avare

Plus fort qu’Harpagon

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picsou

Ce rentier de Lille qui avait oublié une somme de 90.000 francs dans un tramway, offrit une pièce de quarante sous à l’honnête employé lui rapportant celle fortune.

Le commissaire de police ouvrit une enquête et apprit que cet avare, titulaire d’un gros compte en banque, recevait des secours du bureau de bienfaisance ! Bien entendu, il sera rayé des listes de nécessiteux. Mais le brave employé né touchera pas pour cela plus que les quarante sous qui lui ont été offerts.

Ce qui prouve la nécessité d’une taxe obligatoire, proportionnelle à la valeur de l’objet trouvé, fonctionnant au bénéfice de celui qui le restitue. Allons, messieurs les parlementaires, qui en prendra l’initiative ?

« Les Potins de Paris : politiques, financiers, théâtraux. » Paris, 1929.
Illustration : « Picsou. »  ©Walt Disney.

Lord Byron et la jeune personne

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lord-byron

Lord Byron n’était ni avare, ni prodigue, comme on s’est plu à le dire : il veillait à ses intérêts, ne souffrait point qu’on le trompât, et se faisait rendre un compte exact de ses revenus, parce qu’il trouvait absurde et immoral de laisser un champ libre aux fripons. Mais, dès qu’il s’offrait une occasion de dépenser noblement, il sacrifiait des sommes considérables, dans un but utile.

Il mettait aussi une grâce extrême dans sa manière d’obliger. On sait qu’une jeune personne de beaucoup de talent se trouvant dans une situation très malheureuse, se présenta chez lui à Londres, pour le prier de souscrire à un volume de poésies qu’elle allait publier. Lord Byron n’était pas marié alors; et, comme s’il eût deviné ce que cette démarche pouvait avoir de pénible et d’embarrassant pour celle qui la faisait, il mit tous ses soins à lui rendre du calme. Il lui parla de choses indifférentes, mais avec tant d’abandon et d’amabilité, qu’elle oublia le motif de sa visite.

Tout en causant avec elle, lord Byron écrivit quelques mots sur un morceau de papier, et le lui mit dans la main, en disant que c’était sa souscription à l’ouvrage. Il ajouta :

« Nous sommes tous deux jeunes, le monde est un impitoyable censeur; et, si mon nom était en tête de la liste des souscripteurs, je craindrais que cela ne vous fit plus de tort que de bien. »

La jeune personne prit congé de lui, et dans la rue elle ouvrit le papier qu’il lui avait remis : c’était une traite de cinquante guinées sur son banquier.

« Lord Byron. Tome 1. »  Louise Swanton  Belloc. Paris, 1824.

M. de Montyon

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baron-Montyon

Antoine-Jean-Baptiste-Robert Auget, baron de Montyon, si célèbre par ses dons philanthropiques, était un petit homme maigre, peu soigné dans sa toilette, fin et spirituel au possible. Il habitait un grand hôtel situé rue de l’Université. Il se tenait habituellement dans un salon immense dont tout le mobilier consistait en un secrétaire, quelques fauteuils et quelques chaises qui semblaient jouer aux quatre coins.

Il passait pour très avare, quoiqu’il fût l’heureux possesseur d’une fortune immense. Il est vrai que son seul luxe était d’entretenir dans son antichambre une foule de laquais poudrés et en grande livrée. Seulement il ne les laissait pas flâner et paresser comme cela se fait dans les grandes maisons, car il les occupait durant tout le jour à copier les journaux qui paraissaient. De plus, quand M. Hutto d’Origni, le maire de son arrondissement, venait faire sa quête annuelle pour les pauvres du quartier, M. de Montyon lui donnait toujours la somme ronde de dix mille francs.

Par contre, il était d’une rigidité extrême avec ses hommes d’affaires. Un jour que le clerc de son notaire lui apportait de la part du patron une somme de soixante mille et quelques francs, le riche avare fit le compte avec une grande attention ; puis, se retournant vers le porteur : 

« Il manque trois sous. Monsieur, veuillez le dire à votre patron, car j’aime l’exactitude.  Seulement comme je ne veux pas vous faire revenir pour si peu et que je ne lui fais pas l’offense de les lui offrir, je le prie de les  donner de ma part à un pauvre. »

« La Petite revue. »  Paris, 1866.

