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Le calvaire des  sorcières et diseuses de bonne aventure

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Henry-Ossawa-TannerLa croyance à la sorcellerie a ravagé L’Europe, comme une terrible maladie, pendant trois siècles. De la moitié du XVe siècle à la moitié du XVIIIe siècle, environ cent mille hommes et femmes sont morts, victimes de cette superstition. En une seule ville de Limbourgeoise, 138 personnes. Dans la région de Trêves, il ne resta que deux habitants en vie, dans deux villages. Le juge Balthasard Voss avait à lui seul condamné à mort 700 accusés. A Neisse, il y avait un four, dans lequel en 1651, quarante femmes ont été brûlées pour sorcellerie.

Le peuple redoutait les sorcières et la sorcellerie. On s’imaginait que le diable pouvait prendre des formes humaines et se promener de par le monde. On croyait l’avoir aperçu,habillé de velours noir, une plume rouge au chapeau. Il ne manquait même pas à cette description, le pied fourchu. Selon la croyance, le diable cherchait des femmes pour en faire ses maîtresses. Il les «baptisait» avec du sang, du soufre et du sel, et marquait leur prunelle gauche d’un crapaud. Les sorcières allaient au Sabbat, déguisées en chats et en lièvres, ou montaient des balais, des fourches, des boucs pour voler dans les airs. Après un festin, elles dansaient. Si une sorcière tombait en dansant, son cavalier lui disait : « Tu auras une robe rouge« , ce qui voulait dire qu’elle serait brûlée.

On croyait que les sorcières portaient la responsabilité de tous les malheurs.

Une poudre rose provoquait la tempête, un rouet trayait les vaches des autres. Elles suscitaient des orages et de la grêle, des maladies et des épidémies. Elles pouvaient tuer un homme, en bouillant et en piquant son gant, puis en l’enterrant.

La lutte contre les sorciers et les sorcières

C’était donc un devoir sacré pour chaque homme d’aider à la destruction de la sorcellerie, en dénonçant les suspects. Chaque dénonciation, même anonyme, entraînait une procédure. Toute femme ayant un défaut physique, toute personne trop savante ou soudainement enrichie, pouvait être considérée comme coupable de sorcellerie ou de diablerie.

La moindre dénonciation suffisait pour exposer un homme à la torture. Un témoin prétendait que sa vache était soudain morte, et que l’on avait vue une femme suspecte près de l’étable. Cela suffisait pour la considérer comme coupable. La grêle était tombée sur un champ, où l’on avait remarqué la fille d’une sorcière brûlée: aussitôt elle était poursuivie.

Les sorciers et les sorcières étaient jugés selon des régies fixées dans un livre spécial. Ce livre contenait trois parties : la première parlait de sorcellerie et des relations avec le diable. La deuxième, des effets de la sorcellerie et des moyens de lutter contre elle. Enfin la troisième réglait les procès contre sorcières, magiciens et monstres.

Les accusés restaient confinés dans des « tours des sorciers », les bras et les jambes enchaînés, ne pouvant faire un mouvement.

La procédure judiciaire

On commençait par un questionnaire. Si les inculpés n’avouaient pas, on procédait à l’instruction. On les déshabillait pour chercher des poudres magiques sur leur corps. Trouvait-on un grain de beauté, on le perçait d’une aiguille. Si le sang n’en coulait pas, c’était un  » stigma diabolicum « , le diable ayant rendu le corps insensible.

Puis, il y avait les diverses épreuves. D’abord, l’épreuve de l’eau. L’eau était considérée comme sanctifiée par le baptême du Jourdain, et les sorciers et sorcières devaient donc remonter à la surface, ne pouvant supporter l’eau. On ligotait en croix les bras et les jambes des accusés et on les jetait attachés par une corde, trois fois à l’eau. S’il coulaient, ils étaient innocents. S’ils flottaient, leur crime était prouvé. Ils dépendaient donc de la bonne volonté des bourreaux qui connaissaient les moyens de faire couler ou remonter.

Puis, c’était l’épreuve des balances, et celle des larmes. Les accusées devaient verser des larmes à lavue des instruments de torture. S’ils le pouvaient, ils étaient innocents, car on croyait que les sorciers et les sorcières ne pouvaient pas pleurer.

Les tortures

La torture était le moyen principal pour obtenir des aveux. Selon le droit général, un accusé était libre s’il avait supporté la torture pendant une heure. Mais les inculpés de sorcellerie pouvaient être torturés indéfiniment. On suspendait des poids aux pieds des inculpés, on leur enfonçait des pointes sous les ongles des mains et des pieds, on leur arrachait les ongles, on laissait couler sur leur corps nu des gouttes brûlantes de goudron, on les mettait sur des chaises avec 150 pointes acérées, on les empêchait de dormir pendant toute une semaine.

La fille d’un fonctionnaire d’Ulm a été torturée sept fois. Un « sorcier » de Westphalie, vingt fois.

Beaucoup mouraient sous la torture. D ‘après les procès-verbaux, le diable venait les chercher.

Dans la plupart des cas les torturés avouaient leurs relations avec le diable, mais cet aveu devait être répété librement. Si les inculpés le retiraient, on recommençait la torture, dix fois, s’il le fallait. Enfin, les malheureux avouaient les choses les plus insensées, et accusaient d’autres personnes de relations avec le diable, ce qui amenait la perte de celles-là.

Mais certains ont pu supporter toutes les tortures. Les femmes résistaient mieux que les hommes.

La cupidité des juges était une des raisons principales du grand nombre des procès de sorcellerie.

