Berthollet

A question simple, réponse…

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cuvier-napoléonQuand on sait bien une chose, on aime à en parler. Cuvier, l’homme le plus savant que nous ayons possédé depuis bien des années, aimait beaucoup à parler sciences, et en parlait quelquefois fort longuement.

Napoléon, savait aussi, quoique à un degré très inférieur, aimait à entendre les savants, pourvu toutefois qu’ils arrivassent, sans trop de préambule, à la solution des problèmes. Un soir Cuvier était venu aux Tuileries. C’était à la suite d’une séance de l’Académie des sciences.

Monsieur Cuvier, dit l’empereur, qu’avez-vous fait aujourd’hui à l’Académie ?
— Sire, nous nous sommes occupés de sucre de betteraves.
— Ah ! ah ! et l’Académie pense-t-elle que le sol de la France soit propre à la culture de la betterave ?

Pour répondre à cette question assez simple, Georges Cuvier, en véritable savant, fit une dissertation géologique sur le sol, de laquelle il passa à l’histoire naturelle de la
betterave. Quand il en vint aux conclusions, l’empereur n’écoutait plus. Le silence de Cuvier le fit sortir de sa distraction. Il reprit :

C’est très-bien, monsieur Cuvier. Alors l’Académie pense-t-elle que le sol de la France soit propre à la culture de la betterave ?

Cuvier, jugeant qu’une préoccupation quelconque avait distrait l’attention de l’empereur, reprit sa dissertation et la continua jusqu’au bout. L’empereur, qui n’en demandait pas si long, se mit à penser à autre chose. Quand Cuvier eut fini, il le salua avec ces mots :

Je vous remercie beaucoup, monsieur Cuvier. La première fois que je verrai Berthollet, je lui demanderai si le sol de la France est propre à la culture de la betterave.

« Le Magasin universel. » Paris, 1835.

Une simple faveur

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lavoisier-tribunal

Lavoisier, le créateur de la nouvelle théorie chimique , quoique bien plus occupé de recherches savantes que d’affaires politiques, avait été, comme tant d’autres victimes de la révolution , jeté dans un cachot. Condamné à mort, sans murmurer, il avait demandé une seule grâce : que l’exécution n’eût lieu que dans quelques jours, qui lui suffiraient pour terminer un ouvrage très utile peut-être à la science.

La république , lui avait répondu le farouche accusateur public, n’a pas besoin de science, mais elle veut que la justice ait son cours.

Et le lendemain, Lavoisier devait être guillotiné.

L’Athénée, malgré les orages révolutionnaires, tenait encore quelques séances. Fourcroy arrive à la réunion qui avait lieu le jour de cette cruelle condamnation, et, les larmes aux yeux, il annonce qu’il n’a pu l’empêcher. Lalande, Berthollet, Darcet, Desaulx, Lamarck, Lebrun, Cuvier, Brongniart, qui étaient présents , sont consternés. On se demande d’abord, mais en vain, s’il n’y avait aucun moyen d’arracher à la mort l’illustre chimiste.

Eh bien, s’écrie l’un d’eux, si nous ne pouvons sauver cette tête vénérable, nous pourrons, du moins, la couronner. Qu’une députation du  Lycée (l’Athénée) pénètre dans le cachot de notre pauvre collègue, et lui donne ce dernier témoignage de nos regrets et de notre admiration !

Ce projet, dont l’exécution était si menaçante pour ceux qui s’y dévoueraient, fut accueilli d’une voix unanime. Nous n’avons pu savoir quels furent les hommes qui exposèrent leur vie dans cette députation funèbre ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils réussirent à parvenir jusqu’au malheureux condamné ; c’est que son cachot retentit de leurs généreuses acclamations ; et Lavoisier, en marchant à la mort, emporta l’assurance qu’il laissait un grand souvenir, des amis et des admirateurs. Du reste, le dévouement des membres du Lycée ne fut fatal à aucun d’eux.

Le lendemain de l’exécution de Lavoisier, le grand mathématicien Louis de Lagrange commente : 

Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête et cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable.

« Journal des beaux-arts et de la littérature. »Paris, 1839.