apparitions

Les hantises de la place Saint-Etienne

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the-knickA Rennes, les environs de l’ancienne église Saint-Etienne ont été presque jusqu’à nos jours redoutés par les habitants des environs : on disait qu’ils étaient hantés par des personnages mystérieux qui pouvaient bien appartenir à l’autre monde.

En 1825, l’église qui servait de magasin de campement, était entourée d’un vieux cimetière dont les murs tombaient en ruines. Un soldat montait la garde à l’une des brèches. Peut-être dès cette époque, ce lieu passait-il pour être le théâtre d’apparitions. Toujours est-il qu’un étudiant se déguisa en fantôme pour faire peur à la sentinelle. Celle-ci le frappa d’un coup de baïonnette dont il mourut. On ignora son décès, et l’on,crut que le soldat avait vu un revenant. 

L’amphithéâtre de l’Ecole de Médecine qui se trouvait dans un coin du cimetière Saint-Etienne contribuait encore a donner un mauvais renom à ce coin de Rennes. 

Enfin, un peu plus tard encore, on trouva un matin d’hiver dans les rues de Rennes, une fille du nom de Tiberge, bâillonnée et presque mourante. Le bruit se répandit aussitôt en ville que les  carabins, comme on appelait alors les élèves en médecine, s’étaient livrés sur elle à des expériences de toutes sortes. 

Les étudiants portaient alors de longs cabans avec un capuchon, et l’on disait que le soir, ils allaient par bandes dans les rues et emportaient à l’amphithéâtre, sous leurs manteaux, les jeunes filles qu’ils rencontraient. Pendant des mois, les ouvrières n’osèrent sortir seules des ateliers, où les parents allaient les chercher le soir. 

Tous ces faits réunis furent longtemps un sujet d’épouvante surtout dans le quartier Saint-Etienne où se trouvaient l’amphithéâtre et les carabins. 

A. Orain. « Revue des traditions populaires. » Paris, 1898.
Illustration : « The Knick »  Steven Soderbergh, 2014.

Apparitions et visions en Berry

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Dans nos vallées ombragées, coupées de grandes plaines fertiles, un animal indéfinissable se promène la nuit à certaines époques indéterminées, va tourmenter les bœufs aux pâturages et rôder autour des métairies qu’il met en grand émoi. Les chiens hurlent et fuient à son approche, les balles ne l’atteignent pas.

Cette apparition et la terreur qu’elle inspire n’ont encore presque rien perdu dans nos alentours. Tous nos fermiers, tous nos domestiques y croient et ont vu la bête. Les uns l’ont vue en forme de chien de la grandeur d’un bœuf énorme; d’autres en levrette blanche haute comme un cheval; d’autres encore en simple lièvre ou en simple brebis. Des gens trop sincères et trop raisonnables l’ont vue, pour que j’ose dire qu’il n’y a aucune cause à leur vision… sont-ce des voleurs qui s’introduisent sous ce déguisement ? Jamais la bête n’a rien dérobé que l’on sache. Sont-ce de mauvais plaisants ? On a tiré tant de coups de fusil sur la bête, qu’on aurait bien, par hasard, et en dépit de la peur qui fait trembler la main, réussi à tuer ou à blesser quelqu’un de ces prétendus fantômes.

Enfin, ce genre d’apparition, s’il n’est que le résultat de l’hallucination, est éminemment contagieux. Pendant quinze ou vingt nuits, les vingt ou trente habitants d’une métairie le voient et le poursuivent; il passe à une autre petite colonie qui le voit absolument de même, et il fait le tour du pays ayant produit cette contagion sur un très grand nombre d’habitants.

Une nuit, deux personnes qui me l’ont raconté, virent passer dans le bois une grande bande de loups; elles en furent effrayées, et montèrent sur un arbre d’où elles virent ces animaux s’arrêter à la porte d’une cabane d’un bûcheron réputé sorcier. Ils l’entourèrent en poussant des rugissements épouvantables; le bûcheron sortit, leur parla, se promena au milieu d’eux, et ils se dispersèrent sans lui faire aucun mal. Ceci est une histoire de paysan; mais deux personnes riches, et ayant reçu une assez bonne éducation, gens de beaucoup de sens et d’habileté dans les affaires, vivant dans le voisinage d’une forêt où elles chassaient fort souvent, m’ont juré, par l’honneur, avoir vu étant ensemble un vieux garde-forestier s’arrêter à un carrefour écarté et faire des gestes bizarres. Ces deux personnes se cachèrent pour l’observer, et virent accourir treize loups dont un énorme qui allait au garde et lui fit des caresses. Celui-ci siffla les autres comme on siffle des chiens et s’enfonça avec eux dans l’épaisseur du bois. Les deux témoins de cette scène étrange n’osèrent l’y suivre, et se retirèrent aussi surpris qu’effrayés.

Mais voici la plus effrayante des visions de la nuit.

Autour des mares stagnantes, dans les bruyères comme au bord des fontaines ombragées, dans les chemins creux, sous les vieux saules comme dans la plaine nue, on entend au milieu de la nuit le battoir précipité et le clapotement furieux des lavandières. Il faut bien se garder de les observer et de les déranger, car, eussiez-vous six pieds de haut et des muscles en proportion, elles vous saisiraient, vous battraient et vous tordraient dans l’eau ni plus ni moins qu’une paire de bas.