Les biens des condamnés étaient confisqués. Une grande partie allait aux juges, le reste aux bourreaux et aux dénonciateurs. On préférait par conséquent des sorcières riches. On menaçait de procès des femmes nobles, et on leur soutirait ainsi de fortes sommes. Tous les juges des procès de sorcellerie étaient riches.

Ainsi sévissait cette folie, cette guerre, dans toute l’Europe, malgré les avertissement de tant de prêtres et de laïcs. Mais quand enfin les pouvoirs, religieux et séculier, vainquirent les difficultés où les avait jetés le temps nouveau, ils arrêtèrent cette agitation insensée et « rétablirent la paix dans les âmes ».

« Les Echos de Damas. » 1931.
Illustration : Henry Ossawa Tanner.

La fée prout ! prout !

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vieille-femme

Aux alentours de 1860, le sieur Blandin , de Cernois, revenait de la foire de Précy-sous-Τhil. Il était plus de dix heures du soir. En passant près du parc de Bierre, il vit tout à coup une forme humaine, plus grande que nature, appuyée contre le mur du parc. La peur le prit et lui donna des ailes.

Près de l’entrée d’un mauvais et étroit chemin entre deux haies, appelé la ruelle des Faraguégnia (ruelle des ferrailleurs), se trouvent les vieux poiriers cabus de la ferme de Cernaisot, sous lesquels se tient une Fée, et « où l’on est exposé à voir quelque chose. » En effet, Blandin avait à peine dépassé les maudits poiriers et mis le pied dans la ruelle, lorsqu’il sentit le terrain craquer sous lui. On aurait dit qu’il marchait sur des épines. Il y avait aussi des cahotements terribles. Le pauvre Blandin était plus mort que vif. Une petite vieille, bossue, laide comme les sept péchés capitaux, vêtue d’habits religieux, le suivait pas à pas.

Quelle était-elle ? Blandin ne le lui demanda pas. Il prit ses jambes à son cou et ne tarda pas à rentrer chez lui, en proie à la fièvre. Pendant plusieurs jours il fut très malade. Quant à la Fée, elle avait disparu par un chemin frayé de lièvre dans la haie.

Quelques années après, ce même Blandin revenant le soir d’une veillée à Menestois, fut croisé, un peu avant d’arriver à Cernois, par deux lumières très vives qui disparurent en faisant : prout ! prout ! C’étaient des cuelai, ou âmes en peine demandant des prières. 

Clément-Janin, Marcel-Hilaire/M. H. Marlot. « Traditions populaires de la Côte-d’Or. » Dijon, 1884.

 

La confession des huit cents soldats

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amiens

Les journaux ont annoncé que la municipalité d’Amiens a fait renverser la croix de la mission plantée par le missionnaire Guyon. Cette croix rappelle une anecdote assez curieuse qui arriva à Amiens lors de son inauguration.

L’abbé Guyon, non content de s’être exercé sur les dévots de la ville, voulut encore sauver les âmes de la garnison. D’accord avec le colonel du régiment, huit cents soldats se confessèrent, communièrent et dînèrent à l’évêché. Mais l’exhortation de Guyon ayant duré trop longtemps, les mets se refroidirent dans les casseroles, et les huit cents soldats furent atteints de coliques violentes. Ces militaires, pris de vin pour la plupart, se livrèrent à des blasphèmes affreux, attribuant leur mal à une autre cause qu’au vert-de-gris. Grande rumeur dans la ville ! mystification pour l’évêque et pour le préfet !

Guyon seul ne se déconcerte point, et propose de recommencer le lendemain ; mais, au lieu de faire dîner les soldats à l’évêché, il veut qu’on donne à chacun d’eux trois francs pour boire à sa santé. La cour royale d’Amiens s’y opposa, et Guyon partit dans une bonne voiture traînée par le peuple jusqu’à une lieue en dehors de la ville, où l’on attela des chevaux de poste.

bonne-aventure

Ce Guyon si brillant n’est autre chose qu’un fou ; il est presque Lyonnais, puisqu’il est né à Régnier, petit bourg du département de la Loire, à la montagne de Tarare. Du reste, il n’est pas le seul fou qui soit dans sa famille.

Il prêchait, un dimanche, dans l’église de Perreux, autre bourg du même pays ; il en était au plus fort de ses preuves, lorsqu’on vint l’avertir d’un scandale épouvantable, qui avait lieu à la porte de l’église : une femme disait la bonne aventure aux paysans, et chantait des chansons mondaines. Guyon descend de la chaire, furieux, et court se précipiter sur la bohémienne.

C’était sa sœur !

« Archives curieuses. »  Paris, 1831.

Logique !

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purgatoire
Un frère de la Charité quêtait dans une église pour les âmes du purgatoire.
*
Un seigneur lui montra une pièce de quatre pistoles et lui demanda combien elle délivrerait d’âmes ?
Plus de dix mille, répondit le frère.
Ce seigneur lui mit dans sa bourse cette pièce , et la grand’messe étant finie, comme il continuait de quêter, son bienfaiteur l’appela , en feignant de fouiller dans sa poche, pour racheter encore des âmes. Il lui demanda si les dix mille âmes étaient véritablement délivrées.
Oui, monsieur, répliqua le frère qui tenait toujours sa bourse ouverte.
Alors ce seigneur affectant de lui donner une seconde pièce, retira la première , en disant:
Si elles sont délivrées, elles ne s’aviseront pas d’y retourner.
*
 » Encyclopédiana ou L’abeille de Montmartre  »  Ed. Marchand, Paris, 1801.