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Minette et l’amour 

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chatteMalgré le mystère dont les chats aiment à entourer leurs amours, pour lesquels ils cherchent la solitude et la nuit, on sait que pour eux les désirs amoureux ne sont pas l’appel d’un plaisir facile, mais un tourment et qu’il a le sens anticipé des douleurs qui vont l’accompagner.

De là, un moment contradictoire, qui semble diabolique et  démoniaque, de fureur dans l’amour de volupté douloureuse et sauvage, et d’autant plus avidement reçue. 

La chatte trouve dans les désirs des mâles, dit Mme Michelet, un moment de souveraineté. Il se forme autour d’elle, parfois, une véritable cour d’amour. Quand les soupirants viennent la solliciter, elle observe les rivaux afin de  se déterminer dans son choix. Dans l’amour, elle est plus intéressante que le mâle, qui est amoureux par crises sauvages qui le laissent anéanti et morne. La chatte, après l’acte génésique, acquiert une nouvelle grâce. Elle est toujours enfant, joue parfois, pendant la grossesse, avec une certaine frénésie nerveuse. 

Le mâle, à aucun moment, n’a la joliesse adorable de la femelle allaitant ses petits. Tout est douleur, dans l’amour, pour la chatte : douleur par excès de désir avant, par excès de souffrance pendant, douleur de l’enfantement après… Et cependant, elle se laissera toujours enjôler par ce séduisant petit tigre en miniature… 

« Mon Paris. » Paris, 1937.

L’enfant de Bohème

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Une fenêtre d’un grand hôtel de la  promenade des Anglais de Nice s’ouvrait  brusquement, un soir, et un homme venait s’abattre sur le trottoir.

C’était un gentleman qui portait avec distinction un des plus grands noms d’Ecosse. Il ne s’était pas tué par neurasthénie, ni de dégoût de ne pouvoir monter à cheval sans tomber, comme le prince de Galles, ni même pour avoir pris au jeu la tragique culotte. Il s’était tué par désespoir d’amour.

A Londres, il avait fait la connaissance d’un joli mannequin qui rêvait de devenir danseuse et qui était en passe de le devenir, ayant remporté un premier prix à Paris et un autre à Nice. Le jeune mylord voulait épouser le joli mannequin. Mais le joli mannequin signifia au jeune mylord qu’elle préférait la danse aux révérences à la cour de Buckingham et au traditionnel château en Ecosse. Le compatriote de Walter Scott, entendant ça, ouvrit la fenêtre et se précipita. Cette aventure tragique a causé dans la gentry anglaise une véritable consternation.

Eh quoi, ont dit les joyeuses commères de Windsor et d’ailleurs, être noble, riche, beau et se tuer pour une dancing girl, alors qu’il y a dans la société tant de jeunes filles qui sèchent sur pied.

Hélas ! bonnes gens, l’amour est toujours enfant de Bohême, même lorsqu’il porte la jaquette bordée et le monocle d’un jeune membre du Savage Club. Notre jeune Ecossais était coiffé de sa petite fille de rien du tout et il a fait poum ! de désespoir d’en être dédaigné. Lord Byron, ce Don Juan hautain et sec, n’aurait pas approuvé cette histoire d’amour terminée par une défenestration. Mais lord Byron aima-t-il vraiment ?

Ce bon jeune homme qui s’écrase, comme un vulgaire calicot amoureux, sur l’asphalte lui est, à mon avis, infiniment supérieur.

André Négis, 1929.
Peinture : Angelo Garino.

Elle aimait les fleurs

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Pour rendre plus familière la personnalité de George Sand, nous avons demandé à sa petite-fille, Mme Aurore Sand, d’évoquer quelques souvenirs de sa grand-mère. Aurore Sand est elle-même un écrivain apprécié des lettrés, ayant publié « Le roman de George Sand et d’Aurélien de Sèze », « Pour remettre à Frank », « La vie commande », Le Berry de George Sand ».

Chaque nuit elle prolongeait son travail à la lumière d’une petite lampe posée sur son bureau et ce n’est que le lendemain après-midi, après avoir lu les journaux et son courrier, qu’elle descendait retrouver sa famille.

L’été on sortait au jardin, où vite elle allait regarder l’état des fleurs, sur la terrasse, où s’alignaient des « caisses » d’orangers, de grenadiers, de citronnelle et de fuchsias. Elle les admirait et se pénétrait de leur parfum, puis elle nous entraînait dans cette partie du jardin qu’elle nommait : le « rosacium ».

