au-delà
Une nouvelle affaire Landru
Landru, ses fiancées disparues, sa cuisinière-four-crématoire, Landru, don Juan populaire et ses exploits passionneront sans doute encore longtemps les foules.
Le seigneur de Gambais a-t-il emporté un secret, après avoir passé, sur une place versaillaise entre les mains expertes de M. Anatole Deibler ? D’aucuns le prétendent et les spirites, qui depuis quelque temps se réunissent, chaque semaine, chez Mlle Jeanne D… espéraient enfin un soir dernier avoir le mot de l’énigme.
Ces spirites avaient déjà évoqué l’esprit de Napoléon 1er qui, paraît-il, leur avait donné quelques détails inédits sur ses campagnes. Mme de Pompadour leur avait parlé de la guerre des sept ans et de Louis XV. La du Barry les avait entretenus de la Terreur… M. Félix Faure, lui-même, avait répondu à leur appel, de même que le maréchal Mac-Mahon, mais Landru…
Les mains de douze personnes bien à plat comme il convient sur le guéridon, les doigts se touchant, les coeurs battant, une voix anxieuse (celle de la maîtresse de maison) avait balbutié :
— Esprit de Landru… es-tu là ?
Le guéridon, sous les douze paires de mains fébriles, avait fait un grand saut qui en langage de l’au-delà, signifie : oui.
— Tu es bien l’esprit de Désiré Landru, qui mourut sur l’échafaud à Versailles ?
Nouveau bond :
— Il n’y a pas de doute, déclara péremptoire Mlle Jeanne D…, c’est bien lui… nous allons lui demander s’il veut nous parler de ses femmes, de ses aventures, de ses amours….
Et sur ce dernier mot magique, la voix de la demoiselle spirite se pâma…
Or, Landru, bon garçon (ou plutôt bonne âme) déclara, toujours par l’entremise du guéridon, qu’il était prêt à parler. Enfin, on allait savoir comment était morte Mme Cuchet, comment il avait envoyé dans un monde qu’on dit meilleur Mme Collomb, comment il avait occis Mme. Mercadier, comment…
— Mais, dit alors un sceptique, qu’est-ce qui nous prouve que c’est bien l’esprit de Landru ?
— Il n’y a pas de doute.
— Mais si…
— Mais non…
— Imbécile… incroyant…, abruti…, etc., etc.
Des mots plus aigres que doux étant échangés, on en vint aux mains qui, pour la circonstance, avaient abandonné le marbre froid du guéridon. Et ce fut une mêlée générale : coups de pied, coups de poing, vitres prisées, tableaux arrachés, chaises qui tournaient… sur la tête des combattants.
Brusquement, la porte s’ouvrit figeant les belligérants sur place. Qu’allait-il se passer ? l’esprit vengeur de Landru réincarné apparaissait-il ?
Non… le visage légendaire à la barbe noire qu’on vit pour la dernière fois dans le panier de M. de Paris, ne se fit pas voir… un agent, à la bonne figure épanouie, se montrait sur le seuil, suivi d’un collègue et de la concierge de l’immeuble que le bruit fait chez Mlle D… avait inquiétée. Tout le monde s’en fut au poste. Prochainement, cette seconde affaire Landru aura son épilogue devant le juge de paix du 9e arrondissement, spirites et sceptiques se réclamant mutuellement des dommages-intérêts pour coups et blessures.
« Cyrano. » Paris, 1931.
L’écouteuse de trépassés
Dans cette région qui s’étend de La Roche-Bernard à Vannes, les paysans de la lande et les pêcheurs de la grève gardent aux défunts un souvenir d’autant plus inaltérable que nul d’entre eux ne croit à la mort définitive.
Il est admis que les trépassés reviennent, qu’ils se promènent dans les maisons et surveillent tous les actes de leurs descendants. Ce culte influe sur les décisions des vivants qui n’osent rien entreprendre sans avoir sollicité l’approbation des ancêtres. Aussi, existe-t-il, dans les hameaux qui entourent Ploërmel, de pieuses pauvresses dont l’exode, de chaumière en ferme, n’est qu’une perpétuelle patenôtre et qui ont conquis un pouvoir redoutable : celui d’écouter et de comprendre les trépassés dans tous les actes importants de la vie.
Elles sont consultées par les paysans et les pêcheurs et elles servent d’intermédiaires entre les vivants et les morts dont elles font connaître les décisions.
L’une d’entre elles, Corentine Le Clech, écouteuse de trépassés depuis plus de trente ans, qui venait de doubler le cap de la quatre-vingt-septième année, a été trouvée rigide dans le cimetière d’un village voisin de Ploërmel : elle était morte dans son champ d’expériences, emportant dans l’au-delà le respect que les habitants de cette région attachent à la fonction de confidente des morts.
« L’Écho du merveilleux. » Paris, 1913.
Peinture : Georges Belnet.
L’occultisme ou le ouija américain
Les Américains sont déconcertants. Un savant du Michigan affirme que le psychisme fait fureur, en ce moment, aux Etats Unis. Les tables tournantes sont vieux jeu.
On vient d’inventer, patenter et lancer le Ouija Board. C’est une planchette triangulaire montée sur un trépied mobile, lequel se promène sur un tableau carré où des lettres sont marquées. On place les doigts sur la planchette, l’Esprit ! la conduit. Il l’arrête sur telles lettres dont l’ensemble forme des mots, puis des phrases. Voilà la communication avec l’au-delà ! Le Ouija est partout et sans cesse consulté pour les moindres événements.