Mortuus et sepultus

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mur

Un avare qui avait amassé une somme considérable, s’avisa de l’enterrer dans son jardin, au bas d’un mur sur lequel il fit placer un Christ avec cette inscription:

Mortuus et sepultus

(Il est mort et enseveli) 

Un de ses voisins s’en étant aperçu, alla pendant la nuit enlever l’argent, le Christ et l’inscription, et y mit à la place:

Non est hic, eccè locus ubi posuerunt eum 

(N’est plus ici, voilà le lieu où il l’avait mis)

Pour résumer

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médecin

Un vieux médecin, avare, brusque, et peu couru, avait pris chez lui un petit garçon de la campagne, pour lui rendre compte des personnes qui viendraient le demander.

Rentrant un soir chez lui, de fort mauvaise humeur de n’avoir rien gagné, il interrogea le paysan, qui, n’ayant pas encore dîné, se brouilla dans son récit. Le médecin, impatienté, lui lança avec colère :

Allons, imbécile, veux-tu bien l’expliquer plus promptement ? Qu’est-il arrivé ici pendant mon absence ?

Monsieur, répliqua le jeune affamé, puisque vous voulez que je vous le dise, il est venu un prêtre vous dire que votre malade était mort; un apothicaire crier contre vos ordonnances, qui ne valent rien; une vieille femme vous donner au diable, parce que vous l’avez empoisonnée; un huissier vous demander de l’argent… mais il n’est arrivé ni pain, ni vin, ni viande, et je meurs de faim.

Curiosité des testaments

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Rembrandt Harmenszoon van Rijn
Rembrandt Harmenszoon van Rijn

Un vieux célibataire, connu par son avarice et par ses richesses, ne pouvait conserver près de lui aucun domestique. Cet homme singulier exigeait, de ceux qui le servaient, un attachement sans bornes, et surtout une grande frugalité; mais, en récompense, il leur donnait les espérances les plus flatteuses pour l’avenir. Chaque mois voyait une foule de laquais entrer dans sa maison et en sortir. Tous ceux qui avaient été renvoyés dans les environs s’étaient présentés chez le célibataire, et pas un seul n’avait pu, malgré ses promesses, rester à son service.

L’avare, se voyant exposé à se servir lui-même, se promenant un soir sur la terrasse de son château, qui dominait. la vaste étendue d’une rivière fameuse par la légèreté et les ressources de l’esprit de ceux qui habitent ses bords, conçut un projet qui devait lui assurer pour jamais un laquais fidèle et surtout frugal. Il manda aussitôt son tabellion et lui dicta le testament suivant :

« Je donne et lègue au laquais qui me fermera les yeux 1 200 livres tournois en argent et mon domaine de Varac. »

Le bruit se répandit bientôt dans le canton que l’avare avait résolu d’être généreux après sa mort. Mille domestiques empressés lui offrirent leurs services. L’un d’eux s’imposa la loi de souffrir la faim et la soif pendant le reste de la vie du testateur. On prétend que ce malheureux serait mort d’inanition avant son maître si ce dernier eût vécu encore six mois; mais sa mort, si désirée par le domestique légataire, ferma le tombeau où la rare constance de celui-ci l’aurait infailliblement fait descendre.

Les héritiers de l’avare s’empressèrent de réclamer sa fortune. Quoiqu’elle fût immense, ils trouvèrent mauvais qu’il eût fait un testament. Le malheureux laquais, pouvant à peine se traîner, essaya de les toucher par le tableau des sacrifices qu’il avait faits; mais des héritiers ne sont pas ordinairement sensibles. Un de ceux de l’avare voulut voir le testament. En lisant ces mots: « Je donne et lègue au laquais qui me fermera les yeux, etc. »:

La donation est nulle, s’écria-t-il, avec une joie barbare.
Eh ! pourquoi, monsieur ? lui demanda le laquais en tremblant.
Mon oncle était borgne, répondit l’héritier, tu n’as donc pu lui fermer les yeux.

L’infortuné légataire, abattu par cette réponse, s’adressa aux jurisconsultes du temps, pour savoir si la donation faite en sa faveur était nulle. Ils décidèrent, d’une voix unanime, que c’était par l’intention du testateur, et non par une équivoque, qu’on devait décider la question; qu’il était évident que le testateur avait entendu par le laquais qui lui fermerait les yeux, celui qui resterait chez lui jusqu’à sa mort; qu’ainsi le légataire était fondé à demander l’exécution du testament fait en sa faveur.

Cette cause fut plaidée avec beaucoup d’éclat. Sa singularité excita la curiosité de la province entière. Le sénéchal du ressort confirma le testament, par une sentence qui fut applaudie du public.

Les héritiers en interjetèrent appel au parlement; mais leur appel n’eut point de suite.

« Bureaux de la Mosaïque » Paris, 1874.