Un mien ami passait auprès des étangs de Thevet, vers deux heures du matin. Il venait de Linières, où il assure qu’il n’avait ni bu ni mangé, circonstance que je ne saurais garantir; il était seul en cabriolet, suivi de son chien. Son cheval étant fatigué, il mit pied à terre à une montée et se trouva au bord de la route près d’un fossé où trois femmes lavaient, battaient et tordaient avec une grande activité sans rien dire.

Son chien se serra tout à coup contre lui sans aboyer. Il passa sans trop regarder; mais à peine eut-il fait quelques pas, qu’il entendit marcher derrière lui et que la lune dessina à ses pieds une ombre très allongée. Il se retourna et vit une de ces femmes qui le suivait. Les deux autres venaient à quelque distance comme pour appuyer la première. Ces femmes, dit-il, étaient d’une taille si élevée, et celle qui me suivait avait tellement les proportions, la figure et la démarche d’un homme, que je ne doutai pas un instant devoir affaire à des plaisants de village, malintentionnés peut-être. J’avais une bonne trique à la main. Je me retournai en disant : Que me voulez-vous ?

Je ne reçus point de réponse; et, ne me voyant pas attaqué, n’ayant pas de prétexte pour attaquer moi-même, je fus forcé de regagner mon cabriolet, qui était assez loin devant moi, avec cet être désagréable sur mes talons.

Je tenais toujours mon bâton prêt à lui casser la mâchoire au moindre attouchement; et j’arrivai ainsi à mon cabriolet avec mon poltron de chien qui ne disait mot et qui y sauta avec moi. Je me retournai alors, et, quoique j’eusse entendu jusque-là des pas sur les miens et vu une ombre marcher à côté de moi, je ne vis personne.

Seulement, je distinguai à trente pas environ en arrière, à la place où je les avais vues laver, ces trois grandes diablesses sautant, dansant et se tordant comme des folles sur le revers du fossé.

George Sand.
Peinture de Théodore Rousseau.

Fantômes russes

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Des légendes commencent à courir, chez le peuple russe, au sujet de la mort de Tolstoï. On parle déjà d’apparitions sur la tombe du grand écrivain.

Des paysans qui la gardaient, une des nuits dernières, assurent qu’un vieillard à longue barbe blanche, entièrement vêtu de noir, soudain se montra près d’eux, et que, s’étant agenouillé, il pria longuement. Puis il dit : « N’ayez aucune, crainte ! » et il s’effaça. Ensuite, ce fut une petite vieille, toute ridée, qui descendit du ciel en volant. Un moujik tira des coups de fusil dans sa direction. Mais la petite vieille se mit à rire, d’un rire très doux, frappa trois coups dans ses mains, et l’ombre s’évanouit.

Allons-nous revoir sur le tombeau de Tolstoï les convulsionnaires du diacre Pâris, et se renouveler, à Yasnaïa-Poliana, les miracles du cimetière de Saint-Médard ?

« Eclaireur de l’Est. » 1911.

Les apparitions de Tilly-sur-Seulles

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Tilly-sur-Seulles

Le Calvados est fort agité en ce moment, et c’est à qui se précipitera vers une petite commune des environs de Caen, où des faits que l’on n’ose encore qualifier de miraculeux se sont produits depuis quelques mois.

Un certain après-midi, comme une soeur de l’école gourmandait pour sa distraction durant la classe, une de ses élèves fort occupée à regarder par la fenêtre, celle-ci clama subitement qu’elle voyait la sainte Vierge, et l’on prétend qu’en même temps qu’elle, plusieurs de ses petites compagnes furent favorisées de la même vision.

Par une bizarrerie que l’on s’explique mal, chaque visionnaire percevait une image excessivement vague, mais toujours très différente.

C’est au bout d’un champ, non loin de l’école, que l’apparition se manifestait tout proche d’un certain arbre. On s’imagine aisément le bruit que l’aventure fit dans le village. Le propriétaire du champ s’avisa d’y faire apposer un placard, sur lequel on lisait : « On ne blasphème pas ici », et quelques jours après, tous les gens des environs, puis ceux des villes avoisinantes, se mirent à processionner vers Tilly, au point que de toutes parts on organisa des caravanes, composées de foules sans cesse renouvelées de curieux ou de croyants attirés par l’espoir de voir eux aussi quelque chose.

L’étoile de Mlle Couesdon en a pâti, et l’on a oublié l’ange Gabriel pour s’intéresser à ce nouveau phénomène, certes plus extraordinaire que les prophéties mirlitonesques de la voyante de la rue de Paradis.

Jusqu’à nouvel ordre, le clergé fait des réserves, et le curé du village ne semblait pas disposé à favoriser le mouvement qui s’accentuait vers sa petite paroisse.

Il y a eu un peu de ralentissement dans l’élan des premiers jours, et pendant quelque temps les apparitions sont devenues beaucoup plus rares. Néanmoins, tel est l’attrait de notre fin de siècle vers le surnaturel et le merveilleux, que des gens parlent d’élever un sanctuaire, sous l’invocation de Notre-Dame de Tilly.

Lorsqu’on en sera là, il se peut qu’il y ait des difficultés au sujet de la façon dont on devra représenter la sainte image de la nouvelle madone, car jusqu’à nouvel ordre, ainsi que nous le disions plus haut, personne ne tombe d’accord sur la forme sous laquelle elle s’est montrée.

Mais qu’importe, si les coeurs simples et fervents trouvent dans cette foi nouvelle un allègement, et s’ils puisent au pied des nouveaux autels la consolation et l’espoir qu’ils y viendront chercher !

« La Science illustrée. » Paris, 1896.