Des massifs de rosiers encadraient de petites plates-bandes semées de de toutes les fleurs odorantes qui attiraient les papillons dont mon père possédait un bel élevage. Il composa une collection entomologique complète de toutes les espèces du centre de la France.

George Sand et son fils aimaient la nature en véritables amants. Ils s’adonnaient ensemble à son étude constante et passionnée.

Il n’y avait pas de promenade sans que ma grand-mère ne rapportât des fleurs pour son herbier, car, à force d’aimer les fleurs vivantes, fraîches, magnifiques ou modestes, elle était devenue « un véritable botaniste ». Elle les classait, les étiquetait, les conservait et les aimait comme mortes vivantes.

Son culte naturel pour tout ce qui est végétal, mystérieux et splendide dans notre terre de France, l’avait portée à acclimater des ananas dans une serre, et dans le gazon, devant la maison, une petite plante commune dans le midi, le « muscari », dont la fleur émane une odeur de prune. Souvent aussi elle me conduisait pour regarder la « stellaire holostée » qui ouvre ses pétales en étoile lorsqu’il fait beau et les ferme lorsque le temps se couvre.

Elle m’enseignait ce qui est immuable et cependant mouvant dans cette matière qui nous enveloppe et que nous n’admirons et n’aimons jamais assez.

Cette phrase est comme un dernier vœu : « La mort n’étant pas un malheur mais une délivrance, je ne veux sur ma tombe aucun emblème de deuil. Je désire au contraire qu’il n’y ait que des fleurs, des arbres et de la verdure« .

« Almanach de la femme française. »  Union des femmes françaises.  Paris, 1946.
Illustration : montage fait maison.

Roman d’amour

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amoureux

Les Japonais ont beau s’européaniser, il y a des points de notre civilisation qui leur échappent toujours. Par exemple, ils ne comprennent pas encore l’importance que nous donnons à l’amour dans tous nos romans. L’un d’eux disait à M. Gaston Donnet, qui le rapporte dans son Histoire de la Guerre, russo-japonaise :

Pourquoi cet amour, toujours cet amour ? Vos héroïnes sont toujours des femmes qui « ont droit à l’amour », qui « veulent prendre leur part d’amour » et qui, ne trouvant pas cette part d’amour dans le mariage, vont la chercher dans la fantaisie ; des jeunes filles en quête d’un époux qu’elles tromperont bientôt, parce qu’elles n’auront pas pu « prendre avec lui leur part de bonheur ». Tout cela est profondément assommant. Je me demande où, mais où vos romanciers et vos auteurs dramatiques s’en vont chercher leurs modèles dans la vie ?…

Ce ne sont pas des drames d’amour que raconte la vie, ce sont des drames d’argent. Pourquoi ne nous parle-t-on jamais de la soif ou de la faim, et, pourquoi nous parle-t-on sans cesse de l’amour, qui est une fonction de la vie, au même titre, aussi banale et animale, que la soif et la faim ? On ne dit pas qu’un homme est malheureux quand il mange. Pourquoi dit-on qu’un homme est malheureux quand il aime ? 

Et ce Japonais concluait que toute notre littérature était parfaitement inutile !…

« Le Journal du dimanche : gazette hebdomadaire de la famille. »  Paris, 1905.

Amour-propre

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prétentieux.

Un auteur a qualifié l’amour-propre, le plus grand de tous les flatteurs. Ou encore : amour de soi, qui peut, au cas échéant, tenir lieu de tout ce qu’on n’a pas.

« L’amour-propre, disait le célèbre théologien protestant Abbadie, entre essentiellement dans toutes les vertus. Une bonne action n’est qu’une manière de s’aimer, un amour-propre plus noble que les autres. »

L’amour-propre, a dit Voltaire, fort expert d’ailleurs en cette question, est semblable à l’avarice, il ne laisse rien traîner. L’une se baisse pour ramasser la plus misérable guenille, el l’autre le plus plat éloge.

Nul mortel, peut-être, ne porta la présomption et l’amour-propre plus loin qu’un certain Ségérus, professeur en l’Université de Wirtemberg. Il fit graver son portrait au-dessus d’un crucifix, avec cette inscription :

« Seigneur Jésus, m’aimez-vous ?« 

Et Jésus répondait :

« Oui, très illustre, très excellent, très docte seigneur Ségérus, poète couronné par sa majesté impériale, et très digne recteur de l’université de Wirtemberg, oui, je vous aime !« 

« Musée des familles. »  Charles Delagrave, 1897, Paris.