernière, je trouvai le moyen de me faufiler avec quelques amis, tandis que le chapitre entrait. Notre dessein était d’enlever la bouillie de ces messieurs, et de la porter aux Ecoles de droit. Mais comme nous n’étions que trois, nous ne pûmes exécuter ce projer. Nous nous contentâmes d’assister au repas auquel deux de nous prirent part, en se faisant passer pour musiciens.

Il est étonnant que des droits pareils aient subsistés dans le dix-huitième siècle. Mais depuis la suppression des chanoines, le repas n’aura plus lieu, faute de convives.

« Almanach littéraire ou Etrennes d’Apollon. »  Paris, 1792.
Illustration : damien chavanat.

La couleuvre miraculeuse

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Un moissonneur des environs de Parme avala, il y a quelque temps, pendant son sommeil, une couleuvre qui s’était réfugiée dans sa bouche.

A force de remèdes on parvint à lui extirper cet hôte dangereux. Mais, par un jeu bizarre de la nature, cet homme, à la suite de ces opérations, se trouva possesseur d’une voix de basse-taille de la plus grande beauté.

Il est aujourd’hui chantre à la cathédrale de Bologne, et ses appointements dépassent de beaucoup les honoraires d’un professeur de l’université.

« Archives curieuses, ou singularités et curiosités de la littérature. »  Paris, 1831.

Un prédicateur rusé

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Un prédicateur célèbre, dont nous avons oublié le nom, était en tournée pastorale et venait de s’arrêter dans la ville de Nîmes. Chaque fois qu’il prêchait à la cathédrale, les fidèles étaient fort émus et toutes les femmes pleuraient.

Sa sainte éloquence lui valut de si grands succès, qu’elle finit par lui attirer bon nombre de dévotes qu’il lui fallait confesser. Dès le matin, le confessionnal était encombré, et le pauvre abbé, au bout de quelques jours, tombait de fatigue ! Il se vit forcé, dès lors, d’écarter ces scrupuleuses pénitentes, et voilà l’idée qui lui vint pour y parvenir :

Le lendemain, il monta en chaire et avertit, dans son sermon, qu’étant très fatigué, il ne pourrait plus confesser désormais que les fidèles qui auraient d’énormes péchés sur la conscience.

L’innocent stratagème lui réussit pleinement. Pour preuve, le lendemain, il ne vint personne au confessionnal.

« L’Album photographique universel. »  Bordeaux, 1865.

Une distinction délicate

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Le pape Clément XIV, l’un des plus dignes successeurs du pieux et tolérant Benoît XIV, faisait un jour des observations tout apostoliques à l’archevêque-électeur de Cologne, sur le luxe effréné et l’appareil plus que mondain qu’il déployait dans son archevêché.

Ce prélat, en effet, ne sortait jamais de son palais sans être accompagné d’une suite nombreuse et bruyante de gentilshommes des plus élégants, et escorté d’une compagnie de soldats à cheval.

Très Saint-Père, répondit l’Archevêque, je supplie humblement Votre Sainteté de faire cette distinction : Je suis à la fois Prince de l’Empire et Dignitaire de l’Eglise. Quand je sors de ma résidence pour parcourir les rues de Cologne, c’est en ma qualité de prince que je développe la pompe militaire digne de mon rang. Mais, dans ma cathédrale, c’est le pontife qui officie, et là, je suis seulement entouré de mon chapitre et de mon seul clergé.

A merveille, reprit le pape, avec un doux et fin sourire, mais, dites-moi, mon bien aimé fils, quand le Prince ira au diable, que deviendra l’Archevêque ?

« L’Album photographique universel. »  Bordeaux, 1865.