British Museum

Les tables de mauvais aloi

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Nous avions le crâne de Voltaire jeune et le crâne de Voltaire vieux, on vient de trouver peut-être plus fort, ce qui n’est pas peu dire. Sur les pentes du Sinaï un docteur allemand a retrouvé les Tables de la Loi, celles mêmes que Jéhovah remit à Moïse il y a 33 ou 35 siècles. 

Le Herr Professor a gravement emballé sa découverte (ne se serait-il pas fort emballé, lui aussi) et compte en faire part au monde savant pour le plus grand honneur de l’Allemagne. Souhaitons-lui que les déchiffreurs ne trouvent pas, au bas de ces tables la signature d’un marbrier du peu antique XIXème siècle. 

Ce ne serait pas la première fois que le truquage ferait des siennes. 

Une autre fois, les hébraïsants furent soumis à une originale épreuve. Un marchand juif avait trouvé un fragment du Pentateuque sur un cylindre. Le British-Museum fut en pourparlers pour en faire l’acquisition, mais auparavant, les épigraphistes ajustèrent leurs binocles. Ils découvrirent que le cylindre était en effet parfaitement fait pour  rouler… mais pour rouler moins avisés qu’eux. L’hébreu était de l’hébreu carré, c’est-à-dire très peu ancien. L’objet était de fabrication récente. Il n’était pas téméraire de croire qu’il avait été fait par un de ces truqueurs qui pullulent à travers les ruines, à l’affût d’Anglais candides. 

Si le docteur Grotte, nouveau Moïse, est descendu du Sinaï tenant dans sa main deux stèles gravées, c’est que probablement un mystificateur, en vue d’une vente possible à des amateurs crédules, les y avait mises. Car il y a une raison pour que les tables de la loi données par le Seigneur à Moïse, soient introuvables, c’est qu’il n’est pas démontré que Moïse les ait jamais reçues. 

La critique allemande et les exégètes français ont scrupuleusement étudié cette question. En tête du tome troisième de sa fidèle et puissante traduction de la Bible, M. Ledrain a écrit, hanté par ce doute dont il s’était éclairé : 

« Moïse est-il l’auteur des livres qui portent son nom ? Est-ce que la thèse traditionnelle se peut tenir encore debout ? La critique, semble-t-il, en est parvenue à ce point qu’il est même superflu de poser une telle interrogation. » 

Voilà, docteur Grotte, l’authenticité de vos tables compromises ! On conteste même que Moïse ait jamais pu les recevoir. Il ne reste plus qu’à prouver que ce sont bien celles qui furent gravées par le doigt de Jéhovah ! On a déjà les tables, vous verrez qu’on finira par retrouver le doigt. Il existe encore, car nous en entendrons souvent parler du doigt de Dieu.

« La Joie de la maison. » Paris, 1892.
Illustration : »Les Dix Commandements. » Cecil B. DeMille, 1956.

Toujours la momie de mauvais augure

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La presse quotidienne et d’actualité s’est beaucoup occupée, il y a quelque années, d’une momie exposée dans le British Museum de Londres et à laquelle on attribuait une influence malheureuse sur tout ce qui avait affaire avec elle. Les journaux français en ont parlé comme les autres, et l’un de nos « psychistes » les plus estimés, occupant une situation sociale élevée, écrivit alors, sous le pseudonyme de Dr. A. Wylm, un ouvrage des plus humoristiques et spirituels : L’Amant de la Momie.

Maintenant, la fameuse momie fait de nouveau parler d’elle. Un petit article publié par Marion Ryan dans le Weekly Dispatch racontait comme quoi, depuis le début de la guerre (1914-1918), les directeurs du British Museum avaient reçu nombre de lettres les suppliant de procéder sans retard à la destruction de la « momie de malheur » à laquelle on attribuait toutes les calamités subies par les alliés.

Interviewé par Marion Ryan, le Dr. Bunch, du British Museum, affirmait que cet établissement n’avait jamais possédé la momie en question, bien que deux momies jouissant d’une réputation sinistre aient été successivement exposées, durant quelques jours, dans le Musée. Le public avait fini par les identifier avec un sarcophage qui appartenait bien au British Museum, mais qui était vide.