Un procès retentissant met, en ce moment, le Ouija à l’ordre du jour. Un riche veuf américain, Rigal, a promis mariage à Mrs. Cecilia Green, il y a un an. Aujourd’hui, il refuse de conduire à l’autel sa fiancée, sous prétexte que son Ouija l’a gentiment déconseillé de tenter un second mariage. Cecilia exige 50 000 dollars de dédit.
Les juges sont perplexes S’ils donnent raison au Ouija, si de par ce verdict, la rupture du Ouija devient légale, les procès vont affluer et de beaux jours se préparent pour les avocats des Etats-Unis. S’il lui donnent tort les dames sentimentales se récrieront à la pensée qu’on condamne un bel exemple de piété conjugale : un marié qui veut rester fidèle au souvenir de sa défunte épouse.
« Le Semeur algérien. » Alger, 1920.
Impressions du grand penseur Léon Tolstoï sur le rêve se rapportant à l’Au-delà
Nous vivons en rêves presque avec la même intensité qu’en réalité. Pascal dit : « Je crois que si nous pouvions nous voir en rêve constamment dans la même position, tandis qu’elle diversifierait dans la vie réelle, nous considérerions le rêve comme la réalité, et la réalité comme un rêve ».
Ce n’est pas tout à fait exact.
La réalité se distingue du rêve parce qu’elle est plus vraie. Je dirai donc autrement : si nous n’avions pas connu une vie plus réelle que le rêve, nous considérerions le rêve comme la vraie vie et nous n’aurions jamais douté qu’il ne fut plus la vie vraie.
Toute notre vie, depuis la naissance jusqu’à la mort, n’est-elle pas avec tous ses rêves également un rêve que nous prenons pour la réalité ? Ne sommes-nous pas certains de sa réalité, uniquement parce que nous ne connaissons pas une autre vie qui soit plus réelle ? Non seulement je le pense, mais je suis convaincu que c’est la seule raison de cette certitude.
De même que les rêves de notre vie terrestre constituent un état pendant lequel nous vivons d’impressions, de sentiments, de pensées, appartenant à notre vie antérieure et faisons provision de forces pour le réveil, pour les jours à venir, toute notre vie actuelle constitue un état pendant lequel nous vivons sous une sorte d’incarnation de l’âme vers les vies successives; ou de la vie antérieure plus réelle, et faisons provision de forces pour la vie future, plus réelle et dont nous sommes sortis.
De même que nous vivons des milliers de rêves pendant notre vie terrestre, celle-ci est l’une des milliers de vies dans lesquelles nous entrons en sortant de l’autre vie, plus réelle, plus authentique et à laquelle nous revenons après notre mort.
Notre vie terrestre est l’un des rêves d’une autre vie, plus réelle, et ainsi de suite jusqu’à l’infini, jusqu’à la dernière vie, qui est la vie de Dieu,
La naissance et l’apparition des premières notions sur le monde peuvent être considérées comme le commencement du sommeil; toute la vie terrestre, comme le sommeil complet ; la mort comme le réveil.
La mort prématurée, c’est lorsque l’homme est réveillé avant d’avoir dormi tout son sommeil.
La mort dans la vieillesse, c’est lorsque l’homme à bien dormi et qu’il s’est réveillé de lui-même.
Le suicide, c’est un cauchemar qu’on fait évanouir en se souvenant qu’on dort; on fait un effort et on se réveille.
L’homme qui est tout absorbé par la vie présente, qui n’a pas le pressentiment d’une autre vie, c’est celui qui dort profondément.
Le sommeil profond sans rêves est comparable à l’état de demi-bestialité.
Le dormeur qui sent pendant le sommeil ce qui se passe autour de lui, qui a le sommeil léger et qui est prêt à se réveiller à tout instant, c’est celui qui a conscience, quoique vaguement de la vie dont il est sorti et à laquelle il est en train de revenir.
Pendant le sommeil, l’homme est toujours égoïste, vit solitaire, sans participer à la vie de ses semblables, sans aucun lien avec eux.
Dans la vie que nous considérons comme réelle, notre lien avec nos semblables est déjà plus grand: il y existe une
apparence de l’amour du prochain.
Dans la vie dont nous sortons, et à laquelle nous retournons ce lien est plus étroit; l’amour du prochain n’est plus une simple aspiration, mais une réalité.
Dans la vie pour laquelle celle dont je viens de parler n’est qu’une préparation, le lien entre tous est plus étroit et l’amour de tous plus grand encore.
Cette fois, dans ce rêve, nous sentons déjà tout ce qui se réalisera peut-être dans la nouvelle vie.
La forme corporelle dans laquelle nous surprend ici-bas le réveil de notre conscience de la vraie vie, apparaît comme la limite au libre développement de notre esprit.
La matière est la limite de l’esprit. La vraie vie commence lorsque celle limite est abolie.
Cette notion renferme toute la connaissance de la vérité, et qui donne à l’homme la conscience de la vie éternelle. Je ne m’amuse pas à imaginer une théorie. Je crois de toute mon âme en ce que je dis. Je sens, je sais avec certitude qu’en mourant je serai heureux, que j’entrerai dans un monde plus réel.
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