Un dame favorablement connue dans les milieux spirites anglais, Mrs. E. Katharine Bates, écrivit dernièrement au Light protestant contre cette version du Dr. Bunch. Elle assure que la « momie de malheur » était bien au Musée, auquel elle a été donnée par. Mr. Douglas Murray, qui en raconta l’histoire à Mrs. K. Bates. Cette histoire est à peu près conforme à celle qu’on avait publiée il y a quelques années :

Mr. Douglas Murray achète la momie en Egypte, mais éprouve aussitôt pour elle une vive aversion. Quelques jours  après, il est blessé d’un coup de feu au bras, qu’on doit lui amputer. Durant le voyage de retour, un de ses compagnons mourut et se produisirent d’autres malheurs que Mr. D. Murray attribua à la « Princesse » égyptienne. Il la céda à une amie, qui la lui rendit, peu après, par suite de diverses calamités qui l’avaient frappée. Un capitaine W… se fit prêter le cercueil pour en copier quelques détails : quelques mois après, il se suicidait. Mr. Murray fit transporter le cercueil chez un photographe. Le voiturier qui fit le transport, se suicida à son tour, peu après. Le photographe mourut d’une façon quelconque, etc. 

Nous sommes convaincus que cette macabre histoire résisterait mal à une enquête approfondie. Mais il est intéressant de constater comment ces croyances si probablement superstitieuses ont des racines même en des pays qu’on considère généralement comme peu portés à les admettre, tel que l’Angleterre.

« Annales des sciences psychiques. » Paris, 1916.
Affiche : « The Mummy » de Karl Freund, avec Boris Karloff. 1932.

Mort d’un grand meurtrier 

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Au milieu du bruit des meurtres dont la chronique retentit chaque jour, s’est éteint doucement un vieillard de quatre-vingt-six ans, qui n’employa sa longue existence qu’à tuer sans cesse, qu’à tuer toujours. En chiffrant à cent mille le nombre de ses victimes, on resterait certainement au-dessous de la vérité. 

Quel est donc ce sinistre vieillard ? va-t-on s’écrier. Comment se fait-il que, sans encombrement, il ait pu poursuivre, pendant près d’un siècle, le cours de ses funèbres exploits ? La réponse est simple : Auguste Chevrolat, dont il est ici question, était un entomologiste, et il s’est borné à tuer des insectes, créatures de Dieu que les lois humaines n’ont pas encore songé à protéger. 

Tout le monde sait ce qu’est un entomologiste : en général, c’est un bon bourgeois, à mœurs paisibles et douces, qui passe son temps à courir les guérets et les bois, à soulever les pierres, à taper sur les haies avec une canne et à recueillir ce qui tombe dans un parapluie renversé, à inspecter les cadavres des chiens, des chats, des rats et des taupes, à fouiller les excréments des animaux, toutes besognes plus ou moins agréables, qu’il accomplit avec conscience, et qui lui permettent de recueillir un grand nombre d’insectes qu’il fourre au fur et à mesure dans des flacons asphyxiants. Puis, rentré chez lui, il passe en revue ses richesses. Il embroche avec de longues épingles les insectes capturés, les étudie à la loupe et détermine leurs noms en compulsant de volumineux bouquins écrits en latin dont la barbarie égale la cuisine. 

Les insectes, une fois déterminés, prennent place dans les cartons de la collection et sont accompagnés d’étiquettes portant, en écriture moulée, les noms de famille, de genre, d’espèce, etc. 

Chevrolat était plus qu’un vulgaire collectionneur. Il s’était surtout adonné à la partie scientifique de l’entomologie. Dès sa jeunesse, faisant sa spécialité des coléoptères, il devint l’élève et l’émule du général Dejean. Ce dernier, vaillant soldat du premier Empire, fut, sans contredit, le plus grand des coléoptéristes. Sa passion pour les bêtes à élytres fut si grande qu’il lui arriva souvent, sur le champ de bataille, de cueillir au passage plus d’un bousier égaré au milieu des balles et des boulets. Dejean publia en 1837 le catalogue de sa collection, respectable volume in-80 de 500 pages. A sa mort, le British Museum acquit sa collection pour le prix fabuleux de cent mille francs. 

Chevrolat continua la digne tradition de son maître. Le nombre des insectes dont il a fait la description est immense. Beaucoup de coléoptères portent son nom, de telle sorte qu’on peut dire que, si les ailes des insectes sont pareilles à celles de la renommée, aucun nom ne sera plus souvent répété par les générations futures. Il a aussi réuni de magnifiques collections. Pour en donner idée, il suffit de dire qu’il vendit, aux Anglais, une seule famille, celle des chrysomèles, pour la jolie somme de 20,000 francs. La collection la plus remarquable qu’il laisse est celle des charançons du monde entier. Elle est certainement unique et comprend plus de 30,000 espèces. 

Quand on vendra toutes les « collections Chevrolat », l’hôtel des commissaires-priseurs retentira de formidables enchères. 

Nous avons eu l’occasion de faire la connaissance du savant entomologiste. C’était un homme excellent, qui ne pouvait qu’être aimé de tous ceux qui l’approchaient. Les jeunes naturalistes (la jeunesse ne respecte rien) le surnommaient le père Chocolat. La bonté et la douceur du bonhomme n’y contredisaient pas. 

Il habitait, rue Fontaine-Saint-Georges, un modeste entre-sol dont toutes les pièces étaient tapissées de bas en haut de cartons d’insectes. Le cabinet de travail renfermait les charançons. La salle à manger, les carabes. La chambre à coucher, les longicornes. Cela ne sentait pas trop mauvais, seule, l’odeur de l’acide phénique, mélangée à celle du   cyanure de potassium, vous saisissait à la gorge. 

Notre savant était un ancien fonctionnaire de l’Hôtel de ville de Paris, et l’amour des insectes lui fit un peu de tort pour sa carrière. Il n’éprouva jamais le besoin de se marier. « Je vous avoue, nous dit-il un jour, qu’au milieu des milliers d’insectes qui m’entourent, je ne me suis jamais senti seul. » 

Il était parent de Brillat-Savarin. Etrange rencontre que celle de ces deux noms, oracles tous deux pour l’embrochage, l’un des chapons, l’autre des insectes !

« Almanach de France et du Musée des familles. »  Société nationale pour l’émancipation intellectuelle. Paris, 1886.

La passion des mots croisés

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Qui donc eût cru que la passion des mots croisés pouvait présenter des dangers sérieux pour les volumes des bibliothèques ?

Ils sont tellement évidents (en Angleterre du moins) que l’administration de la bibliothèque du British Museum a dû prendre la décision d’interdire l’usage de ses encyclopédies aux chercheurs de mots croisés.

Les bibliothèques étaient, en effet, envahies par les concurrents qui venaient consulter les dictionnaires. Certains, dans leur hâte, déchiraient les pages du volume : c’est ce qui est arrivé à la bibliothèque de Liverpool.

Aussi, des mesures sévères ont-elles été prises pour éviter le retour de pareils excès. Désormais, toute personne qui demande un dictionnaire doit certifier par écrit qu’elle ne s’en servira pas pour chercher la solution d’un mot croisé.

En France, du moins, cette étrange passion n’a pas sévi avec une aussi dangereuse intensité.

 » La Revue limousine. »  Limoges, 1927.

Tcheser-Ka-Ra, la momie fatale

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Le British Museum de Londres possède le cercueil de la momie égyptienne de Tcheser-Ka-Ra, grande prêtresse de Amen Ra, divinité du Soleil. Or, ce cercueil a été la cause de nombreux malheurs pour tous ceux qui l’ont approché et de nouveau on signale des méfaits qui lui seraient imputables.

Des deux porteurs chargés de convoyer le fatal sarcophage au musée anglais, l’un mourut dans la même semaine, l’autre se cassa le bras. Enfin, dans le mois où fut installée Tcheser-Ka-Ra sous les vitrines de la salle égyptienne, deux gardiens décédèrent subitement.

On parla beaucoup de cette étrange affaire, et les directeurs du British Museum eurent toutes les peines du monde à trouver des gardiens qui restassent dans le hall. L’un d’eux y consentit; il avait servi en Egypte et savait comment il faut traiter les momies. Il se souvenait du sort d’un de ses officiers qui, s’étant emparé d’un sarcophage sur lequel était écrit : « Celui qui troublera mon sommeil mourra écrasé, » avait ri de cette prédiction en faisant l’esprit fort. Ce même officier était mort peu après, écrasé par un éléphant au cours d’une partie de chasse.

dieux-egyptiens.

Aussi ce gardien du musée affectait-il une grande déférence lorsqu’il parlait de Tcheser-Ka-Ra.

Il faut la traiter poliment, disait-il, et elle ne vous fera pas de mal.

Il avait raison. Un ouvrier d’art anglais, Herbert Browne, récemment chargé de faire une petite réparation au cercueil, se vanta auprès de ses camarades de ne pas croire à « ces histoires de brigand » et paria qu’il donnerait deux coups de marteau sur le haut du sarcophage. Il tint parole et par deux fois tapa sur le bois.

Quelques jours après, sans raison apparente, il tomba paralysé du côté droit.

« Le Véritable almanach du merveilleux. »  Paris, 1913.